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Portrait – Kassim Abdou : Un talent qui a su trouver sa voie

Les récents récits de décès prématuré au sein de la communauté étudiante mahoraise installée en France métropolitaine nous poussent à nous questionner sur leurs conditions de vie. Nous vous proposerons des portraits d’étudiants en métropole, pour prendre la température de leurs difficultés et voir comment ils les surmontent.

Pour rappel en 2020, une jeune étudiante âgée de 26 ans a été retrouvée morte chez elle, de causes naturelles. Plus récemment, le cas de Fayiz âgée de 22 ans mort chez lui en août dernier, déplorait l’Association des mahorais de la Métropole Lilloise (AMML-Hauts-de-France). En tout depuis 2015, ce sont 5 étudiants mahorais qui ont été retrouvé sans vie chez eux, à cause de la précarité et de l’isolement. Entre solitude et réussite scolaire, quel avenir pour les étudiants mahorais ? Nous sommes partis à la recherche de différents jeunes installés aux quatre coins de la France pour leurs études, pour récolter leurs témoignages. Notre première interview s’ouvre avec le portrait de Kassim Abdou 25 ans étudiant en Mastère* 2 de Nutrition Humaine à l’école de Diététique et Nutrition de Montpellier.

Pouvez-vous vous présenter dans un premier temps ?

Kassim Abdou : En 2015, après l’obtention de mon baccalauréat scientifique, j’ai fait une première année d’études commune de santé (PACES) par défaut. À ce moment-là, je ne savais pas trop quoi faire, n’ayant pas fait de vœux sur la plateforme d’admission aux études supérieures admission post-bac (APB), actuel Parcoursup. C’est donc un peu par hasard que je me retrouve sur les bancs de la faculté de médecine alors que je n’aime pas du tout ça. Malgré tout, j’ai un penchant pour les sciences de la vie alors je décide de me réorienter dans une licence de biologie.
Deux L1 et deux L2 plus tard, j’obtiens enfin ma licence en biologie en 2021. Après son obtention, j’ai candidaté pour des masters à la faculté de sciences de Montpellier. Finalement, c’est dans un Mastère en Nutrition dans une école privée, que j’ai trouvé une place. Cette école est financée en partie par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM).

Le vertige de l’après Bac

Comment s’est passée votre rentrée après l’obtention du baccalauréat ?

Kassim Abdou : Je n’étais pas du tout préparé à ce départ au niveau des questions administratives, mes études en PACES étaient un accident de parcours, je ne savais pas forcément où m’orienter. En venant en France, je n’étais pas préparé à être autonome rapidement, faire mes démarches tout seul, bien que mon frère m’aidait ponctuellement.  Il m’a montré comment prendre le métro, quelque chose qui parait anodin pour certains et qui pourtant était tout nouveau pour moi. J’étais logé chez un ami de mon frère avant de prendre mon logement au Centre Régional  des Œuvres Universitaires et Scolaires.
C’est en arrivant en France, que j’ai entrepris des démarches pour ouvrir un compte en banque pour percevoir ma bourse. Cela non plus ce n’était pas fait.
Une fois toute la partie administrative réglée, je pouvais enfin penser à me sociabiliser. Entre temps, les mois défilent, une fois mon logement pris, j’étais tout seul. À la solitude de mon logement, se rajoutait le manque de liens à la faculté puisque je n’avais pas d’amis non plus à ce moment-là, pas de famille à mes côtés. Du moins pas d’interactions régulières, mais je savais qu’en cas de problème mon frère n’était pas loin. Et puis, il y avait les études à réussir, je devais me concentrer. Il y a aussi la différence culturelle, ce qui faisait rire les autres ne m’amusait pas forcément. Trouver des personnes ayant les mêmes centres d’intérêts dans ce contexte allait prendre du temps, mais ce n’était pas impossible.

Au-delà de ces difficultés administratives, voulez-vous nous parler de quelque chose qui vous a marqué ?

Kassim Abdou : Lors de mes années de licence, j’étais obligé de travailler en parallèle des études. Parfois, c’était démoralisant pour la poursuite des études. Au niveau du travail même, certains droits ne sont pas reconnus, donc quand on ne connaît pas forcément, on se fait avoir. Par exemple, il m’est déjà arrivé de travailler et de ne pas percevoir l’intégralité de mon salaire. Les vacances scolaires servaient essentiellement à remplir mon compte en banque pour poursuivre mes études sereinement. Je déplore aussi le manque d’accompagnement, de la part de la collectivité, un suivi des étudiants ne serait-ce que moralement pour savoir ce qu’ils font, où ils en sont.

La politique de la DPSU souvent peu compréhensible pour les étudiants

On entend souvent parler de la DPSU (La Direction des politiques scolaires et universitaires) anciennement DASU, qui aide financièrement les étudiants mahorais qui souhaitent poursuivre leurs études à l’extérieur de Mayotte ? Avez-vous perçu une quelconque aide ?

Kassim Abdou : Je faisais partie de ceux qui ont eu droit à ces aides la première année, mais qui ont été très vite coupées par la suite dès le deuxième semestre. J’avais pourtant fourni les documents nécessaires pour l’instruction de mon dossier. Après ma licence j’ai postulé pour des masters à la faculté qui n’ont pas abouti. J’ai parlé de ma situation à la médiatrice présente au sein de l’association des étudiants mahorais de Montpellier (AEMM) où je suis bénévole depuis plusieurs années maintenant. Elle m’a orienté vers des aides de LADOM qui m’ont permis de payer mon école dont les charges s’élèvent à 8000€ par an. A cela, j’ai droit à une bourse de 500 € par mois. Si je n’avais pas été dans cette association probablement que je n’aurais pas eu l’information.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Kassim Abdou : Je me sens confiant, les soucis de la première année envolés, j’envisage un futur serein. Mon projet professionnel se dessine enfin. Après l’obtention de mon diplôme, j’envisage de travailler dans le secteur de la Recherche et Développement, être avec les patients, suivi de patients. Finalement, je suis satisfait d’avoir choisi une voie différente que les études à la faculté qui ne préparent pas assez au monde professionnel, les enseignements dispensés étant trop théoriques. Sans compter la masse d’étudiants entassés sur les bancs de la faculté. Mon école est totalement différente du système des universités dans son fonctionnement, elle allie la théorie à la pratique. D’autant plus, que le suivi est bien meilleur, nous travaillons en petit effectif, les professeurs sont plus accessibles. Il y a en somme un meilleur encadrement, les étudiants ne sont pas livrés à eux-mêmes.

Il déplore le manque d’informations que les lycéens mahorais n’ont pas sur leur choix d’orientation. Les formations privées courtes étant souvent moins bien mises en lumière, il souhaiterait que les étudiants aient accès à toutes les ressources disponibles afin de faire le meilleur choix.

Sarah Mohamed-Feti

* En France, les mastères sont des labels délivrés par des établissements d’enseignement  hors du système universitaire. Contrairement au diplôme national de master, un mastère n’est pas systématiquement reconnu par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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