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Gang des coffres forts : le dernier accusé échappe, pour l’instant, à une lourde peine

Alors que s’achevait vendredi le procès d’un membre du gang des coffres forts qui comparaissait seul devant la cour d’assises, les jurés ont été plutôt cléments à son égard. Il a été condamné à une peine minime si bien que le parquet a décidé de faire appel.

L’avocat général, Albert Cantinol, dans son réquisitoire s’est tout d’abord réjouit de la présence d’au moins une victime à l’occasion de ce dernier jour de procès. « Il n’y a pas de crime sans victime et pas de vrai procès sans victime », s’exclame-t-il devant la cour. Puis il s’en prend à la défense qui, lors des deux derniers jours, avait tenté de relativiser les faits. « Je trouve choquant que la défense minimise la gravité des faits en expliquant que de toute façon les gérants des magasins cambriolés ont été indemnisés par les assurances. Il y a des êtres humains derrière tout ça, avec leurs émotions. Des vigiles ont été agressés simplement parce qu’ils travaillaient », complète-t-il.

Il explique ensuite qu’il y a plusieurs volets dans cette affaire dont notamment le fait que ce soit une bande organisée dont il va s’attacher à en démontrer l’existence, à la différence de la défense. « Si c’est une bande organisée ? Oui sans aucune hésitation, clame-t-il. Leur objectif c’était les coffres forts, pour cela ils avaient conçu un plan et disposaient du matériel nécessaire. On voit nettement sur les vidéos qu’ils connaissaient les lieux, qu’ils avaient dû faire des repérages et qu’ils se répartissaient les rôles, c’est donc de la préméditation. Ils ratissaient ainsi les établissements commerciaux susceptibles d’avoir un coffre fort. Le mode opératoire est le même à chaque fois, à savoir un plan concerté avec des objectifs criminels précis ».

Par la suite, il égraine plusieurs éléments comme l’utilisation d’un outillage particulier « des barres à mine, des pieds de biche ou encore une meuleuse. Avouez que c’est inhabituel. De plus le fait qu’ils étaient camouflés et étaient armés de machette renforce la conception de bande organisée. Ils étaient déterminés à vaincre une potentielle résistance des vigiles. La notion de bande organisée est claire, nette et précise. On ne peut pas la contester. La cour d’assises s’est déjà prononcée à ce sujet en février 2022 ». L’avocat général poursuit son réquisitoire et demande aux jurés de ne pas lui faire de traitement de faveur sous prétexte qu’il comparait seul. « N’ayez pas peur ! Il appartient à un groupe de malfaiteurs, il faut le juger comme tel, comme les autres et le sanctionner à la hauteur de la gravité des faits reprochés », argue-t-il. Pour les faits qui lui sont reprochés, l’accusé encourt 30 ans de réclusion criminelle.

L’avocat général a requis 12 ans de réclusion criminelle

L’année dernière, en première instance, deux de ses comparses étaient accusés des mêmes faits et ont écopé de 15 ans et de 14 ans de réclusion criminelle. C’est donc en toute logique que l’avocat général a appelé les jurés à le condamner au minimum à 12 ans de prison.

L’avocat de la défense a semble-t-il convaincu une grande partie des jurés

Maître Cooper dans sa plaidoirie à fait valoir que la notion de bande organisée n’allait pas forcément de soi, que sa présence sur les lieux n’était pas formellement établie et a présenté la personnalité de l’accusé sous un angle de « rédemption ». « Je le connais depuis un certain temps, raconte-t-elle. Il avait 20 ans au moment des faits, il en a 27 aujourd’hui. Cela va faire bientôt 7 ans depuis sa première incarcération. Il a eu l’occasion de cheminer une réflexion et a grandi en détention. Maintenant c’est quelqu’un de posé et qui n’a jamais fait obstacle à la justice. Il sait qu’il a mal agi et a compris la gravité des faits.

Par ailleurs, le fait qu’il soit jugé seul est une très bonne chose, je trouve, c’est un gage de qualité de la justice. On a eu le temps de comprendre le procès… », indique-t-elle. Puis maitre Cooper s’est évertuée à critiquer la conception de bande organisée qui, selon elle, n’a rien d’évident au regard des faits, bien au contraire. « Ils se sont attaqués au coffre fort de petits magasins. Ce n’est pas une nouveauté à Mayotte. Ils ne s’en sont pas pris à des bijouteries par exemple. On est pas dans le grand banditisme. Les moyens utilisés ne sont pas très sophistiqués, ce n’est pas la mafia sicilienne ! ».

Puis elle s’adresse plus précisément aux jurés. « Qu’est-ce qui vous permet de dire que c’est une bande organisée ? Le simple fait qu’ils aient fait des repérages et aient prémédité leurs actes ? Cela est contestable à mon sens. Ce procès aurait pu être jugé en correctionnelle, peut-être dans une autre juridiction ». L’avocat de la défense en vient ensuite à démontrer la présence ou non de l’accusé lors des faits qui lui sont reprochés ainsi que le rôle « secondaire » qu’il aurait joué la plupart du temps. « Sa culpabilité ne tient que par les déclarations des autres et des siennes. Il a déclaré en garde à vue qu’il était là pour dire la vérité. Il y a quand même le droit fondamental de ne pas s’auto-incriminer », clame-t-elle.

En outre, elle met en avant le rôle passif de son client en indiquant qu’il faisait simplement le gué et que les vols qu’il a commis concernaient de la nourriture, de l’alcool, de la viande. « Il buvait tous les jours, il était en totale déperdition. Son parcours de vie fait qu’il a été déscolarisé jeune. Certains experts ont dit qu’il était intolérant à la frustration…Ils peuvent se tromper je pense, des choses peuvent leur échapper. J’en veux pour preuve les différences d’analyse qu’ils ont conclues. Il faut prendre ses distances par rapport aux expertises », souligne-t-elle.

La cour d’assises avait jugé 11 prévenus en février 2022

Enfin, maître Cooper a retracé un à un les faits reprochés à l’accusé. « Il n’y a pas de preuve contre lui concernant l’agression du gardien », dit-elle. Concernant un autre fait, elle indique qu’il était juste présent mais pas forcément coupable. Puis de conclure que « 12 années de réclusion criminelle c’est trop. Il y a une disproportion totale. Le système a-t-il besoin de cette lourdeur-là ? »

Il faut croire que les jurés ont été sensibles à l’argumentaire de l’avocat de la défense puisqu’ils ont acquitté l’accusé pour plusieurs faits commis et l’ont condamné à 5 ans de prison au bénéfice de la confusion de peines avec celle rendue dans une autre affaire. De plus, il a l’interdiction de porter une arme pendant 10 ans. Le parquet a fait appel de ce délibéré.

B.J.

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