C’est une bataille de procédure à laquelle doit faire face le préfet de Mayotte dans le cadre de l’opération Wuambushu et ses décasages. En effet, il est principalement reproché à la préfecture de ne pas avoir fait des propositions de relogement aux familles concernées par les décasages en date de l’arrêté, à savoir le 12 mai dernier. Chose que conteste bien évidemment maître Tamil, l’avocat de la préfecture, qualifiant cette procédure de « Guérilla juridique dont le but est de faire obstacle à l’arrêté préfectoral ». Aussi, sur les neuf dossiers de requérants représentés par maître Trouvé, deux se sont désistés et un autre a été classé sans suite car ils n’étaient pas concernés par le périmètre visé dans l’arrêté de démolition.
Chaque partie maintient ses positions
Un camp estime qu’aucune proposition de relogement n’a été faite et l’autre partie soutient mordicus que des propositions d’hébergement ont bien été entamées. Maître Trouvé mettant en avant les obligations faites au préfet, à travers la loi Elan, de proposer des solutions d’hébergement aux personnes dont la destruction de leur habitation va être faite prochainement. « La loi oblige au préfet de proposer une offre de relogement à la date de l’arrêté, or dans la plupart des cas cela n’a pas été fait, affirme-t-elle. Je vous demande donc, madame le juge, une suspension de l’exécution de l’arrêté du 12 mai 2023. Notamment concernant cette famille composée de huit enfants qui risque de se retrouver bientôt sans domicile », déclare-t-elle.
Cas que réfute l’avocat de la préfecture précisant qu’une enquête sociale a eu lieu, comme dans la majorité des cas, et « qu’une notification de proposition d’hébergement a bien été faite, en l’occurrence une maison de type T5 d’environ 100 m2. Cette habitation est mise à disposition par l’association Mlezi Mahore, indique maître Tamil. La préfecture propose des logements gratuits pour les familles pendant six mois, renouvelable six mois de plus, complète l’avocat. Dans ce cas précis la famille n’a pas donné suite à la proposition faite par la préfecture. Aucun décasage n’a eu lieu sans une proposition de relogement ou d’hébergement au préalable », assure-t-il.
Dans un autre dossier maître Trouvé conteste la solution proposée par la préfecture. « Je ne vois pas dans les annexes des propositions de relogement en date de l’arrêté, en violation de la loi Elan et de ce qu’elle prévoit. – Il y a eu une proposition de relogement, rétorque maître Tamil, précisant même la nature : Une maison de type T6 avec quatre ou cinq chambres climatisées, un salon, une cuisine, une salle de bain et même un jardin », argue-t-il. Aussi, dans les rares cas où une solution d’hébergement a été envisagée, il n’y aurait pas eu d’informations concernant la nature de l’habitation, selon maître Trouvé. « Dans ce dossier les requérants ont bien reçu une proposition mais ils n’ont aucune information sur le logement, ils ont seulement une simple adresse. Aucune précision sur la surface, les conditions d’accès, s’il y a une contrepartie, notamment concernant le loyer. C’est insatisfaisant, indique l’avocate. De plus, quid des meubles de ces personnes si leur logement est détruit ? Je vous demande donc, une fois de plus, de suspendre en urgence cet arrêté. Le préfet doit préciser les conditions dans lesquelles seront relogées ces personnes et tenir également compte de la composition familiale du foyer et notamment de la scolarisation des enfants, argumente-t-elle. Cela ne doit pas être un simple bout de papier ».
L’avocat de la préfecture a, quant à lui, insisté sur le fait que « Toutes les personnes concernées par l’arrêté de démolition du 12 mai ont bien fait l’objet d’une proposition de relogement ».
La décision de la juge des référés, Anne Khater, concernant la légalité du décasage à Hamouro sera rendue le 21 juillet prochain.
B.J.