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Délinquance : des annonces « à la limite de ce que la République peut autoriser »

Les élus de Mayotte se sont rendus comme un seul homme à la capitale, et ont été reçus par les présidents des deux chambres ainsi que par le ministère des Outre-mer. Ils ont longuement exposé les doléances habituelles en matière d'immigration et de délinquane, doublées par une adresse aux grands medias nationaux. Une séquence qui semble avoir fait mouche, avec des réponses annoncées pour mi-novembre.

Le niveau de délinquance étant devenu insupportable, avec des caillassages à toute heure du jour et de la nuit, les maires de l’île avaient tapé du poing sur la table le 13 septembre dernier en fermant les écoles primaires pendant deux jours, un mouvement qu’avaient immédiatement rejoint les élus du conseil départemental qui stoppait le ramassage scolaire, privant de cours une partie des collégiens et lycéens. Nous avions évoqué alors une désobéissance républicaine, qui devrait plutôt s’orienter vers les autorités à Paris, puisque la question qui trotte dans toutes les têtes ici reste la volonté réelle de l’Etat de maintenir la paix sur un si petit territoire.

C’est un coup à trois bandes qu’ont joué les élus, puisque le président de l’association des maires de Mayotte (AMM) explique dans un communiqué que leur mouvement « île morte » devait calmer une population « qui a raison de demander plus de moyens », puis permettre de rencontrer le préfet pour un échange en local, pour ensuite demander audiences à Paris. Et elles furent nombreuses.

Pourtant, le déplacement du 17 au 20 octobre ne se présentait pas sous les meilleurs auspices, puisqu’en pleine pénurie de carburant, de grèves, et d’utilisation du 49.3 pour le budget 2023. Ils n’ont malgré tout pas été reçus par des sous-fifres, font-ils savoir, expliquant ce succès par leur unité, « nous avons toutes et tous parlé d’une même voix, chacun avec sa tonalité », rapporte Madi Madi Souf.

Appuyés par l’Association des maires de France (AMF), dont le président David Lisnard, maire de Cannes, était présent en personne, ils ont organisé une conférence de presse avec les grands médias nationaux, Le Monde, France Inter, France TV, le Figaro et l’AFP. Il était temps que pour le tableau que peignent les médias nationaux, le pinceau soit tenu par les intéressés. « Cette première séquence a été plus qu’une réussite. Elle a dépassé toutes nos espérances. Nous remercions ici tous les services de l’AMF pour leur soutien », commente le président de l’AMM.

Les élus aux côtés de Yaël Braun-Pivet

Yaël Braun-Pivet avait déjà ciblé des pistes sur place

Puis direction le Sénat, où, reçus par le président Gérard Larcher, entouré de son directeur de cabinet, des deux sénateurs de Mayotte, mais aussi du Président de la délégation outre-mer du Sénat, Stéphane Artano, et du président de la commission des lois, François Noël Buffet, qui s’est déjà rendu à Mayotte à deux reprises, ils obtenaient de ce dernier un rendez-vous en novembre pour intégrer ces sujets au sein du débat en cours sur les questions institutionnelles imposant une différenciation des territoires ultramarins qui ne souhaitent pas tous la même destinée au sein de la République.

Ce même 19 octobre, c’est la présidente de l’Assemblée nationale qui recevait la délégation, Yaël Braun-Pivet, entourée des deux députés de Mayotte, de son cabinet, notamment Romain Pinchon, Mejdi Jamel et Alain Espinasse. De la présidente de l’Assemblée nationale et brève ministre des Outre-mer, on est en droit d’attendre beaucoup, elle dont la mission en 2019 à Mayotte en tant de députée avait noté que « la République ne s’est pas suffisamment préoccupée de Mayotte » par le passé, et qui s’était soldée par un « il faut adapter les lois à Mayotte », notamment en matière d’immigration. « Elle a pris l’engagement de servir de relais pour défendre nos intérêts, de se rapprocher, elle aussi, du Président du Sénat, afin qu’ils agissent ensemble, dans le cadre d’un réseau de lobbying, dans l’intérêt des Mahoraises et Mahorais », rapporte Madi Madi Souf, qui salue « un appui de poids auprès de l’exécutif ».

Des kwassa aux « ni-ni » en passant par le foncier

A peine ministre, Jean-François Carenco s’était rendu à Mayotte

Enfin, la délégation était reçue le 20 octobre par Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer au sein du ministère de l’Intérieur, entouré de son directeur de cabinet, Joël Mathurin, du Conseil Outre-mer de l’Elysée, François de Kerever, de la conseillère des affaires étrangères, Nadia Fanton, du cabinet du ministre de l’intérieur et des outre-mer représenté notamment par Alexandre Brugère. Un échange de prés de deux heures. « Jamais une telle situation ne s’est présentée dans le passé aux dires des deux protagonistes. Cette réunion a permis de mettre tout sur la table dans la cordialité et le respect des uns et des autres. Nous avons parlé d’actions en amont depuis les Comores pour stopper les kwassa avant qu’ils partent, de poursuite des décasages avec plus de fermeté, de la question du relogement des personnes décasées en situation régulière, du code de la nationalité, du droit du sol, d’accès aux soins et de CMU, de patrouilleurs au large de Mayotte, de brigades de gendarmeries et d’effectifs en plus, de libération du foncier occupé illégalement à commencer par la ZPG, du département et des communes, du lien direct établi entre immigration clandestine massive et violence, d’associations financées par l’Etat et qui bloqueraient les combats des Mahorais, de la meilleure répartition des forces de l’ordre sur l’ensemble du territoire et selon les poches de violence, de plan de reconnaissance de Mayotte à l’international, d’actions sur la région Océan indien afin de stopper les vagues d’immigration dans le respect du choix des Mahorais, du chiffrage du coût de l’immigration à Mayotte, du problème des « ni expulsables ni régularisables » (ni-ni), des évasan qui ne concerneraient que 12% de Français ».

En juin 2021, Madi Madi Souf présentait les propositions pour faire évoluer le contexte au nom des maires de Mayotte

Des annonces en novembre

En réponse, des engagements sont pris par le ministre « qui prévoit un déplacement à Mayotte avec des annonces à la clé courant novembre avec le ministre de l’Intérieur ». Elles porteraient sur le code de la nationalité et sur le droit du sol. Gérald Darmanin avait annoncé vouloir accentuer la présence en situation régulière d’un des parents d’un enfant avant la naissance en la faisant passer de trois mois à un an, mais aucune étude d’impact n’a été faite sur la première mesure qui nécessite une communication aux Comores. On attend donc de voir la teneur des annonces, qui devraient décaper si l’on en croit les maires : « Il a été très clairement dit lors de cette réunion du 20 octobre que le gouvernement fera des propositions très audacieuses, inédites, à la limite de ce que la République peut autoriser ». Les parlementaires mahorais se disent prêts à accompagner.

Alors que jusqu’à présent à Mayotte, c’est la population qui montrait le chemin à suivre, il semble que les élus aient enfin endossé leurs habits et mérité leurs écharpes : « Tous les éléments sont sur la table. L’Etat sait exactement ce que nous voulons. Dans les prochains jours, des décisions seront prises sur la base d’un calendrier précis que nous suivrons de près et rendrons compte à chaque fois que cela sera nécessaire aux Mahorais. Nous avons obtenu du respect, de la crédibilité, de l’écoute et de la considération », jugent-ils.

Anne Perzo-Lafond

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