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Environnement : Habit’Âme recycle vos plastiques pour construire éco responsable

La société Habit’Âme est lauréate du concours Innov’Action 976 et Startup week-end organisé par l’Adim (Agence de développement et d’innovation de Mayotte) dans la catégorie économie sociale et solidaire (ESS) et développement durable. Le projet innovant de cette société consiste à collecter et recycler des déchets en plastique pour fabriquer des matériaux de construction.

La genèse de ce projet remonte en juin 2021 quand cinq copains habitant Mayotte (une enseignante, une contrôleuse de gestion et trois architectes) ont une idée commune et décident d’entreprendre pour l’île dans laquelle ils vivent. « On réfléchissait pour savoir comment agir pour le bien-être de Mayotte, nous nous sommes dits qu’il fallait que l’on fasse quelque chose sur l’île, explique Matthieu Cozon, associé co-fondateur d’Habit’Âme et architecte au cabinet Tand’M Architectes. L’idée nous est ainsi venue de récupérer les déchets plastiques, de faire de la construction et de créer une école de formation et de production pour réinsérer les jeunes en décrochage scolaire et les publics exclus de l’emploi ».

Au début ce n’était qu’un projet, puis de fils en aiguilles ils ont créé la Sarl Habit’Âme éco construction. Même si actuellement ils n’ont pas assez de moyens pour faire une production à grande échelle, les machines dont ils disposent leur permettent de faire essentiellement de la démonstration. Ils récupèrent ainsi toutes sortes de plastiques, des bouchons de bouteilles, des pots de yaourts, des récipients, … Quasi tout sauf les bouteilles en plastique. « Chaque plastique a des propriétés physiques et chimiques différentes qui lui sont propres. Actuellement nous ne pouvons pas récupérer les bouteilles en plastique car les propriétés sont différentes des autres plastiques que nous récupérons. Mais à terme, l’idée est de récupérer et d’exploiter tous les plastiques », poursuit Matthieu.

Un premier échec pour mieux rebondir

Le broyeur sert à transformer le plastique en granulés.

L’entreprise avait candidaté l’année dernière au concours Startup week-end mais n’avait malheureusement pas passé le premier tour. Cette année, sur les 24 candidats seulement 10 ont été retenus pour les 5 catégories. « Pour le concours Innov’Action le format et l’organisation étaient différents de l’an passé, indique Hannah Dominique actuelle gérante de la société. On fait un speech d’environ deux/ trois minutes devant un jury qui était composé pour le coup de membres de Mayotte in Tech, de l’Adim ou encore du Sidevam pour notre catégorie ». Elle s’est ainsi présentée avec un carreau ressemblant à de la faïence mais en plastique. Même s’ils n’ont rien inventé en soi car le procédé existe déjà, leur initiative a l’avantage de permettre de sensibiliser le plus grand nombre aux problèmes des déchets et du recyclage « Le principe est relativement simple, assure Matthieu. Cela consiste à récolter le plastique, le nettoyer, le trier, le broyer en paillettes, le faire fondre puis de l’injecter dans un moule. Nous n’avons rien inventé, on a juste créé le moule et on a fait des expérimentations… ».

Se développer pour passer à l’étape supérieure

Actuellement ils doivent effectuer des tests en laboratoires pour valider leur projet. Et puis il faut aussi collecter le plastique en question… « Pour la récupération nous avons le projet de créer un site internet avec une carte interactive indiquant les différents points de collecte qui seront disponibles. Nous souhaitons également développer des partenariats avec les entreprises, les écoles, etc, précise Camille Abdourazak-Crozon, associée co-fondatrice et architecte chez Co-Architectes. L’idée est d’avoir de nouvelles machines pour passer à une véritable production. On réfléchit par exemple à faire du mobilier urbain en plastique ce qui pourra remplacer le bois ou même le métal, à des fresques aussi pour le design et la déco. Mais pour cela nous devons faire des tests en laboratoire pour répondre aux normes en ce qui concerne les UV, le feu, l’eau, le vent, le climat, … avant de pouvoir passer à l’étape de la commercialisation. Concernant notre premier produit, les carreaux en plastique, ils pourront remplacer ceux en faïence mais pour cela nous devons nous assurer de leur bonne étanchéité », complète -t-elle.

la presse à feuilles pour transformer les granulés en « feuilles » de plastique.

Aussi, Habit’Âme n’a pas attendu d’être lauréat du concours Innov’Action pour prendre les devants puisque de nouvelles machines pour passer à l’étape de production devraient arriver à Mayotte prochainement. « Elles sont dans les containers, nous devrions les recevoir fin septembre, début octobre, espère Matthieu. Nous allons devoir nous former dessus, on va apprendre au fur et à mesure ». Par ailleurs, des points de collecte ont déjà été installés dans divers endroits, essentiellement dans la zone de Mamoudzou. « Nous avons installé près d’une dizaine de collecteurs dans certains établissements scolaires ainsi que dans des entreprises. On nous appelle quand ils sont pleins et on vient les récupérer », raconte l’architecte. Les 10.000 euros qu’ils ont reçu en étant lauréat du concours Innov’Action va leur permettre notamment de financer les tests en laboratoire en vue d’homologuer leurs premiers produits.

La nécessité du soutien de différents acteurs…

Entre temps, ils aimeraient recruter un ingénieur spécialisé afin qu’il puisse étudier les propriétés du plastique et leur faire gagner du temps en recherche et développement (R&D). « La personne est là, elle est prête à être recrutée. Le problème c’est que nous ne trouvons pas d’assureur sur Mayotte pour prendre en charge ce type d’activité. On a démarché à La Réunion et on attend un retour. En attendant on perd du temps, déplore Hannah. Car notre objectif principal est de nettoyer Mayotte des déchets plastiques et de construire éco responsable ».

Les cabinets d’architectures Tand’M et Co-Architectes jouent pleinement le jeu dans cette aventure puisqu’ils ont investi financièrement dans ce projet et libèrent du temps pour leurs architectes afin qu’ils puissent mener leurs expérimentations. Ainsi, selon les estimations des fondateurs d’Habit’Âme, un bardage en plastique recyclé pour un bâtiment serait moins cher qu’un bardage en bois. « Le bardage de l’Office de tourisme de Petite-Terre est en plastique recyclé, on voit que ça marche. Mais il n’y a pas de structure dans l’île permettant de faire ce type de matériaux, il faut faire appel à l’extérieur », constate Matthieu.

Habit’Âme pourra produire des carreaux, des mousquetons et des règles en plastique après avoir été homologués.

Les possibilités avec le plastique recyclé sont infinies : mobiliers urbains, imitation de plaques en contre-plaqué, meubles design, kits scolaires (règles, équerre, …), frisbee, etc. Ou comme le souligne les architectes « refaire avec du plastique recyclé ce qui est déjà en plastique ». Selon les estimations d‘Hannah, avec les nouvelles machines qu’ils vont recevoir, ils seraient en mesure de recycler 100 tonnes de plastique par an, « Mais si on fait 40 tonnes la première année on sera contents, on va voir comment ça se passe », modère-t-elle.

Enfin autre sujet qui tient à cœur la gérante d’Habit’Âme est la sensibilisation dans les établissements scolaires. « Nous ne pouvons intervenir que sur demande des établissements et la volonté du rectorat. Cela doit se faire sous forme d’ateliers en accord avec le professeur et dans le cadre d’un projet éducatif. Nous avons déjà expérimenté dans le collège de Petite-Terre où nous avons sensibilisé les jeunes sur les déchets et sur l’économie sociale et solidaire ». Avis aux professeurs …

B.J.

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