C’est lors d’une « session extraordinairement historique », le mercredi 17 mai dernier, que le Conseil d’administration du Cufr (en présence de représentants du département, des municipalités, des intercos Cadema et 3CO, du Grand Cadi, du directeur de la SIM ou encore du Rectorat pour ne citer que cela) a acté par une majorité de 11 votes contre 6, le choix de fixer la commune de Ouangani comme zone d’implantation du futur Campus universitaire de Mayotte. Un choix qui n’est pas pour déplaire aux différents acteurs de la zone concernée mais qui n’en est, pour le moment, qu’au stade d’exploration.
L’intelligente mutualisation se doit aussi d’être géographique
S’il est une idée initiale à comprendre dans cette configuration déjà suffisamment complexe au regard du volet notamment foncier, c’est qu’il est bien évidemment exclu de déshabiller Pierre pour habiller Paul; du moins de déshabiller Moudjibou Saidi, maire de la commune de Dembeni — site actuel et historique du Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte, futur Institut national universitaire (INU) au 1er janvier 2024 — pour habiller Youssouf Ambdi, maire de Ouangani. Preuve en est, cet investissement récent d’un montant de 6,5 millions d’euros pour des travaux d’extension de 1 000 m2, à même l’université existante, qui devraient prendre fin, l’année prochaine, aux alentours du dernier trimestre 2024.
Il serait assez fou de continuer à investir massivement en un lieu sachant son caractère limité et une potentielle volonté d’abandon par la suite; on le comprend bien. S’il est un facteur à prendre également en considération, c’est celui du boom démographique aussi étudiant et pour cela, sachant que les murs ne peuvent prétendre indéfiniment à être poussés, l’option d’un second site ne serait pas superflue; comme le souligne Jacques Mikulovic, recteur de Mayotte « Même si le rôle du rectorat dans ce dossier se limite à une approche d’observation et que le choix final revient légitimement au Conseil d’administration du futur INU, il est vrai que la décision de diversifier et de mutualiser les sites à travers ces 2 communes, serait des plus appropriées ».
Une réflexion qui avait déjà été anticipée et menée en amont notamment par les équipes de l’Epfam pour intégrer cette option dans ses travaux de diagnostiques propres au Schéma régional d’aménagement (SAR) de notre île : « Nos études prospectives sur la zone de Coconi-Ouangani remontent à 2018, où il avait justement été pré-ciblé une vision universitaire globale aussi rattachée au Lycée Agricole et aux aspirations de dynamiser ce bassin Ouest du territoire », nous indique par téléphone Yves-Michel Daunar, directeur général de l’Epfam Mayotte. Une étude qui a donc été conduite sur une surface globale de 88 hectares comportant cet hypothétique volet foncier dédié au futur campus universitaire et compris dans un grand tout de développement économique, d’aménagement urbain, de construction de logements mais aussi de préservation agricole et environnementale propre au poumon vert de ce territoire Centre.
Le Triangle d’or Centre-Ouest mahorais
Bien qu’à l’état encore de piste, au sens propre comme au sens figuré, au regard du chemin tout-terrain qu’il faut emprunter pour se rendre sur le lieu, ce site convoité — s’étalant sur près de 23 hectares, découpé en 4 parcelles cadastrales, dont une majoritaire à la propriété du Département — se situerait sur les hauteurs vallonnées, à cheval des délimitations entre les villages de Coconi, de Barakani ainsi que de Ouangani. Une position pertinente et stratégique aussi limitrophe, à vol d’oiseau, avec la ’’frontière’’ ouest du canton de Dembéni, pour laquelle il est envisagé un second tracé routier et maillage pour justement reconnecter les différents villages concernés et qui offrirait, à moins de 2km, un accès reliant l’hypothétique futur campus à la Nationale 2 entre le carrefour de Coconi et le village d’Ongoujou. Tracé déjà évoqué dans l’étude Epfam, menée de 2018 à 2020, avec les collectivités.
Cette exploration d’option en ce lieu centre 3CO, c’est aussi une volonté engagée de Youssouf Ambdi : « Depuis près de 3 ans que je suis maire de Ouangani, j’ai aussi mené un travail de terrain et de sensibilisation auprès de l’ancien recteur, Gilles Halbout, qui est venu 2 fois sur zone afin de lui montrer l’immense potentialité de notre commune. Au début, il a été idée de prétendre à l’implantation du second centre hospitalier de Mayotte mais nous avons très vite priorisé le choix éducatif et universitaire. C’est une volonté personnelle qui m’est chère. Il faut développer coûte que coûte et de manière concrète nos capacités d’attractivité, d’accueil et de diversifications en termes de formation. Il est par ailleurs impératif de désengorger enfin la côte Est relative au Grand-Mamoudzou et pour cela, il faut regarder le Centre. Je ne cache ni mes envies ni mes ambitions, oui je veux que Ouangani puisse prétendre à être aussi la dynamique vitrine de Mayotte ».
Ce choix stratégique, étudié également par les équipes du foncier et de l’aménagement de la Communauté de communes du Centre-Ouest, part d’un pertinent état des lieux lié, certes, à l’engorgement foncier de la zone Cadema et Est de manière globale, mais aussi à la nécessité de rééquilibrer l’activité du territoire sachant, de surcroît, le développement important de la proche zone relative au canton de Tsingoni et l’ouverture prochaine de son centre commercial d’ici novembre 2023. Une vision d’ensemble qui s’inscrit dans un tout aussi en lien avec la construction d’infrastructures sportives propre au projet « Arena* », ainsi que la montée en puissance du Pôle d’Excellence rurale de Coconi et son Lycée Agricole positionnant Ouangani tel un point névralgique reliant le Grand-Est au Grand-Ouest.
À cet aspect relatif au tissu économique se greffe également la constatation d’un développement urbain plus accru des zones côtières (au détriment des terres intérieures), potentiellement soumises de manière plus marquée aux phénomènes de submersion marine et aux inondations; ce qui est loin d’être négligeable, cela va de soi.
Au regard de tous ces éléments qui tendent à plaider en la lucide faveur Centre-Ouest, et des prochaines réunions officielles, notamment du côté universitaire et Epfam — en vue d’un commencement des travaux idéalement situés vers 2026 — le souci du volet foncier sur l’option de Ouangani devrait normalement poser aucune obstruction majeure à la bonne avancée de ce dossier sachant, selon témoignages, la disposition des respectifs propriétaires à vendre leur parcelle. Mais ne mettons pas la charrue avant les zébus mahorais ! Affaire à suivre. La rédaction du JDM vous tiendra bien évidemment informé(e)s.
MLG
*Complexe multisport polyvalent dédié au développement de l’excellence sportive sur notre département ainsi que l’anticipation de l’accueil, en 2027, liée à l’organisation des Jeux des Iles océan Indien.