La reprise a été poussive hier au tribunal judiciaire de Mamoudzou après un long week-end de trois jours. Plusieurs affaires ont été renvoyées faute de présence des prévenus ou bien de leurs avocats. Heureusement, la journée était assez chargée en audiences ce qui a permis de traiter d’autres affaires, notamment celle d’un policier de la Bac présent au tribunal en tant que victime mais aussi comme prévenu.
Le policier fait usage de son arme pour une légitime défense
La première affaire concernant le fonctionnaire de police remonte au mois d’avril 2019 pour des faits de violences sur fonctionnaire de police en réunion et sur personne dépositaire de l’autorité publique. Alors que lui et son équipe étaient appelés pour intervenir suite à une agression dans le quartier de Kawéni, ils arrivent sur place et prennent en chasse deux individus qui essaient de fuir. Les policiers descendent de leur véhicule et poursuivent les délinquants dans la végétation jusqu’à ce qu’ils tombent face à un groupe de cinq personnes dont un des mis en cause. Le policier voulant alors le menotter, ses comparses seraient intervenus pour empêcher son interpellation et un des membres du groupe s’en serait pris au fonctionnaire de police en le faisant tomber et en essayant de l’étrangler.
Puis il se serait emparé d’une planche de bois avec des clous se trouvant sur place et aurait menacé le policier. Ce dernier a répliqué en utilisant son arme de service et a tiré une balle dans le genou de son assaillant. « Certains ont essayé d’empêcher l’interpellation de leur pote. L’un d’entre eux m’a pris par le cou et on est tombés. Il a voulu m’assommer avec un bâton, j’ai répliqué en faisant feu au genou, il a lâché la planche cloutée puis les renforts sont arrivés. Le tir les a calmés et certains ont pris la fuite », explique le fonctionnaire de la Bac. Le prévenu était donc accusé de violence et de rébellion sur un policier. Le président du tribunal, Benoît Rousseau, demande au prévenu ce qu’il pense des faits évoqués. « J’étais présent sur les lieux, c’est tout. – Pourtant vous êtes décrit comme l’individu ayant été actif pour éviter l’interpellation de votre camarade. – Je ne l’ai pas empêché. J’étais là mais je n’ai empêché personne. Moi je n’ai rien fait », s’entête l’accusé.
L’avocat du policier, maître Andjilani, fait alors valoir que son client, fonctionnaire depuis 2007, a utilisé son arme pour la première fois et dans de bonnes conditions selon la loi. Chose que confirme le procureur dans sa prise de parole « L’utilisation de son arme s’est faite dans une situation de légitime défense », constate-t-il. Après délibération le tribunal a condamné l’accusé, déjà en prison depuis presque un an dans une autre affaire, à 6 mois de prison avec sursis.
« Il cherche par tous les moyens à me faire tomber »
Le président du tribunal convoque ensuite une autre affaire. Et là, grande surprise, le fonctionnaire de police est appelé une nouvelle fois à la barre, non plus en tant que victime mais comme prévenu. Un de ses anciens collègues de la Bac l’aurait dénoncé à sa hiérarchie pour des violences policières envers un individu lors d’une arrestation. Le délinquant aurait passé, a priori, un sale quart d’heure avant d’arriver au commissariat. Le président du tribunal présente alors le contexte. « Cette fois-ci c’est à vous que sont reprochés des faits de violence aggravée en réunion, avec arme et en tant que personne dépositaire de l’autorité publique. Au vu du dossier, on voit que cette affaire s’est déroulée sur fond de règlement de compte au sein de votre service. Il y aurait eu un problème d’entente avec un de vos collègues. De plus, le fait que vous soyez représentant syndical n’aurait pas arrangé les choses et les aurait même envenimées », relate le magistrat.
Ainsi lors de l’interpellation d’un individu, déjà bien connu des services de police, ce dernier aurait reçu des coups de genou dans la cuisse gratuitement, ainsi que des coups de coude dans les côtes de la part du fonctionnaire de la Bac lorsque l’interpellé se trouvait à l’arrière de la voiture l’emmenant au commissariat. Le délinquant très agité donnait des coups de pieds partout et pour le calmer le policier a demandé à un de ses collègues se trouvant derrière de lui donner des coups de taser (pistolet à impulsion électrique) pour qu’il se calme. « Il fallait le calmer car il était très agité dans la voiture et risquait de nous occasionner un accident. J’ai alors donné à mon collègue un taser pour qu’il s’en serve », reconnait le fonctionnaire. Un des policiers présents dans la voiture et visiblement en forte inimitié avec son collègue décide alors de dénoncer les coups portés à l’intérieur et à l’extérieur du véhicule. Il aurait par ailleurs fait part à sa hiérarchie, outre de sa mauvaise relation avec son collègue, de l’absence de professionnalisme concernant cette équipe de la Bac et aussi le racisme envers les mzungus et les anjouanais. Un différent entre les deux hommes aurait même eu lieu dans la cour du commissariat.
« Mon ex collègue invente des actes de violence que je n’ai pas commis. Il cherche par tous les moyens à me charger au maximum. Il cherche par tous les moyens à me faire tomber, se défend le policier de la Bac. – Selon un de vos collègues, l’utilisation du taser pour calmer l’individu n’était pas obligatoire, interroge le président du tribunal – On a dû réagir vite, c’est ce qui m’a semblé le plus rapide et le plus efficace », répond le prévenu. Le procureur dans son réquisitoire a souligné que la victime avait été frappée plusieurs fois et que c’était un comportement qu’il fallait sanctionner, en dépit de l’animosité qu’il avait envers son collègue. « Cette affaire remet en cause la confiance que l’on peut avoir dans les institutions et leur légitimité. C’est regrettable ».
Il a ainsi requis 8 mois de prison avec sursis, peine que n’a pas manqué de trouver beaucoup trop lourde et infondée l’avocat de l’accusé et a ainsi demandé lors de sa plaidoirie la relaxe. Après avoir délibéré, le tribunal a prononcé la relaxe envers le fonctionnaire de la Bac.
B.J.