Comme officiellement annoncé en grandes pompes, samedi dernier, lors de la visite ministérielle de Philippe Vigier, cette nouvelle campagne de forages à donc bel et bien débuté dès cette amorce de semaine, introduisant la phase, au finale, la plus ’’lente’’ qui est celle de l’installation et de la 1ère strate de pénétration/foration souterraine et ce, à gros diamètre. Un peu comme un effet entonnoir, plus on descend profond, plus le diamètre rétrécit tenant compte bien entendu de la géologie du terrain. Pour cette opération, il est question de forer au moyen d’une énergie à air comprimé, alimentée par un puissant compresseur. En bout du train de tiges, un marteau de fonds de trou auquel a été donc relié un taillant de 520 mm de diamètre. On est loin de la petite mèche à béton de tonton Saïd qui perce 4 trous pour fixer la tringle à rideaux de Tatie Djamila !
L’argile mahoraise…
Amateurs de poterie, vous pouvez vous en donner à coeur joie. En un peu moins de 3 jours, c’est une profondeur de 17 mètres qui a déjà été creusée impliquant bien entendu de massifs déblais (aussi appelés cuttings) expulsés à la surface, au moyen de ce système d’air comprimé double effets : forage-expulsage. Des traces d’eau ?
Point encore à cette profondeur mais une argile bien latéritique de plus en plus homogène, compactée et donc, hydratée, qui s’est amoncelée de part et d’autre des pieds de l’imposant mât de forage. Le profil géologique de Mayotte est assez intéressant, présentant des formations altérées en surface, d’une dizaine de mètres d’épaisseur, dues à des formations bien plus anciennes se tablant sur des millions d’années d’antériorité et engendrant des nappes plutôt confinées qu’il faut justement transpercer : « Ce genre de composition que l’on constate actuellement est plutôt normale et peut se trouver encore sur des dizaines de mètres. C’est cela qui est passionnant dans notre métier, on peut amasser de grandes connaissances mais la Nature n’est jamais acquise ou science exacte. On étudie en amont le contexte géologique global mais c’est vraiment en creusant et par l’observation de terrain qu’on saura » nous précise David Lebon, responsable de la société EEC OI, ingénieur géologue-hydrogéologue, maitre d’oeuvre de cette campagne et ayant participé, en 2000-2002 à la toute première opération mahoraise, établie sur 14 forages, alors qu’il était rattaché au Brgm.
Mayotte, terre volcanique, ancienne et d’autant plus en zone sud, là où le nord de notre île se veut plus jeune. En partie souterraine, la possibilité de trouver des profils de types anciennes vallées avec des formations d’eau donc. David Lebon où l’homme qui murmurait à l’oreille de la terre. Rien qu’au visuel et au toucher, notre expert des sous-sols sait de quoi il en retourne pour adapter les orientations et pistes de ce forage et savoir comment et à quelle profondeur il est intéressant de poursuivre l’exploration, jusqu’à cette partie aquifère tant espérée pour prodiguer, par la suite, les tests de pompages en continu escomptés, en plus d’une analyse globale et poussée de la qualité de l’eau. En somme définir ce que pourrait être le débit intelligemment optimisé d’exploitation propre à chaque site. Sur le papier, les fameux 500 m3/jour annoncés, mais dans les faits, tout reste à voir : « Lors de la précédente campagne, le site de Dzoumogné a été exploité à 50 m3/heure et à Majimbini 10 m3/heure. Cela donne une idée de la fourchette variable de chaque forage » stipule Étienne Gatelier, directeur de l’activité au sein de l’entreprise Sade en charge de cette 6ème mission.
On creuse mais toujours avec vigilance
Cette 1ère phase passant donc à une vitesse d’exploration plus soutenue, dès ce milieu de semaine, où il est question d’aller creuser rapidement à plus petit diamètre (244 mm), destination la source d’eau (qui définira donc ce que l’on appelle la coupe standard – profondeur de référence de la zone saturée en eau), chaque goutte rencontrée compte notamment en termes d’indices quant à la composition et qualité de cette hydrique richesse. Si après prélèvements et échantillonnages, les sédiments et particules se stabilisent et laissent entrapercevoir rapidement une limpidité revenue à la normale, cela laisse présager d’une hydro-composition plutôt légère et c’est bon signe. À ce facteur purement visuel se greffe également une démarche plus technique de notre société de forage Sade relative à la composition même de l’eau et notamment sa conductivité. Facteur non-négligeable en notre insulaire contrée.
Bien que le risque soit moindre en partie intérieure des terres, en comparaison de sites plus proches de la zone côtière, il ne peut être exclu de percer au mauvais endroit et un peu trop profond, ce qui engendrerait une perforation d’un sac d’eau salée et là, eh bien autant repartir sur une usine de dessalement, on plie bagage et fini chantier ! « Lorsque nous sommes au contact de l’eau, nous procédons à des contrôles quasiment mètre par mètre de notre phase de forage, grâce notamment à un appareil portatif de mesure à la fois sur le pH, les solides dissous mais également la conductivité donc » indique Xavier Delaporte, foreur et chef de chantier.
Pour information, selon les normes de l’organisation mondiale de la Santé (OMS), une eau potable a généralement une conductivité moyenne de 500 µS/cm mais cela peut varier considérablement. Une eau douce se veut entre 100 et 800 µS/cm; si les taux commencent à frôler les 1 000 à 1 100 µS/cm, là on tire la sonnette d’alarme.
Pour nos ressources mahoraises, pas de grands risques à l’horizon car là encore, contrairement à nos voisins réunionnais, la spécificité locale présente des zones aquifères bien compartimentées les protégeant de ce potentiel et néfaste halocline ramifié et ce, même à proximité du littoral. Cette configuration n’est pas forcément cas à Kawéni, par exemple, où cette zone alluviale se veut justement sensible car l’eau salée s’engouffre plus facilement dans les terres. D’où l’importance bien amont de cette étude du Brgm afin de définir les emplacements stratégiques pour notre campagne 2023-2025.
La suite de événements
Dès cette fin de semaine devraient déjà émerger les aquatiques prémices et l’apparition de cette aquifère et/ou zone fissurée et saturée en eau. Si les déblais continuaient à présenter une formation géologique argileuse très altérée qui perdure, et ce jusqu’aux 50 à 60 mètres, cela laisserait présager qu’il n’y a pas grand interêt à poursuivre ce chantier et hop, on ne perd pas de temps et direction le site suivant ! C’est en cela que le travail conjoint des équipes techniques de forage et de l’ingénieur maitre d’oeuvre est efficient, garantissant, grâce à une observation et une réactivé de terrain, une pleine lisibilité de ce monde invisible, justement souterrain.
Dans le cas d’une configuration positivement maximale, d’ici une semaine, il viendra se positionner des tubes provisoires en PVC le long du conduit, au milieu desquels une motopompe sera fixée pour justement lancer cette phase de pompage test, de prélèvements, de quantification et voir ce qu’il en retourne en terme de validation finale ou non, relative à l’exploitation de ce forage.
À nous donc le bâton de sourcier et la danse de la goutte, en espérant que cette supplémentaire piste hydrique soit synonyme de succès permettant de voir venir et ce, ENFIN avec anticipation, les potentielles prochaines crises de sécheresse de plus en plus répandues à échelle internationale.
MLG