Le 30 décembre 2020 aux alentours de midi, Djanffar* roulait avec son 4×4 lorsque, arrivant vers le rond point du port de Longoni, il s’assoupit, sa voiture faisait alors un écart de route. Le choc avec le scooter de Nathan* qui arrivait en face fut violent. Le conducteur de la voiture le met immédiatement en position latérale de sécurité en attendant les secours. Mais le traumatisme crânien va provoquer une hémorragie interne chez le scootériste de 33 ans qui va décéder peu après. Laissant une compagne et deux enfants de 11 et 5 ans.
« Un drame de la route qui pourrait nous arriver à tous ». Cette phrase, ce sera aussi bien l’avocate de Djanffar, que celui de la famille des victimes, que le procureur qui va la prononcer. Car en dehors de ce constat de la nécessité de s’arrêter immédiatement en cas de fatigue au volant comme le rappelait la juge Chantal Combeau, il n’y a rien dans ce dossier. L’auteur de la collision était en règle, son véhicule aussi, « j’étais fatigué après m’être levé à 5 heures du matin et avoir subi les embouteillages », dira-t-il pour sa défense. A 54 ans, il est professeur des écoles en maternelle depuis 1994, et a deux grands enfants de 26 et 23 ans. Il rajoutait que ce drame lui avait « servi de leçon », « maintenant je m’arrête pour m’asperger d’eau quand je suis fatigué ».
Quand à la victime, il était Chef de section maintenance à la centrale thermique EDM de Longoni. Lors de l’accident, il était relevé chez lui un taux de 5,95mg de cannabis, mentionnaient les juges.
Fatigue ou conduire, il faut choisir
« Je reprends la déclaration d’un juge aux Assises, ‘on ne s’habitue jamais à la mort’, plaidait Me Yanis Souhaili pour la famille de la victime. Les faits qui se sont déroulés sont simples, mais avec des conséquences tragiques. Nous avons devant nous un bon père de famille qui s’est assoupi, mais les proches de celui qui est décédé sont dévastés. Sa compagne qui est rentrée en métropole n’a plus voulu parler de l’accident pendant les deux ans qui ont suivi, elle n’a repris contact avec moi que récemment. » Bien que sa cliente n’ait pas été convoquée en temps et heure, l’avocat n’a pas demandé le renvoi, eu égard à sa consœur arrivée du barreau de La Réunion. Il demandait par contre de repousser l’audience sur intérêt civil, qui permet de proposer « une indemnisation à l’amiable », après échanges entre les parties.
Le procureur soulignait une perte de vigilance « qui peut arriver à tous », mais qui implique d’arrêter son véhicule, « or il ne l’a pas fait ». Il demandait 12 mois de prison avec sursis.
L’avocate de Djanffar, Me Céline Cauchepin du barreau de La Réunion, soulignait le parcours de vie exemplaire de son client jusqu’alors, « qui a commis une maladresse aux conséquences irréparables », et réclamait « indulgence et humanité ».
Il sera condamné à la peine requise par le parquet, un an avec sursis. L’audience sur intérêt civil se tiendra le 16 septembre 2023.
Le carburant pour arrondir ses fins de mois
Comparaissait également à cette audience collégiale, trois autres prévenus. La première affaire portait sur un abus de confiance au préjudice de la station TotalEnergies. Le prévenu, Saïd*, avait ses petites habitudes. Chauffeur routier, il affectionnait particulièrement la station service de Dzoumogne pour faire le plein du véhicule. Le plein, c’était aussi celui de son porte-monnaie, puisqu’il s’entendait avec le pompiste sur une surfacturation. « Je payais avec la carte carburant Total de mon entreprise, et on me reversait du liquide ». Le « on », usuellement qualifié de pronom malhonnête pour son incapacité à désigner précisément l’individu qui l’emploie, collait à la situation : aucun personnel de la station Total n’ayant avoué avoir participé, et l’enquête n’étant pas allée plus loin.
L’entreprise BDM employant Saïd constatait des anomalies dans les relevés de carburant, et déposait plainte. Et faisant ses comptes, découvre un trou de 6.541 euros sur la période du 1er avril au 7 octobre 2021. Le chauffeur tentait d’expliquer son geste, « Je gagnais 900 euros, ce n’était pas assez pour mes trois enfants qui font des études en métropole ». « Heureusement que tous ceux qui gagnent peu ou rien ne font pas comme vous », rétorquait la présidente d’audience Chantal Combeau. Il était condamné à une peine de 5.000 euros d’amende avec sursis.
Une affaire de lavage de bus à proximité de la station de captage d’eau de Dzoumogne retenait aussi l’attention des juges, mais comme ni le conducteur ni son entreprise n’avaient eu connaissance de cette problématique environnementale, il était condamné à 1.000 euros d’amende avec sursis.
Enfin, une nouvelle fois, c’est un propriétaire de barque, mi-pêcheur, mi-guide touristique qui était condamné pour cette seconde activité à 3 mois de prison avec sursis et 1.500 euros d’amende pour avoir amené 5 personnes sur les îlots Choizil pour 10 euros par personne. Activité courante par le passé mais sur laquelle les affaires maritimes ont constaté un manquement dans les équipements de sécurité. La lourdeur de la peine s’explique par l’existence de précédents de ce récidiviste.
Anne Perzo-Lafond
* Prénom d’emprunt