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Mamoudzou

Assemblée nationale : avec l’adoption du rapport sur les migrations, Estelle Youssouffa franchit un cap

Le travail mené par deux députés sur les enjeux migratoires laisse une large part à la différenciation négative à Mayotte. Il demande par conséquent la possibilité pour les titulaires d’un titre de séjour de se rendre sur le territoire français, ainsi que la mise en place comme partout de l’Aide Médicale d’Etat.

La commission des Affaires étrangères a adopté ce mercredi le rapport d’information présenté par Laurent Marcangeli, député Corse groupe Horizons, et Estelle Youssouffa, députée LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) de Mayotte. Portant sur « les enjeux migratoires aux frontières Sud de l’Union européenne et dans l’océan Indien », un chapitre entier est consacré à la situation spécifique de Mayotte évoquant « une bombe à retardement ».

Il est issu d’un travail engagé à la demande de la Commission en octobre 2022, pour faire le point sur les enjeux migratoires, sept ans après l’éclatement de la crise majeure de 2015 où des migrants Syriens, Afghans, Irakiens, Pakistanais ou Érythréens, étaient massivement arrivés en Europe via la Méditerranée. Les rapporteurs se sont donc déplacés sur la façade Sud de l’Union européenne, depuis les îles Canaries jusqu’aux Balkans occidentaux en passant par la Grèce, et sur l’île de Mayotte.

Et ont mené de nombreuses auditions, d’acteurs institutionnels et politiques mais aussi de chercheurs ou d’associations de défense des droits des migrants et des réfugiés. Trois déplacements successifs à Mayotte, en Grèce et en Italie leur ont permis de confronter ces auditions à l’épreuve des faits et aux réalités de terrain. La visite de Samos et celle de Lampedusa leur ont donné l’occasion de mettre en perspective la problématique de ces îles méditerranéennes avec celle de Mayotte.

Les deux rapporteurs défendaient leur texte en commission ce mercredi

Un « hotspot » demandé à Mayotte

Nous avons pu consulter ce rapport. Le premier constat porte sur le traitement différencié des migrants en Italie et en Grèce d’un côté, et à Mayotte de l’autre. En Italie, « les migrants sont conduits directement, par les services de police au « hotspot », un centre fermé (contrairement au centre de Samos, en Grèce, également visité dont les migrants peuvent sortir librement au cours de la journée), puis « ils sont transférés en Sicile ou sur le continent dans des centres d’accueil proprement dit ». A contrario de Mayotte où ils ne peuvent pas quitter le territoire. Une des préconisations des rapporteurs – il y en a 15, dont 9 spécifiques à Mayotte* – est donc de « Mettre fin à la carte de séjour « territorialisée » et au visa « territorialisé » à Mayotte »

Car l’épine dans le pied de Mayotte, c’est l’embolie des services publics sous la pression migratoire, « un système de santé plongé dans le chaos » est notamment rapporté dans le document.

Les soins dispensés en PMI en grande majorité à des étrangères en situation irrégulière, 90%, sont insuffisamment compensé faute d’Aide Médicale d’Etat (AME) sur le territoire, qui permettrait de prendre en charge les soins pour les non affiliés sociaux. Quant au Centre Hospitalier de Mamoudzou, il a soigné quasiment autant de Français, 93.626, que d’étrangers, 85.567, en 2022. Là encore, faute d’AME, les dépenses sont à la charge du CHM.

« La situation à Mayotte est validée par l’Assemblée »

La déclinaison de Frontex est une nouvelle fois demandée

On apprend que la dotation annuelle du CHM s’élève en moyenne à 240 millions d’euros par an sur les cinq dernières années. Et que environ 40% des patients qui y sont soignés ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale, induisant la part des dépenses annuelles du CHM pour la prise en charge des non-assurés sociaux de 96 millions d’euros par an. D’où la demande d’instaurer à Mayotte l’AME.

Et également demandé l’application de la circulaire Taubira qui propose une clé de répartition des mineurs non accompagnés sur les autres départements.

Des propositions réclamées depuis toujours par les élus Mahorais, et qui donc ont été cette fois adoptées par la Commission des affaires étrangères de l’AN après avoir été débattues et critiquées notamment sur « les déterminants de ces migration et la manière de les atténuer qui ont été survolés, comme la maladie, les conditions climatiques, l’insécurité alimentaire qui peuvent donner droit à l’asile ». Reprochant en quelque sorte un rapport « à charge ». Le texte a été adopté « à une très large majorité », soulignait le président Bourlanges.

kwassa, immigration, Mayotte, justice
Interception d’un kwassa en provenance d’Anjouan par la PAF

Maintenant, que va devenir ce rapport ?, avons nous demandé à la députée Estelle Youssouffa que nous avons contactée.

« Ce n’est pas un texte de proposition de loi, donc dans l’immédiat, il n’y aura pas de suite. Tout d’abord, l’important, c’est d’officialiser des données qui nous ont été livrées par l’ARS Mayotte et de remettre en question le dispositif de l’enveloppe unique allouée au CHM. Ensuite, nous avons maintenant un constat de la situation à Mayotte qui est désormais validé par l’Assemblée nationale, et qui peut servir de base pour légiférer ensuite, notamment dans la future loi Asile et Immigration. »

De son côté, le président Ben Issa Ousseni a appuyé les mêmes demandes à Matignon et dans les ministères pour inscrire des évolutions dans la même loi.

Anne Perzo-Lafond

* L’ensemble des préconisations centrées sur Mayotte :

Le rapport a été adopté en commission

– Mettre en œuvre, dès que possible, un recensement complet du nombre d’habitants à Mayotte.
– Appliquer à Mayotte la circulaire dite « Taubira » du 31 mai 2013 qui prévoit la prise en charge sur l’ensemble du territoire national des mineurs étrangers isolés.
– Instaurer l’aide médicale d’État (AME) à Mayotte.
– Mettre fin à la carte de séjour « territorialisée » à Mayotte et au visa « territorialisé » à Mayotte.
– Maintenir et renforcer les moyens de détection et d’interception des flux migratoires vers Mayotte.
– Faire respecter la frontière maritime entre la France et l’Union des Comores, le cas échéant en déployant un patrouilleur de la Marine nationale.
– Poser la question du maintien de l’aide publique française au développement au profit de l’Union des Comores, faute pour celle-ci de démontrer concrètement sa capacité à surveiller ses côtes et à prévenir les départs.
– Répartir une partie du poids démographique de l’immigration comorienne à Mayotte dans le reste du territoire français.
– Solliciter de l’Union européenne un soutien renforcé pour Mayotte, par le biais des fonds européens, notamment le Fonds Asile Migration Intégration (FAMI). Associer l’agence Frontex à la gestion de la crise migratoire à Mayotte et à la protection de la frontière maritime.

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