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Gouvernement Macron au  »CIOMé » de son Art ?

C’est donc ce mardi 18 juillet au matin, au sein de l’Hôtel de Matignon, que la Première ministre Elisabeth Borne a réuni près d’une vingtaine d’acteurs dans le cadre de ce Comité interministériel des Outre-mer (CIOM), visant à améliorer nettement la qualité de vie des concitoyens ultramarins, au moyen de réformes et actions presque sur-mesure.

Enfin ! Oui, tant attendu, ce CIOM a donc enfin pu avoir lieu après 2 reports qui n’annonçaient guère bon augure et surtout réactivité escomptée, au regard des nombreux challenges et aspirations qui touchent chacun des différents territoires, hors Hexagone. Ils étaient au total 17 ministres réunis autour de cette table matérialisant la résultante mutualisée d’un travail d’équipe et de terrain, en amont, ainsi qu’une forte mobilisation pour laquelle Jean-Francois Carenco souhaitait rendre hommage dans une forme d’avènement historique car jamais réellement établi auparavant (ndlr – gouvernements antérieurs). Économie, Santé, continuité-territoriale, développement économique régional, Agriculture, Jeunesse, Éducation, bourses étudiantes, logements, Handicap, gestion foncière, enjeux climatiques, Art… Ce sont au total 71 mesures — volontairement hors volets institutionnel et sécuritaire — comportant des sous ramifications, notamment liées aux spécificités locales, qui sont présentées dans ce rapport CIOM 2023 qui se veut être une sorte d’hétéroclite matrice pour ce travail d’élaboration et de mise en oeuvre d’une feuille de route et ce, pour chaque territoire : « Nous allons rencontrer l’ensemble des présidents des collectivités. Nous débuterons dès septembre prochain à Saint-Barth et Saint-Martin » indique le ministre délégué aux Outre-mer.

Un comité à forte mobilisation ministérielle. Ici, Jean-Francois Carenco à la parole / (®AFP)

Les grandes lignes économiques

Dès la mesure numéro 1, le ton est donné : Réformer l’octroi de mer. Un remodelage dont les équipes ministérielles et gouvernementales se disent « fières » afin de lutter contre la vie chère et réduire cet économique écart qui manifestement, en 7 ans, ne s’est toujours pas résorbé, selon le dernier rapport de l’Insee. Les modalités de cette refonte devraient s’inscrire au plus tard dans le Projet de loi des finances 2025, pour une mise en oeuvre finalisée au plus tard en 2027.

CMA CGM, Mayotte, Longoni, Mozambique, transbordement
Les nouvelles modalités à venir sur l’Octroi de mer seront mises en oeuvre dans les 5 DROM (Archives)

Lutter contre la « défiscalisation de confort » (environ 500 millions d’euros) va être là aussi étudié à la loupe afin de renforcer la capacité d’investissement des marchés, notamment au profit de l’Économie verte, qui créent réellement de la valeur. Concernant les ’’zones franches’’ DOM et leur abattement, les aspirations se veulent portées sur un élargissement des nouvelles activités économiques, également portuaires et ce, pas uniquement dans une stratégie logistique de prolongation de développement du territoire, mais bien telle une dynamique économique endogène à part entière, favorisant ainsi la rentabilité aussi liée au marché de l’export (contre-balançant, par effet de levier, le poids parfois nettement majoritaire des importations).

Toujours dans cette logique d’allonger le pouvoir d’achat des portefeuilles ultramarins, il va être mis en place, dès 2024, un renforcement des moyens humains de contrôle de la Direction générale des la concurrence dans les DROM (+10% des effectifs) pour aussi casser le monopole et l’interêt économique d’entente des micro-marchés locaux. Il est à noter qu’en complémentarité de cette lutte concurrentielle, les reformes à venir sur l’octroi de mer, en plus d’un allégement administrativo-législatif, se voudront également féconds, au profit d’un développement économique régional encore peu, voire pas développé, afin de booster de manière saine et efficiente la concurrence et élargir les potentialités des marchés (pour exemple, sur tout le marché océan Indien de nos cousins réunionnais, seul 1% est dédié aux importations, contre 16% à l’exportation).

Pour amoindrir cette sensation d’autarcie et de qualité de vie au rabais…

Qui dit insularité, dit forcément moyens de transport principalement aériens pour raccrocher avec la centralisation métropolitaine. En ce sens, le CIOM prévoit de faciliter plus amplement la mobilité des ménages ultramarins en réévaluant, dans le cadre de la continuité territoriale, le plafond d’éligibilité des ménages, majorant ainsi le quotient familial porté à 18 000 euros, contre 11 991 euros jusqu’à présent. Concernant la continuité funéraire, des moyens seront mis oeuvre afin de garantir aux familles endeuillées une forme d’allégement, voire d’avance des frais engendrés.

Air Austral, aérien, Mayotte, La Réunion
En 2022, 50 000 citoyens ultramarins (tous DROM confondus) ont bénéficié du dispositif de continuité territoriale dont près de 12 000 étudiants

Pour les étudiants, il sera question d’une prise en charge à 100% d’un aller-retour par an, jusqu’à l’âge maximal de 28 ans et d’un aller-retour supplémentaire la première année, pour les étudiants dont le quotidien familial est inférieur à 26 000 euros. Les étudiants boursiers justement, qui bénéficieront également d’une aide majorée, propre aux Outre-mer, et cumulée à celle nationale portant à + 67 euros par mois de soutien financier (soit 804 euros annuellement). Pour favoriser les conditions d’apprentissage et lutter contre la malnutrition des plus petits issus des ménages en situation de précarité, il sera offert la gratuité de petits-déjeuners (soit un investissement de 10 millions d’euros), en plus d’une gratuité des livres scolaires mis à disposition. Cet apprentissage par la valorisation de la lecture est aussi une priorité gouvernementale; il sera donc question de financer pendant 5 ans la formation et le recrutement d’agents de bibliothèque afin de renforcer et developper le réseau des bibliothèques publiques.

ESCRIM, Mayotte
En 2021, création d’une agence régionale de Santé à Mayotte et ouverture de l’hôpital Martial Henry de Petite-Terre

Sur le volet de la Santé et notamment de la prise en charge rapide de patients atteints d’un cancer, un plan d’action et de coopération des établissements hospitaliers sera finalisé début 2024. Concernant Mayotte et sa lourde désertification médicale, « un plan spécifique, selon une logique interministérielle, visant une meilleure attractivité des professionnels de santé » sera élaboré d’ici cette fin d’année 2023, en plus d’une restructuration majeure du CHM — en attendant la construction du Centre hospitalier de Combani — ainsi qu’un déploiement d’une politique internationale de recrutement visant des médecins diplômés hors U.E.

Et Mayotte dans tout ça justement…

Pour le coup, les mahorais sont très loin d’être lésés dans ce CIOM 2023. Il est question de plus d’une dizaine de reformes et mesures, elles mêmes sous-ramifiées, ce qui laisse présager que l’accélérateur des promesses gouvernementales s’appuie en notre faveur. Une faveur qui d’emblée annonce la relance de la loi Mayotte allant donc dans le sens d’une convergence des droits sociaux et d’un alignement législatif tant espérés depuis toutes ces années, en plus des moyens sécuritaires déjà mis en place, depuis ces derniers mois qui se veulent pérennes selon des discours officiels. « Afin que tout le monde soit d’accord, nous négocierons cette loi avec l’ensemble des collectivités et élus locaux le plus vite possible. L’opération Wuambushu c’est bien si derrière on travaille… » déclare à la presse Jean-Francois Carenco.

Le préfet Jean-François Colombet, lors de la présentation du projet de loi Mayotte en mai 2021

Pour ce qui est de la problématique démographique, un durcissement des contrôles spécifiques va être mis en place relevant de la lutte contre la reconnaissance frauduleuse liée à la paternité, d’une induration législative des conditions de délivrance des titres de séjour des « parents d’enfants français », ainsi qu’une restriction d’accès à la nationalité française des enfants nés d’un parent en situation irrégulière (accentuation des critères liés à la loi du 10 septembre 2018).

Afin d’accélérer l’accession à une habitation sécuritaire et digne, tout en luttant contre l’habitat insalubre, il sera créé sur notre territoire, mais également en Guyane, une nouvelle catégorisation d’habitat léger de type modulaire, dispensé de permis de construire. Deux sites seront dédiés à cette mesure, en plus d’une modification législative qui favorisera « la prise de possession immédiate pour cause d’utilité publique » dans le cadre d’une procédure d’expropriation. Au sujet du foncier, de sa disponibilité et de son aménagement justement, un certain nombre de mesures offensives vont être prises, notamment sur le volet de l’indivision et le prolongement à 2038 de cette fameuse loi Letchimy .

Jean-Francois Carenco et Elisabeth Borne lors de la conférence de presse post CIOM 2023 / (®AFP)

Concernant les règles de constructions des logements sociaux, là aussi une adaptation locale des normes nationales sera mise en vigueur afin d’accélérer la production et d’alléger par la même occasion le coût. Un coût qui se voudrait justement tiré à la baisse grâce à un travail expérimental de création d’une plateforme normative régionale (le marquage EU se voudrait remplacé par la norme RUP*) pour les matériaux BTP, afin de développer des accords de marchés avec les pays limitrophes.

Pour ce qui est des problématiques liées aussi à une carence de plus en plus marquée des contractuels de la Fonction publique, une adaptation de loi devrait permettre de souscrire une retraite complémentaire.

On ne peut faire l’impasse sur l’Eau

Dans le cadre de son plan Eau DOM, le Gouvernement va réviser ses actions sur les départements de la Guadeloupe et de Mayotte, notamment grâce à la mobilisation et au travail d’accompagnement renforcé des Offices de l’Eau auprès des services locaux concernés, en octroyant une enveloppe d’aides d’un montant annuel de 35 millions d’euros. Exclusivement pour Mayotte, il est confirmé la sécurisation et l’amorce du chantier de construction et la livraison pour 2024, de la 2ème usine de dessalement.

Le ministre G. Darmanin lors de sa dernière venue sur le site de la retenue de Combani qui, déjà depuis mars dernier, était à peine remplie à 20% de sa capacité totale / (®MLG)

En plus des divers points majeurs, condensés et soulignés à travers cet article (sur un rapport global de près de 60 pages), au moyen notamment des compléments informatifs demandés directement aux différents ministères rattachés à Elisabeth Borne, Gérald Darmanin et Jean-Francois Carenco, notre rédaction a souhaité savoir si la politique gouvernementale se dirigeait de plus en plus vers un dispositif législatif autonome (outre un volet déjà acté dans la Constitution qui prévoit que le Conseil départemental puisse solliciter des habilitations pour adapter localement des réglementations nationales). En ce sens, il nous a été confirmé par le Cabinet de la Première ministre qu’une réflexion plus poussée de décentralisation, voire de déconcentration de certaines compétences, au profit du Préfet, se veut effectivement en cours d’élaboration afin de concrétiser des mesures d’adaptations rapides et simplifiées au regard des besoins d’un territoire.

Dans cette cohérente dynamique d’efficacité et de vérification soutenue de la continuité des moyens soulignés et alloués dans le cadre de ce CIOM 23, une 72ème mesure se greffe au rapport stipulant une régularité plus accrue portant à un an le prochain rendez-vous. D’ici là, nous verrons si les actes se joignent aux officiels écrits et à la parole sachant, de surcroit, le proche remaniement ministériel qui devrait être annoncé d’ici peu voire même ce mercredi….

 

MLG

Le préfet Thierry Suquet aux côtés droits de Gérald Darmanin (au centre) lors de sa venue à Mayotte le 25 juin dernier(®MLG)

 

*Régions ultra-périphériques selon la déclinaison européenne

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