Lors des échanges des élus mahorais avec le président Emmanuel Macron le 17 mai dernier, les paroles ont influencé les écrits à venir pour figer les priorités des deux lois Mayotte, « le Chef de l’Etat a décidé que les travaux menés par le Gouvernement seraient enrichis par l’examen des propositions qui ont été formulées en séance », rappelle Marie Guévenoux dans un courrier daté du 18 mai et adressé aux parlementaires, aux conseillers départementaux et aux maires. « Dans un délai de quinze jours, des réunions thématiques seront organisées à Paris avec notamment les ministres en charge de l’Éducation Nationale, du Travail, des Solidarités et de la Santé ainsi qu’avec le Garde des Sceaux, en présence des élus de Mayotte afin d’examiner les propositions qui pourraient être intégrées dans le projet de loi constitutionnel et le projet de loi ordinaire ».
Ces travaux seront conclus par une réunion sous l’égide du Premier ministre, avec les ministres concernés et les élus de Mayotte, et parallèlement, le président de la République figera les réformes constitutionnelles avec les présidents des instances concernés (Assemblée nationale, Sénat, commission parlementaires et groupes parlementaires), en fonction des demandes des élus de Mayotte. Il s’agit d’aboutir à un consensus qui va être difficile à trouver.
Dans un mois les deux projets de loi définitifs seront transmis aux élus, pour un vote à la rentrée parlementaire.
La ministre des Outre-mer annexe à son courrier les propositions complémentaires émises par les élus ce 17 mai. Dans l’interview de Mansour Kamardine que nous publions ce jour, il apparait que les élus demandent notamment de réorienter les investissements en fonction de l’impact qu’aura la maitrise des flux migratoires.
Stopper le double droit du sol
Le projet de loi constitutionnel est axé sur ce contrôle des frontières. En complément de la suppression du droit du sol, les élus demandent de « mettre un terme au ‘double droit du sol’ pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers eux-mêmes nés à Mayotte qui, en l’état actuel du droit, peuvent aujourd’hui automatiquement accéder à la nationalité française sans autre critère que le lieu de naissance ». Par ailleurs, les dispositions du Projet de loi constitutionnel (PJL-C) devront s’appliquer aux personnes encore mineures à la date d’entrée en vigueur de la loi qui auraient pu effectuer, postérieurement à celle-ci, une demande de reconnaissance de nationalité.
Des mesures qui s’ajouteraient à celles déjà inscrites au projet de loi ordinaire selon les quatre axes connus : Durcir les conditions d’accès au séjour pour l’immigration familiale sur les titres « parents d’enfant français » et « liens privés et familiaux » pour les premières demandes et pour les renouvellements, et allonger les délais de présence pour l’octroi de la carte de résident « parents d’enfant français » et de la carte de séjour « liens privés et familiaux ». Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité notamment en les centralisant à Mamoudzou, et prévoir un durcissement de la peine d’amende en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité. Faciliter l’éloignement en renforçant l’aide au retour volontaire pour les nouvelles filières d’immigration (donc non comoriennes). Et mieux contrôler les flux financiers en les conditionnant à la régularité de la présence sur le territoire.
Le Projet de loi ordinaire comprendra le développement du territoire avec une possible Convention d’Urgence et de rattrapage signée avec le Conseil départemental sur l’accompagnement des politiques publiques. La convergence sociale, l’offre de santé, l’accompagnement de la jeunesse de Mayotte et la mise en avant de l’attractivité des fonctionnaires sont les autres grands axes de ce projet de loi vu comme une urgence pour le territoire.
L’évolution vers un Département-Région à l’image de la Martinique et de la Guyane passera par une évolution du mode de scrutin et éventuellement du nombre d’élus.
Convergence des conditions de scolarisation sur la métropole
Lors de ce que le président de la République appelle la « revue de territoire » de ce 17 mai, plusieurs autres points ont été mis sur la table par les élus mahorais, rapporte la ministre dans son courrier.
On y retrouve la revendication initiale de la population sur la levée de la territorialité des titres de séjour, mais aussi, la problématique de la prise en charge des mineurs non-accompagnés « dont le nombre important sature les capacités de la collectivité départementale », l’éloignement dans leur pays d’origine des mères étrangères accouchant à Mayotte, le renforcement des sanctions lors des reconnaissances frauduleuses de paternité, un travail pour répondre aux difficultés de « la jeunesse mahoraise à bénéficier de conditions de scolarité satisfaisantes du fait de la pression démographique en grande partie liée à l’immigration », les élus s’interrogeant sur la capacité à distinguer les prises en charge scolaires et sur l’obligation de scolarisation de tous les enfants, le calendrier et le contenu de la convergence sociale, la lutte contre les violences perpétrées par les mineurs induisant la demande de « mesures fortes et dérogatoires à celles appliquées sur le reste du territoire », la saisine des armes et la lutte contre le travail illégal dans les bangas, une restriction plus forte encore des conditions d’attribution des prestations sociales et un renforcement des critères de reconnaissance du droit d’asile pour réduire l’attractivité du territoire mahorais au sein de la région, les modalités de calcul de la DGF (Dotation. Globale de fonctionnent) des collectivités et de recensement de la population, la protection du littoral, la construction du nouvel aéroport, la mise en place d’un établissement public du même type que la Société du Grand Paris.
La lutte contre l’insécurité semble disparaitre sous les montagnes de retard à rattraper, c’est pourtant elle qu’il faut viser en premier lieu, les violences continuant à vider Mayotte de ses forces vives.
On sent la nécessité d’acter chaque étape par des écrits, toujours pour éviter le fiasco de la première mouture sous le ministre Lecornu qui n’avait pas bénéficié de la même attention de l’Elysée.
Anne Perzo-Lafond