Le projet de construction de la grande mosquée de Mamoudzou est en passe d’entrer dans une dimension nouvelle. Si les prémisses des réflexions remontent à une vingtaine d’années, ce n’est que très récemment qu’il a pris de l’ampleur. Au regard de la vétusté du lieu de culte actuel et de son étroitesse pour accueillir l’ensemble des fidèles qui s’y rendent, l’association Masdjid el Djoumoi ambitionne la construction de « l’Espace de Témoignage et de Découverte de la Culture Musulmane à Mayotte ». En effet, selon Habib Souffou Hedja, vice-président de l’association et chargé du projet, « la mosquée de Mamoudzou ne reflète pas la beauté, la clarté et la sécurité nécessaire puisqu’elle n’est pas aux normes ». Or pour lui ce lieu de culte « nous ramène à notre culture et à nos traditions ».
« On a envie d’avoir un centre culturel rayonnant »
Afin de faire honneur aux fidèles et de perpétuer l’esprit de tolérance qui caractérise l’islam de Mayotte, la construction de la future mosquée s’étendra sur le site actuel, entre M’gombani et la rue du commerce. La surface totale portée à environ 2000 mètres carrés sera composée notamment, outre la mosquée et son minaret de 32 mètres, « d’un auditorium, d’une bibliothèque, d’une chambre funéraire pour le recueillement ainsi que des commerces », détaille Habib Souffou Hedja. « Il faudra trouver des sources de financement pour faire fonctionner la mosquée car des emplois vont être créé avec ce projet », note-t-il.
A l’instar de la grande mosquée de Paris, celle de Mamoudzou constituera une invitation à découvrir l’islam de Mayotte. Un plan de gestion concernant la programmation et l’entretien du lieu sera réfléchi en amont, avant la livraison du site, afin qu’il y ait « une vraie animation avec des conférences » pour en faire un espace vivant, « on a envie d’avoir un centre culturel rayonnant », précise le vice-président. Un moyen aussi selon lui, « d’attirer à nouveau les jeunes à la mosquée » et rompre ainsi avec cette impression de « club du troisième âge ». Il poursuit : « il ne s’agit pas uniquement de quatre murs, il y a un projet éducatif derrière et nous prenons nos responsabilités afin d’apporter une réponse aux problématiques d’insécurité ».
La grande mosquée en tant que projet territorial constitue ainsi un espace de prière, un lieu de vie et de rencontre, vecteur d’éducation populaire. Aussi préfère-t-il « retrouver un jeune dans le centre culturel plutôt que dehors sans projet ». Les événements survenus ce week-end sont bel et bien présents à l’esprit du vice-président. Pour mener à bien ce projet d’envergure, le montant total prévisionnel de l’opération est actuellement estimé à 13 millions d’euros.
Les dons au cœur de la stratégie de financement
Dans l’optique du financement de la mosquée, l’association compte en premier lieu sur la générosité des fidèles « qui vont la construire », souligne Habib Souffou Hedja, mais également des non fidèles. Il abonde : « tout habitant de Mayotte doit pouvoir s’approprier ce projet ». L’appel au financement repose sur « une campagne fraternelle », selon Nawirdine Nafion, secrétaire-général de l’association.
La première phase de cette campagne est prévue samedi 26 novembre, sur le parvis de la Maison des Jeunes et de la Culture de M’gombani, avec un appel aux dons. Le majliss se tiendra de 9h à 14h30. « Une présentation du projet, d’un point de vue technique et architectural, aura lieu. Il y aura la possibilité de se restaurer sur place », commente le secrétaire général. Néanmoins, rappelle-t-il, « rien n’interdit aux collectivités publiques de participer au financement de ce projet, la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat ne s’appliquant pas à Mayotte ».
D’autres sources de financement sont également envisageables
C’est en effet le décret Mandel, datant de janvier 1939, qui fixe à Mayotte les relations entre les Eglises et l’Etat. Mais la rigueur se devra être de mise en témoigne l’annulation, le 10 novembre dernier par le tribunal administratif de Strasbourg, de la subvention publique du Conseil municipal de Strasbourg pour la construction de la mosquée. Cette décision résulte d’un pur formalisme, le juge estimant, entre autres, que les conditions dans lesquelles la délibération du Conseil municipal a été prise n’étaient pas bonnes.
Autre financement possible, les dons étrangers notamment des pays de la région. Sur ce point, Nawirdine Nafion entend couper à toute forme de spéculation : « ce n’est pas parce que des financements issus de la région peuvent avoir lieu que nous aurons des imams radicaux qui viendront nous imposer leur vision de l’islam ». De toute manière, le dossier lié au financement, précise-t-il, est suivi par « le ministère de l’Intérieur », ayant la charge des cultes, afin d’assurer la plus grande transparence possible.
A ce titre, le vice-président de l’association entend insister sur le fait qu’il « ne faut pas que notre religion fasse peur. On est en phase avec la République. On peut vivre l’islam avec la République pour être un modèle pour les jeunes en métropole ». Selon le calendrier prévisionnel de l’opération, le démarrage des études de conception et d’exécution aura lieu le second semestre 2023 avec un début des travaux en novembre de l’année prochaine. La livraison de l’édifice, quant à elle, est envisagée, pour l’heure, en avril 2027. Si l’échéance semble ambitieuse, Habib Souffou Hedja reste optimiste, « le leitmotiv c’est aide-toi et le Ciel t’aidera ».
Pierre Mouysset