Depuis plusieurs semaines, les trajectoires météorologiques de Mayotte et des autres régions françaises, convergent. Déficit de pluviométrie, diminution des nappes aquifères, stress hydrique de la végétation, les termes font hélas florès un peu partout. Faute de pluie, le recours aux autres méthodes de production d’eau potable est évoqué, et la désalinisation se taille une belle part. Nous avons tous vu le même reportage d’un consommateur du Sud de la France émettant un jugement chantant sur une différence de goût après avoir dégusté un verre d’eau dessalée. Un article de l’édition de mercredi 14 juin du Monde vient de sortir, avec une large place laissée à cette méthode par extraction d’eau de mer. Comme dans le reportage télé, il n’est pas fait état de Mayotte, un des rares départements de France pourtant qui a innové en la matière. Il nous manque des courroies de transmission médiatique.
Mayotte peut pourtant servir d’expérience, en bon et mauvais exemples. Notre territoire a en effet été pionnier avec la mise en service d’une usine de dessalement dès 1997 en Petite Terre. Mais faute d’études sérieuses, sa production n’avait pas été à la hauteur des espérances. Même erreur en 2017, lors de la pénurie d’eau potable, avec la décision pressante de la préfecture d’accroitre la production de l’usine, raccourcissant la phase de test de ponction sur le « trou bleu » du lagon par Vinci-Construction Mayotte. En 2018, la qualité de l’eau n’étant finalement pas au niveau, les osmoseurs ont saturé, ne permettant toujours pas à l’heure actuelle de compter sur ce surplus d’eau potable.
Qu’aucune solution n’ait été trouvée depuis, et malgré les engagements de l’entreprise, reste un mystère sans doute financier, avec pourtant une éclaircie annoncée il y a quelques mois par les Eaux de Mayotte : la livraison de l’extension de l’usine de dessalement prévue pour fin 2023.
Une note salée… pour la mer aussi
Une 2ème usine est en cours d’étude en Grande Terre, opérationnelle en 2026 nous dit-on. Cette 2ème unité devra tirer partie des difficultés de la 1ère, mais également des études menées en métropole, avec des alertes rapportée par le quotidien Le Monde.
Tout d’abord sur les aspects énergivore et couteux de ces usines. Comme à Mayotte, elles fonctionnent généralement aux énergies fossiles, donc contribuent aux émissions de gaz à effet de serre, donc au réchauffement climatique, donc à la pénurie d’eau. Ainsi, « l’eau dessalée revient deux fois plus cher que celle traitée dans une station d’épuration avant d’être réutilisée, et quatre fois plus que celle de rivière », selon le président de Veolia.
Une solution serait de passer par le solaire. Une entreprise, Osmosun, équipe ses unités de dessalement de panneaux photovoltaïques. « Elle compte une soixantaine d’installations dans vingt-sept pays d’Afrique, d’Asie, de Polynésie, dont certaines à la fois solaires et reliées au réseau électrique ».
Autre mise en garde, l’impact des rejet de sel pur sur l’environnement marin, augmentant le taux de concentration en sel sur ces zones. « Les écosystèmes pâtissent des rejets de concentrat de sel, du déversement d’eau chauffée, des restes de substances détartrantes, antibactériennes, antimousses, antisalissure. » En 2019, une équipe internationale d’universitaires alertait sur les rejets cumulés des usines de dessalement dans le monde, qui atteignaient alors 141,5 millions de mètres cubes de saumure par jour. « Très élevées dans le golfe Persique, elles affectent la diffusion de la lumière et la circulation de l’oxygène dans la colonne d’eau. »
Et il ne semble pas possible de récupérer le sel ainsi extrait au regard des produits chimiques utilisés au long du processus de dessalement de l’eau.
Multiplication des bassines
Troisième alerte, le changement de mode de consommation qu’induit ce qui peut s’assimiler à une manne sans fin : l’eau de mer. Suite à l’apport en eau dessalée dans l’une des régions du globe les plus soumises au stress hydrique, « les habitants de certaines villes du Golfe en utilisent 500 litres par jour en moyenne. Près de cinq fois plus qu’un citoyen danois ou plus de trois fois plus qu’un Français ». Bien qu’il y fasse plus chaud, la différence est énorme. Ainsi, en 50 ans, ces habitants sont passés « d’une utilisation très prudente et parcimonieuse de l’eau à une utilisation qui est devenue l’une des plus élevées au monde », rapporte l’article du Monde.
Plusieurs points qui doivent inciter à développer les autres sources d’approvisionnement à Mayotte. Les forages bien sûr, avec une mise en service dès 2023 avait annoncé les Eaux de Mayotte, la lutte contre les fuites dont le volume, 3.000m3 par jour, correspond au différentiel entre la production et la consommation actuelles, mais qui sont aussi aggravées par les remises en eau après coupures. La 3ème retenue collinaire dont on aimerait avoir des nouvelles du foncier et d’une DUP à moitié engagée.
A ce sujet, on entend ça et là une remise en question de cette 3ème réserve d’eau en raison d’une pluviométrie défaillante. Or, et c’est mathématique, lorsqu’il pleut, si on multiplie les bassines dans son jardin, on aura un volume d’eau plus important à la fin que s’il n’y avait eu qu’une seule bassine. Et ce, quelque soit la quantité d’eau tombée. Et si en plus vous avez la chance que le nuage se positionne au-dessus de la 3ème retenue collinaire, c’est tout bénéfice ! D’autre part, Météo France n’annonce pas une saison des pluies moins abondante dans les années à venir, mais plus intense et concentrée sur deux mois.
Anne Perzo-Lafond