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L’agriculture durable à Mayotte, un enjeu de résilience alimentaire

L’effervescence était de mise au lycée agricole de Coconi samedi matin. En parallèle de la Journée de l’agroécologie s’est tenu le séminaire du plan Ecophyto. Tous les deux ans, il permet de faire le bilan des avancées techniques sur le territoire de l’île afin de répondre aux ambitions de réduction d’utilisation de produits phytosanitaires.

Alors que la population ne cesse de croître sur un territoire à l’espace restreint, le renforcement de l’autonomie alimentaire ne semble pouvoir faire l’économie d’une gestion durable des ressources agricoles et environnementales. Si l’agriculture opère peu à peu sa mue en passant d’une dimension vivrière à celle de la vente, la structuration des filières agricoles mahoraises n’ignore pas les problématiques découlant de l’utilisation des produits phytosanitaires.

De nombreux ateliers d’information proposés

Ecophyto se décline en plusieurs actions

Il s’agit de développer à Mayotte une « agriculture qui n’utilise pas de fertilisants ou de traitements issus de la chimie de synthèse », renseigne Bryce Bouvard, coordinateur général de l’Union des coopératives agricoles de Mayotte (UCOOPAM). Le plan d’actions national Ecophyto a ainsi pour objectif « de diminuer de 50 %, d’ici 2025, l’utilisation de ces produits que ce soit en métropole ou dans les départements d’outre-mer », poursuit Loïc Larroche, chef de projet Ecophyto à la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de Mayotte. Initialement entré en vigueur en 2014, ce plan revêt plusieurs actions qui se sont progressivement mises en place à l’échelle du territoire.

Parmi elles, l’action de surveillance biologique du territoire. « Un agent est chargé d’observer les cultures pour remplir un bulletin de santé mensuel afin de faire un suivi des maladies et des insectes évoluant sur les parcelles d’exploitation », informe le chef de projet Ecophyto. Autre action: le développement du réseau DEPHY Ferme. Là encore, Loïc Larroche détaille l’approche de ce dispositif : « il s’agit d’assurer un accompagnement de la gestion des méthodes alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires auprès d’agriculteurs ‘test’ ».

Affiche de l’événement

En 2021, onze agriculteurs ont été suivis, une vingtaine de visites individuelles ont été réalisées afin de faire le point sur l’identification des bioagresseurs, la prophylaxie ainsi que le déploiement de mesures de lutte physique, tels que des filets pour réduire les intrusions de certains insectes, et des produits de biocontrôle. Ces produits, selon Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, sont définis comme étant « un ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels ». Ainsi, depuis 2015, le suivi de l’indice de fréquence de traitement pour les agriculteurs ayant rejoint le réseau DEPHY Ferme permet de se rendre compte d’une décroissance de l’utilisation de produits chimiques au profit du développement de produits de biocontrôle.

Des freins au développement de la filière bio subsistent

Dans ce contexte de développement d’une agriculture durable et soutenable respectueuse des écosystèmes, la structuration de la filière bio relève de la nécessité. « Les agriculteurs accompagnés vers la certification Bio sont au nombre de treize », renseigne David Vancauteren de l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte.

Un chiffre faible s’expliquant par le délai nécessaire avant l’obtention du sésame, plusieurs années sont parfois nécessaires pour y parvenir, mais aussi de l’absence de l’organisme certificateur à Mayotte constituant, selon David Vancauteren, « un des freins au développement » du bio sur l’île.

Le lycée agricole de Coconi

Or, rappelle Bryce Bouvard, coordinateur général de l’UCOOPAM : « un produit est bio à partir du moment où il est certifié par un organisme certificateur ». Loïc Larroche abonde : « l’agriculteur s’engage dans un cahier des charges précis ». Une démarche garantissant la qualité du produit vendu aux consommateurs. Sans cette étape, impossible de vendre une production estampillée bio d’autant que des contrôles périodiques sont réalisés afin de confirmer ou infirmer la certification auprès des agriculteurs.

Assurer le débouché de la production, un autre défi

Autres difficultés rencontrées par les professionnels franchissant la démarche du bio, « la complexité d’avoir des semences bio à Mayotte », note Boto Attoumani, agriculteur en cours de certification. A ce titre, Asani Boinadi agriculteur certifié, précise qu’il « faut les faire venir de métropole ». Ces semences ne sont pas forcément adaptées au climat spécifique de Mayotte favorable au développement de certaines maladies. Néanmoins tient-il à ajouter : « la certification est un moyen de valoriser nos terres ». Cette valorisation est intrinsèquement liée à la mise à disposition des professionnels d’outils assurant la préservation et la commercialisation de leurs productions, tels que des marchés couverts, garantissant ainsi un débouché aux agriculteurs et la sécurité pour les consommateurs.

Pierre Mouysset

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