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Conditions d’expulsion des étrangers délinquants : reculer pour mieux reprendre la main ?

Alors que le débat sensible sur l’immigration se profilait pour ce mardi à l’Assemblée nationale, le groupe LR présentait par la voix du député Kamardine une proposition de loi qui collait aux affichages du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur les expulsions d’étrangers menaçant l’ordre public. Et pourtant le groupe Renaissance de la majorité présidentielle a voté contre. Le député mahorais revient sur le contexte.

« Une semaine par mois, chaque groupe de l’Assemblée nationale a l’opportunité de profiter de niche parlementaire, ce 1er décembre étant le tour des LR, nous avions mis quatre textes à l’ordre du jour, dont l’assouplissement des conditions d’expulsion des étrangers représentant une menace grave à l’ordre public, pour lequel j’étais le rapporteur ». Mansour Kamardine fait parti des 60 signataires du texte, ils se basent sur un taux, « plus de 90% des étrangers présentant une menace grave à l’ordre public sont inexpulsables en raison de protection que le droit français et européen leur accorde, notamment le fait pour un étranger d’être arrivé sur le territoire national avant l’âge de 13 ans, phénomène qui frappe en particulier Mayotte. »

En 2003, le président Sarkozy met fin à la « double peine », c’est à dire la possibilité d’expulser un étranger déjà condamné par la loi. En réalité, il est fréquent qu’une condamnation d’un étranger à Mayotte notamment, soit assortie d’une Obligation de quitter le territoire (OQTF). Les catégories protégées de la double peine ont aussi été étendues aux étrangers arrivés en France avant 13 ans, ou résidant en France depuis plus de 20 ans, ainsi qu’aux étrangers mariés depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, ou à une personne résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans.

« L’idée du texte, c’était de réformer tout ça et d’élargir le champ des catégories des personnes concernées du moment qu’elles constituent une menace grave pour l’ordre public. Nous nous attaquions donc à deux articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La France a aujourd’hui une législation plus tolérante que certains de ses voisins européens : en Allemagne la législation a été modifiée en 2016 pour faciliter l’expulsion des étrangers protégés par le statut de réfugié, dès lors qu’ils étaient condamnés, même avec sursis. »

Gérald Darmanin sur un intercepteur de la PAF à Mayotte

Une question de paternité

Pour faire passer la proposition de loi, les LR misent sur l’engagement du président de la République en campagne en 2022, dont un point portait sur l’« Expulsion des étrangers qui troublent l’ordre public », et sur le discours du ministre de l’Intérieur ce 18 octobre 2022 : « Nous proposerons la suppression de l’interdiction de la double peine et de tous les empêchements d’expulsion. Nous estimons le nombre des personnes que nous pourrions expulser à 4.000 personnes par an, si nous n’avions pas dans notre droit ces règles visant l’arrivée avant 13 ans sur le territoire national ou concernant les personnes mariées à un Français ». Que le texte des LR veut faire sauter.

En juillet 2022, Gérald Darmanin annonçait d’ailleurs que depuis deux ans, 2.751 étrangers délinquants ont été expulsés, 770 comme responsables de trafic de stupéfiants, 900 pour violences conjugales. Et en préparation du débat de ce mardi sur l’immigration que le projet de loi qui en découlerait avait pour ambition « de mieux intégrer et de mieux expulser » les immigrés.

Et pourtant, le texte n’a pas été adopté… en raison notamment du vote contraire du groupe Renaissance de la majorité présidentielle, des groupes Horizon (Centre) Modem qui se sont ralliés à la Nupes. Etonnant !

« Jusqu’à la veille, le ministre Gérald Darmanin s’opposait à un amendement de suppression de notre proposition que proposait la Nupes. Et mercredi après-midi, le groupe Renaissance me fait savoir qu’ils sont en adéquation avec le texte, mais qu’ils ne vont pas l’adopter pour en laisser la paternité à Darmanin. Et sur le fond, comme la NUPES a déposé 120 amendements, les députés Renaissance ont dit qu’ils stoppaient de toute façon les débats par peur de passer beaucoup de temps à discuter des amendements. »

Et il n’était pas forcément question de reporter le débat ce mardi consacré à l’immigration à l’Assemblée nationale, « notre texte ne concerne pas l’immigration, mais la sécurité de l’ensemble des populations qui se trouvent dans notre beau pays. »

En tout cas, Mansour Kamardine en a profité pour inviter les députés Renaissance à constater les effets d’une migration débridée en venant à Mayotte, « ils étaient tous favorables ! »

Anne Perzo-Lafond

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