Les baskets encore pleines de boue de l’ascension matinale en la commune de Koungou et les visages en sueur, c’est pourtant dans une dynamique égale que le ministre de la ville et du logement, Olivier Klein, foule le sol des bangas du quartier bas de Disma. Du moins, la boue pour rester dans la même thématique !
Après les glissements de terrain, les zones submersibles…
Lorsqu’il faut évoquer les motivations premières communales et gouvernementales en matière d’éradication pérenne de logements illégaux dits indignes, les notions d’hygiène et de sécurité sautent immédiatement aux yeux. Qu’il soit question de structures bâties avec des matériaux de récupération ou bien de cases en tôle et en dur, à la solidité plutôt discutable, là est le premier degré contestable et ce, bien avant la notion juridico-légale en notre département insulaire français ô combien singulier. Si vous ajoutez à cela que toutes ces constructions artisanales ont été établies en un sol friable avec un indice de pente non négligeable ou bien en zones à risques relatives à leur caractère inondable, on comprend bien que la 7ème puissance mondiale se doit d’agir enfin et efficacement. C’est donc en ce mardi matin que la délégation ministérielle, accompagnées d’élus et de hauts cadres de la CADEMA, ont arpenté de manière parfois épiques, les allées et petits ponts en palettes du bidonville de Disma situé à la lisière de la mangrove. Une mangrove bien fatiguée, tout comme la nature attenante car nourries de pollutions quotidiennes, d’eaux fangeuses et savonneuses, de déchets abondants et d’habitations qui continuent leurs avancées en ces zones marécageuses où l’ingénierie locale relative aux fondations, a troqué ses solides pilotis pour des pneumatiques de gros gabarits.
Elles seraient entre 500 et 600 personnes recensées en ce quartier, pas toujours en situation régulière, bien que certaines prétendent y payer des impôts et encore moins en conformité électrique où les branchements sauvages, hors contrat officiel EDM, constituent aussi un risque d’incendie accru. Une conformité clandestine, tout comme une adresse de domiciliation non légale donc, pour laquelle certaines sociétés ne sont pas toujours très regardantes au vu du nombre de paraboles installées sur les toitures ce que ne manque pas de souligner Olivier Klein auprès d’Elodie Furic, directrice de la rénovation urbaine pour le quartier de Kawéni.
Le soutien de la CADEMA
Ayant aspiration a re-gagner et assainir légalement tout ce quartier, l’inter-compétence est de mise notamment en terme d’appropriation du foncier. Dans ce cadre de plan local d’urbanisme (PLU) en cours, une demande d’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) a été formulée afin de revoir justement les plans d’aménagement et les zones délimitées du quartier au regard d’un projet plus global compris dans un grand tout qu’est le village de Kawéni et ses 66 985m2 de surface.
Des aménagements évolutifs justement pour modeler et moderniser ces mini-villes dans la ville en perpétuelle évolution notamment foncière et démographique. Le plan intercommunal de lutte contre l’habitat indigne (PILHI) mené conjointement par la commune de Mamoudzou et la CADEMA prévoit une étude pré-opérationnelle afin de définir le nombre exact de logements et constructions autres qui impliqueraient une démolition, d’une part, du bidonville et d’autre part, des constructions en dur déjà existantes ayant, pour certaines, acheté des titres fonciers sur des parcelles privées.
Une situation plutôt nébuleuse dans la plupart des cas où il est aussi question d’un business lié aux marchands de sommeil pour laquelle la CADEMA se positionne justement afin d’offrir une solution viable à long terme et un logement décent aux personnes en situation régulière.
Malgré la pré-annonce officielle du projet à venir, il est constaté que de nouveaux logements de fortune prennent place de jour en jour; en somme un combat quotidien de pédagogie juridique et de négociation dans cette bataille de pleine ré-appropriation de terrain qui est loin d’être gagnée.
L’aménagement SPPM
Le bidonville de Disma fraichement quitté, c’est aux abords de la MJC de Kawéni que la visite ministérielle s’est poursuivie; l’occasion notamment de découvrir les prémices du chantier d’aménagement dédié à ce secteur intitulé SPPM.
Un chantier pour un coût global de trois millions cinq cent mille euros qui prévoit la création de voiries, d’espaces pédestres, de système de gestion des eaux pluviales, d’une importante plateforme de bus scolaires mais aussi l’aménagement d’un espace vert jonchant des aires de jeux et de sport. C’est ainsi que nous avons pu (re)découvrir le tout nouveau parc enfant le long de la proche ravine attenante à la MJC, ainsi que des machines de remise en forme déjà en place.
Kawéni 2026 – Mamoudzou 2030
C’est un chantier colossal initié en 2016 qui a vu ses premiers travaux en 2021 et sa première inauguration donc, en 2022. Kawéni 2026, c’est 4 secteurs conventionnés, 19 opérations prévues, 25 mille heures d’insertion et déjà 151 millions investis. Un chantier incluant une large zone de plusieurs villages, leur ré-aménagement, leur accessibilité simplifiée et surtout, leurs respectives rénovations comportant notamment la construction de logements adaptés au mode de vie locale, dans le quartier de Mahaborini par exemple. Le début des travaux déjà acté, la remise des clés des 6 premiers logements devrait avoir lieu courant de cette année.
Des logements locatifs sociaux au budget serré et record de 90 mille euros l’unité pour lesquelles la ville a établi une demande d’aide financière auprès de l’ANRU (agence nationale pour la rénovation urbaine) pour, notamment, la construction à venir de 62 logements supplémentaires.
A cet ensemble se cible la volonté de moderniser la zone scolaire de Kawéni qui représente tout de même la citée scolaire la plus importante de France avec 10 000 élèves (pour le moment répartis dans des pré-fabriqués). Une modernisation prévoyant la construction d’un stade de grande envergure, un gymnase à destination des groupes scolaires et des associations sportives, une cuisine centrale propre à l’ensemble des établissements scolaires de la zone et enfin un internat d’excellence d’une capacité de 200 chambres et de 4 logements de fonction.
Pour tous ces beaux projets, on en revient au nerf de la guerre mahoraise : le foncier ! Un foncier qui, selon les dires officiels, est déjà en grande partie négocié, géré voire acquis avec des protocoles d’accord signés.
Des projets ambitieux et des accords justement avec le concours, l’écoute et la concertation des habitants pour lesquels Ambdilwahedou Soumaila, maire de Mamoudzou, invite tous les intéressés le 9 mars 2023 prochain aux assises dédiées, en la mairie de la commune. Il sera ainsi question de réfléchir ensemble quant au devenir de Kawéni et de Mamoudzou de manière globale.
Le discours officiel est clair
Au regard de ces grandes opérations de décasages, nous avons légitimement interpellé le ministre de la ville et du logement, ex-président de l’ANRU, concernant notamment les inquiétudes grandissantes des associations de citoyens mahorais et de la potentialité que l’attribution des titres de séjours soit un peu plus dynamisée et simplifiée afin de permettre à de nombreuses familles en situation illégale de pouvoir bénéficier d’aide quant à l’accessibilité à des logements sociaux.
« Pour moi les règles sont claires, l’accès au logement se veut dans un cadre légal au regard de sa situation. On a vu ce matin des gens dans des bidonvilles, dans des situations inacceptables de salubrité, de risques et donc la responsabilité de ne pas laisser des gens vivre dans ces conditions là.
Après, s’il existe des situations irrégulières, vous connaissez la politique du gouvernement de raccompagner ces personnes et pour celles qui sont en régularité, eh bien de les accompagner dans des parcours d’hébergement transitoires et après de logement mais seulement s’ils sont en situation régulière. C’est la même règle partout, sur le territoire national ».
MLG