Après les démolitions des cases en tôle de Jamaïque, Carobole, et plus récemment Talus 2 à Koungou, le quartier dit « Barakani » devrait être le prochain de la commune à voir arriver les tractopelle. Inscrit dans un des 8 arrêtés effectifs pris par le préfet Thierry Suquet, il doit être démoli pour permettre la construction d’une station d’épuration. Un projet porté par les Eaux de Mayotte donc sur ce terrain appartenant au conseil départemental, mais qui passe par l’utilisation de la loi ELAN de destruction-relogement d’habitat insalubre.
Sur la trentaine de cases en tôle concernées, deux occupants ont déposé un recours, jugé cette semaine au tribunal administratif. Les autres sont, soit vides d’occupant, soit démontées. « Lorsqu’ils ont vu la démolition de Talus 2, presque tous les habitants sont partis les uns après les autres », nous explique le maire Assani Saindou Bamcolo. Certains ont accepté le relogement proposé par la préfecture, d’autres ont démonté leur habitation pour aller plus loin. La démolition n’a pas encore eu lieu, mais c’est déjà un village de cases fantôme qui l’attend.
En réponse au déplacement du phénomène, avec la tentation de rebâtir plus loin ou d’intégrer des logements disponibles, la commune de Koungou ne veut pas rester sans rien faire. On le sait, elle a la possibilité de faire intervenir sa police municipale sur un délit de flagrance, dans la phase de reconstruction de la case, mais le maire Assani Saindou Bamcolo veut aller plus loin.
Le maire compte ses administrés
Un rapport qui sera débattu en conseil municipal ce vendredi veut lui donner un rôle consultatif en matière d’attestation au logement avant toute délivrance de titre de séjour: « La commune de Koungou a lancé un programme de lutte contre l’habitat insalubre et les marchands de sommeil. Les personnes en situation irrégulière sont les plus souvent victimes. Afin d’accentuer la lutte contre ce phénomène d’exploitation humaine, le conseil municipal sollicite le préfet pour donner au maire la possibilité de contribuer à l’instruction des demandes des titres de séjour en apportant son concours, dans les vérifications de résidence effective sur la commune de Koungou, des conditions de logement digne, et dans l’évaluation du degré d’intégration des étrangers. »
Il est demandé que le maire de Koungou émette un avis « purement consultatif » sur tous les dossiers de demande de titre de séjour dont les demandeurs déclarent résider dans sa commune.
Pour information, les pièces demandées pour l’obtention d’un titre de séjour sont un passeport en cours de validité, la copie du visa d’entrée sur le territoire français, un justificatif de domicile ou d’hébergement, une quittance de loyer et une photocopie de la pièce d’identité de l’hébergeant. C’est sur ce dernier point que veut agir la commune.
Des kwassa de rapprochements familiaux
Mieux, dans le cadre du regroupement familial, possibilité est offerte à tout étranger muni d’un titre de séjour, vivant depuis 18 mois en France, de faire venir sa famille (hors polygamie), avec des conditions de ressource et de logement exigées. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) confie l’instruction du dossier au maire de la commune du domicile du demandeur pour qu’il « vérifie si les conditions de ressources et de logement sont remplies. Des agents spécialement habilités peuvent visiter le logement pour vérifier qu’il répond aux conditions minimales de confort et d’habitabilité », indique la loi.
Même si on se doute qu’à Mayotte cette réglementation est assouplie en raison de normes déficientes en confort et en équipements sanitaires de base, le maire déplore de ne pas être sollicité : « A Koungou où la moitié de la population est d’origine étrangère, la commune n’a jamais été saisie pour avis sur ces demandes », mentionne le rapport proposé en conseil municipal. La commune de Koungou comptait 61% d’étrangers en 2017, selon l’INSEE.
Il faut dire que les rapprochement familiaux ne sont majoritairement pas légalisés à Mayotte, et se font avec l’air du temps, sans même que la préfecture elle-même ne soit informée.
Pour l’instant, les démolitions prévues bien avant que ne s’annonce Wuambushu, ont finalement eu lieu sur la commune, il reste donc Barakani qui quasiment vide d’habitants nous dit-on. Le préfet avait annoncé prendre 8 autres arrêtés de démolition-relogement.
Anne Perzo-Lafond