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Mamoudzou

Réussite de l’opération de troc déchets contre produits d’hygiène en zones inaccessibles

Puisque les camions de ramassage ne viennent pas collecter les déchets des quartiers insalubres, ce sont les déchets qui viennent à eux. Non pas drainés par les eaux de pluie, mais par les habitants qui les déposent dans les doukas. Et ça marche. Une opération signée LVD Environnement Mayotte-Groupe AloMayjob.

Le constat sinistré du rapport de la délégation sénatoriale sur la collecte de déchets en Outre-mer est en partie imputable à Mayotte qui tire les chiffres vers le bas. Une grande majorité des déchets est encore enfouie en Outre-mer, 67%, alors que ce n’est pas le cas en métropole qui arrive à une moyenne de 15%. Mais pour éviter d’enfouir, il faut recycler, et pour recycler, il faut trier, et pour trier… il faut avoir des bornes de tri à proximité. Ce qui est loin d’être toujours le cas, notamment pour les quartiers de cases en tôle. Dont les habitants ont d’autre souci que la préservation de l’environnement, ayant comme préoccupation première de nourrir leur famille. Il faut donc penser à l’enjeu environnemental à leur place, et proposer des solutions.

Chanoor Cassam, le DGS du SIDEVAM 976, chargé de la collecte et du traitement des déchets, nous avait expliqué que sa compétence restait cantonnée au périmètre identifié du PLU (Plan local d’Urbanisme), dans chaque commune. Si ses camions passent de temps en temps hors des sentiers battus, ce n’est plus possible dès que la saison des pluies rend les accès impraticables. La seule solution en vue nous avait-il dit est proposé par LVD Environnement Mayotte-Groupe AloMayjob, qui incite les habitants des zones éloignées à déposer leurs déchets auprès des doukas (épiceries), pour leur délivrer en échange des produits d’hygiène.

Nous avons rencontré l’initiateur du projet, et directeur général de la structure, William Adousso, ainsi que sa coordinatrice chargée du développement de la structure d’insertion LVD Environnement Mayotte, Anne-Sophie Duroisin, ingénieure en agro-développement spécialisée dans la gestion des projets environnementaux, pour faire un point d’étape sur leur action.

William Adousso et Anne-Sophie Duroisin satisfaits de la phase d’expérimentation

Un tiers de la collecte de Citeo

Nous arrivons d’ailleurs à point nommé puisqu’à l’issue d’une période d’un an d’expérimentation, une convention triennale vient d’être signée avec la CADEMA, qui, rappelons le, a la compétence de la collecte des déchets et de sa prévention, sur les communes de Mamoudzou et Dembéni. Cela touche donc une grande partie de la population de Mayotte, puisque lorsqu’on rajoute à ces deux communes celle de Koungou et les deux de Petite Terre, on touche la moitié de la population de Mayotte.

L’objectif poursuivi par le projet est quadruple : agir sur l’environnement, lutter contre la précarité en insérant des personnes en difficulté, faire de la santé communautaire, et formaliser les doukas. « Pour collecter les bouteilles en plastique déposées dans les doukas, nous avons acheté un camion, et recruté 6 équivalents temps plein. Et sur 10 salariés, deux ont déjà décroché une formation qualifiante, et deux ont trouvé un emploi », rapporte William Adousso. Qui recrute parmi les personnes éloignées de l’emploi ou en difficultés socio-économiques, ou en sortie de prison.

Et les résultats sont très concluants, comme le rapporte Anne-Sophie Duroisin : « Nous avons collecté 15 tonnes de bouteilles plastiques en un an, uniquement sur 8 doukas, à titre de comparaison, les bornes de tri Citeo en totalisent 45 tonnes sur l’ensemble du territoire. » Et ce sont 1.000 tonnes de plastique qui entrent chaque année à Mayotte.

Forte demande

Un camion plein à déborder qui va décharger à Longoni

Les habitants ont un calendrier de collecte hebdomadaire des bouteilles auprès de leur douka, « et je peux vous dire que le jour J, une file se forme à l’entrée dès 5h du matin. » Parmi les déchets, quelques bouteilles d’eau, beaucoup de sodas, en tout cas, sur une zone éloignée des bornes de collecte pour éviter toute tentative de les vider.

Mais le concept mis en place ne s’y prête pas, car le troc ne porte pas sur l’alimentaire : un ticket est délivré, et au bout de 15 tampons, représentant un certain nombre de bouteilles, du savon, des couches, des serviettes hygiéniques, sont remis aux habitants, « nous avons axé sur ces produits après une étude menée sur ces quartiers. Ce sont des récompenses pour avoir pris en main leur collecte de déchets car l’enjeu est environnemental. Et nous en profitons pour porter des messages de santé publique », précise le directeur. « Nous achetons ces produits aux doukas, nous participons donc à leur tenue de compte, car nous devons nous-mêmes être en règle et justifier toutes ces actions ».

Les bouteilles ainsi chargées dans le camion sont transférées vers l’éco-pôle de la STAR à Longoni, et viennent grossir le stock accumulé par Citeo.

Ce dispositif financé par la CADEMA, elle-même cofinancée par l’ARS Mayotte et l’Ademe, en est à sa phase de déploiement. « Nous comptons atteindre 10 doukas dans le courant de l’année 2023, toujours sur la CADEMA, ce qui implique qu’ils soient référencés et accompagnés. Et d’arriver à faire travailler 15 salariés, en achetant un camion supplémentaire. Nous voulons augmenter notre activité d’un tiers chaque année pendant 3 ans », se projette William Adousso. En élargissant l’activité hors CADEMA, « disons que nous avons un objectif de rayonnement territorial », conclut-il en souriant.

Anne Perzo-Lafond

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