Le discours du 1er vice-président du conseil départemental sur le plateau de Mayotte la 1ère n’est pas passé inaperçu la semaine dernière. En mettant en avant un niveau scolaire insuffisant pour justifier la fermeture des écoles, il mettait le doigt dans un engrenage vicieux d’où rien de bon ne peut sortir. Une sorte d' »à-quoi-bonisme » qui peut se décliner dans de nombreux domaines : puisqu’il y a des déchets partout, à quoi bon les ramasser, un peu plus un peu moins, puisque le conseil départemental n’assume pas toutes ses compétences, à quoi bon continuer à l’accompagner… la liste est longue et on est certain de ne pas aller vers le meilleur.
A cette fermeture, le co-président de la FCPE avait répondu, « fermer les écoles n’est pas la bonne solution », et avait très logiquement invité à se tourner vers un boycott des échanges avec l’Etat, ou toute autre forme de rébellion.
Les maires refroidis par l’appel d’air
Si l’école et l’arrêt du ramassage scolaire ont cristallisé les attentions des élus, c’est au moins pour deux bonnes raisons. D’une part, les transports scolaires sont la proie de caillassages en règle, et de la part des propres élèves qu’ils transportent, cela fait plusieurs années que ça dure, les chauffeurs osent désormais l’exprimer publiquement. Pour le mettre en évidence, les élus ont suspendu le service pendant 3 jours. Et d’autre part, parce que la démographie galopante – on semble bien parti pour dépasser les 11.000 naissances cette année – impose aux établissements scolaires de suivre son rythme, ce qui se traduit en blocage de foncier dédié à cette cause. Or, les maires qui avaient été boostés par le discours volontariste et les avancées obtenues à Paris par le recteur Gilles Halbout, renouent avec la frilosité au fur à mesure que les tétines sortent de la maternité.
Car, loin des cerveaux formatés de métropole, ils ont compris le leurre proposé aux migrants : une qualité d’enseignement supérieure à celle des Comores, mais aucun espoir à l’issue, l’absence de papiers les condamnant à ne pas continuer les études, et encore moins à travailler. On retombe sur la « fabrique à délinquants » que nous dénoncions, et la construction des écoles participe à cette tromperie.
Il faut donc trouver une solution pour stopper cette hémorragie de bébés, et celle d’un investissement musclé dans l’éducation aux Comores en est une. En attendant, les maires n’ont pas le choix, comme l’indique le SNUipp-FSU. Si on sent son secrétaire départemental mitigé sur la forme qu’a pris le mouvement des élus avec la fermeture des écoles les 15 et 16 septembre dernier, il convient qu’il fallait « un électrochoc », et rappelle son adhésion sur le fond, lui qui fut jusqu’au-boutiste lors du mouvement social de 2018, « parce qu’il ne voulait pas abandonner la lutte en l’absence de solutions pérennes ».
Des écoles sous condition de baisse démographique ?
En réponse à l’insécurité persistante, le syndicat continue à s’interroger sur la volonté politique de l’Etat de maintenir l’ordre « sur un aussi petit territoire ». A l’instar de la population, Rivomalala Rakotondravelo demande davantage de moyens humains pour sécuriser le département, et pourrait-on rajouter, que le changement de méthode de travail des forces de l’ordre annoncé soit mis en place, et des condamnations appropriées pour les auteurs d’agressions.
Mais le SNUipp-FSU Mayotte estime « qu’il est très dangereux d’occulter le volet préventif et social pour traiter l’insécurité », et appelle à la scolarisation dans de bonnes conditions de tous les enfants en âge d’obligation scolaire, donc par la construction des salles de classe manquantes », et « une meilleure prise en charge des élèves et des jeunes en situations d’échec scolaire, cela exige le développement du service public… »
Et face à la frilosité des maires de débloquer du foncier pour construire toujours plus d’écoles, le secrétaire départemental du syndicat reste ferme sur sa demande de « nationalisation temporaire des constructions scolaires ».
Faut-il en arriver là, ou doit-on trouver une solution concertée ? Contenir la démographie, contre l’assurance que les maires construiront les écoles nécessaire au nombre d’enfants présents sur le territoire. On le voit, l’école est devenue un enjeu. En tout cas, ça urge. L’Etat doit proposer des solutions concrètes, et sécuriser ce territoire qui ne l’est toujours pas, s’il ne veut pas par effet de ricochet condamner la scolarisation.
Anne Perzo-Lafond