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Déambulation artistique à La Vigie

La danse, la peinture, la fabrication d’objets d’art, les chants, etc. ont fait immersion dans le quartier de La Vigie. Que l’on découvre autrement du coup. Depuis le 1er août, une quinzaine d'artistes sillonnent les hauteurs du quartier de Petite Terre, dans le cadre de la résidence d'artistes des Scénographies Urbaines qui nous vient de Strasbourg.

C’était un défi que de proposer une résidence artistique impliquant des jeunes du quartier de La Vigie. Et c’est notamment aux Scénos urbaines et à la Politique de la Ville de l’Etat au sein de la Communauté de communes de Petite Terre que nous le devons. Ce programme concentré sur les quartiers dits « sensibles » ou « prioritaires », a pour ambition de les intégrer dans un tout.

Et La Vigie est à ce sujet un symbole. A cheval entre Dzaoudzi et Pamandzi, ses habitants se plaignent d’être les déshérités des actions publiques communales. Le président de l’Intercommunalité Saïd Omar Oili avait cherché à dresser le portrait statistique de Petite Terre en passant commande à l’INSEE. Alors que la croissance démographique à l’échelle communale avoisine les 4% du département, elle est de 6,7% dans ce quartier, dont une grande partie relèvent des 2.400 jeunes de 15 à 29 ans sortis du système scolaire sans diplôme. Le diagnostic avait été sans appel, le développement de Petite Terre est durablement entravé par la précarité de ce quartier de La Vigie.

C’est d’ailleurs pourquoi il fait l’objet d’un projet de « renouvellement urbain », terme qui avait fait bondir le président de l’interco qui entrevoyait de nombreux freins, « quel est le côté urbain qu’il faut renouveler alors qu’il n’y a ni eau, ni électricité ! ». Et comme pour illustrer le propos, alors qu’il présente le festival  » Scénographies Urbaines – La Vigie » qui débutait ce jeudi 24 août, Djodjo Kazadi, directeur de la compagnie Kazyadance-Le Royaume des fleurs, entamait le parcours artistique par un chemin escarpé jonché de cailloux et de poussière, « c’est la voie que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait présenté en 2019 comme la rue de la Reconquête Républicaine ». Un symbole de ce qui n’a pas été entrepris. La (re)conquête est donc pour l’instant artistique.

Aux côtés de Djodjo Kazadi, Viviane Bellais présente les mobiles et girouettes confectionnés par les jeunes

« Une jeunesse tourmentée »

La genèse en remonte à 20 ans en arrière, quand Djodjo Kazadi est invité au Scénos urbaines à Strasbourg, co-organisées par deux artistes, Jean-Christophe Lanquetin et François Duconseille. Ces trois là ne se perdront pas de vue, se rendant à plusieurs reprises sur leurs territoires respectifs histoire de partager des moments et formations artistiques, « nous enseignons la scénographie à la Haute Ecole des Arts du Rhin, et dans ce cadre, nous sommes déjà venus à Mayotte avec une dizaine d’étudiants. » Et naît le projet d’implanter une « Sceno urbaine » à Mayotte il y a quatre ans.

Il s’agit de réunir un panel* d’artistes qui séjournent pendant un mois dans le quartier, vivant au rythme des habitants, afin de nouer des liens et de les sensibiliser à l’art. « Certains ont travaillé avec une dizaine de jeunes enfants, quand d’autres ont monté des projets avec les mamans, et d’autres encore avec des ado et des jeunes adultes de 15 à 25 ans. L’objectif c’est de créer une interaction et d’implanter l’art au cœur du quartier », résume François Duconseille.

Sur la quinzaine d’artistes prenant part au projet, 4 sont originaires de Mayotte, les autres arrivent de métropole et de la région. Le projet est financièrement accompagné par la Direction des Affaires Culturelles de Mayotte et la Communauté de Communes de Petite Terre.

La mise en scène, certains l’ont dans le sang, en témoigne cette pose spontanée d’un des jeunes artistes devant notre objectif

Et pendant les 4 jours à venir, chacun va pouvoir se promener dans le quartier de la Vigie, avec des étapes artistiques comme nous l’avons fait ce jeudi en éclaireur !

Le parcours commence à Dagoni, devant les locaux de l’épicerie Yes We cannette, avec les productions de jeunes encadrés par Viviane Bellais. Initiant les jeunes à manier les matériaux naturels qu’elle affectionne dans ses création, ils ont confectionné à l’aide de fibre de coco et de raphia des girouette aux formes expressives, « nous avons affaire à une jeunesse tourmentée, les girouettes deviennent des mobiles où ils n’hésitent pas à pendre des personnages en souffrance. Mais qu’est-ce qu’ils sont attachants, et en même temps, très attentifs. »

Un débordement artistique structuré

La visite se poursuit sur les hauteurs, et le chemin escarpé débouche sur une ruelle très colorées, où des bouenis maniant les m’biwi accueillent les visiteurs. C’est accompagnées par Magalie Grondin, artiste plasticienne, que les habitantes ont revu et corrigé leur environnement de tôle en couleur. Tout au long du cheminement qui nous fait passer d’une rue à l’autre, des jeunes nous accompagnent. Certains ont travaillé avec le chorégraphe Jeff Ridjali, d’autres avec Kazyandance. C’est le cas de Moussa. Titulaire d’un CAP commerce, mais sans travail, il voit cette expérience comme une opportunité, « je voudrais continuer dans la musique et la danse, mais je ne sais pas jusqu’où ».

François Duconseille et Jean-Christophe Lanquetin au départ de la déambulation

A une intersection, des voix de femmes sortent des enceintes invisibles, « nous avons voulu les camoufler par des salouva », glissent Leyla Rabih, metteur en scène Compagnie Grenier neuf, et Morgane Paoli, comédienne. Le concept, c’était de donner la parole aux femmes, mais aussi une place : « Par des cercles de parole, des ateliers d’écriture, elles ont évoqué la vie à La Vigie, leurs difficultés. En plus de ces restitutions sonores, elles ont pu créer un espace sur le réseau Tik Tok, et nous avons prévu un moment où elles vont s’asseoir comme les hommes pour jouer à des jeux de société, aux dominos, etc. » Il s’agit aussi d’une base pour leur futur spectacle « Elle devant nous » qui sera joué en mars au Pôle culturel de Chirongui ».

La déambulation se poursuit bien au-delà, et le programme de ces trois jours est chargé (voir ci-dessous). Si la mayonnaise a pris, c’est que ces jeunes et mêmes adultes, ont trouvé dans ces Scénographies urbaines ce qu’il leur manque : « Alors qu’ils n’ont pas de référence artistique, on propose un cadre structuré dans lequel ils peuvent poursuivre une action. Ils voient les danseurs de Kazyadance dont certains viennent du même quartier qu’eux, ils s’impliquent davantage. On part certes d’un petit groupe, mais le fait que ça se passe un peu partout dans le quartier, ça diffuse, ça donne valeur d’exemple », commente François Duconseille. Et de fait, les scolaires endimanchés en ce deuxième jour de rentrée, côtoient ces œuvres de retour de l’école.

Une partie des artistes et des jeunes

Après ces quatre jours de production scéniques et d’exposition, le travail pourra se poursuivre avec la Communauté de communes de Petite Terre explique Djodjo Kazadi, « nous avons déjà envoyé à Strasbourg un jeune qui s’est passionnée par la photo, nous poursuivrons dans cette voie ».

Anne Perzo-Lafond

Le programme

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