Cela faisait déjà quelques temps que la création tant attendue – et nécessaire – du futur radar de météo France était au point mort sur le territoire, et ce pour une raison simple : le terrain sélectionné s’avère une propriété du conservatoire du littoral, établissement public administratif visant à sauvegarder les espaces littoraux. Si le dossier du radar semble désormais connaître quelques avancées comme évoqué la semaine dernière dans nos colonnes, la question de l’équilibre entre préservation et développement se pose une fois de plus.
« Le littoral pour tous et pour toujours »
Est-ce vraiment incompatible ? Christian Beillevaire, directeur de l’antenne Mayotte du Conservatoire du Littoral, nous en dit plus sur le fonctionnement de la structure, dont « les missions se basent sur le code de l’environnement, pour mener une politique foncière de sauvegarde de l’espace littoral et de respect des sites naturels, et de leur équilibre écologique ».
Sans grande surprise, « notre vocation première c’est d’accueillir du foncier », explique le directeur depuis les locaux implantés à Coconi. Et ce, « pour sauvegarder les espaces littoraux soumis à des fortes pressions tout en accueillant, quand c’est compatible avec le respect des milieux, le public». Trois grands mots d’ordre donc, entre préservation foncière, investissement et ouverture des sites au public. C’est d’ailleurs la devise du Conservatoire : « Le littoral pour tous et pour toujours ».
Christian Beillevaire explique que « L’accès au public c’est important de l’avoir en tête, c’est-à-dire qu’un terrain du conservatoire de pourra pas être privatisé : on va pouvoir accorder des conventions d’occupation temporaire, uniquement temporaire parce que domaine public est inaliénable et imprescriptible. C’est une garantie d’accès au public, et c’est notre cœur de métier : soustraire à l’urbanisation, sinon on en arrive à des littoraux bétonnés. Et dans le contexte d’adaptation au changement climatique, des littoraux bétonnés représentent des risques pour la population. Ce sont tous les services écosystémiques des littoraux et notamment des mangroves qui ne sont plus remplis, et des phénomènes d’érosion qui sont en plus accentués à Mayotte avec le phénomène de subsidence ».
Le foncier au cœur des enjeux
En ce qui concerne le foncier, le Conservatoire se base sur une stratégie d’intervention, votée en 2015 et valable jusqu’à 2050. Les zones d’enjeux de protection du littoral et de coupures d’urbanisation sont définies, puis les périmètres d’intervention sont votés par le Conseil des rivages et en conseil d’administration, et validés par les communes concernées, la DEAL, la DAAF et les élus au niveau national. « Une fois que ce périmètre d’intervention est voté, on a la latitude en local pour faire l’acquisition des terrains » explique le directeur, précisant que ces acquisitions se font à l’amiable dans 99,9% des cas : « on n’achète que si les propriétaires sont vendeurs ». Une fois les sites acquis, des investissements financiers sont réalisés, et les sites sont mis en gestion, compétence qui reviendra aux acteurs locaux, des collectivités aux intercommunalités en passant, plus rarement par les associations (les gestionnaires doivent être capables de porter financièrement cette gestion).
L’île au lagon compte ainsi cinq gestionnaires, pour pas moins de 2763 hectares appartenant au conservatoire du littoral. Et en termes de maitrise foncière, deux modalités sont possibles : « Soit on achète les terrains au propriétaire, classiquement, ou alors on se fait affecter des terrains qui sont déjà du domaine public maritime, ce qu’on appelle la Zone des Pas Géométriques (ZPG), un système qui n’existe que dans les territoires d’outre-mer : toute la bande de 80m depuis les plus hautes eaux est classée en domaine public. Soit elle est classique et donc gérée par la DEAL, soit la DEAL nous l’a affecté par arrêté préfectoral. Et donc on en devient propriétaire, on a toutes les responsabilités du propriétaire. C’est un changement d’affectation. C’était déjà du domaine public, c’était déjà une propriété publique, et c’est affecté au Conservatoire du Littoral ».
Ainsi à Mayotte, l’affectation du foncier l’emporte sur l’acquisition, avec 84% d’affecté. Christian Beillevaire précise qu’à La Réunion, « c’est quasiment la proportion inverse, mais ils ont beaucoup moins, ils ont 1700 hectares, alors que le territoire est quand même six fois plus grand. On a un domaine qui est assez grand à Mayotte, c’est énorme, c’est 7% du territoire. C’est du fait de l’histoire, dû au fait aussi qu’il y a une grosse façade maritime à Mayotte, 200 km de côte, c’est quasiment l’équivalent de La Réunion, mais on est 6 fois plus petit ».
2763 hectares de littoral protégés par le Conservatoire du Littoral donc, divisés en 21 sites dont plusieurs majeurs, à l’instar des pointes et plages de Saziley-Charifou (508ha), l’îlot de Mtsamboro(241ha), le bassin versant de Tsingoni (122ha), la baie de Soulou (35ha) et les cratères de Petite-Terre (265ha).
Un travail considérable mené par une équipe réduite, qui permet en somme autant la préservation des espaces naturels que le développement de l’île via la protection écosystémique des littoraux. Et dans le contexte insulaire du 101ème département, une telle nécessité va sans dire.
Mathieu Janvier