La population mahoraise allait-elle accepter de saisir la main tendue des institutions, et jouer le jeu de la réflexion commune avec l’ARS pour œuvrer de concert à son propre projet régional de santé?
Après cette première réunion publique tenue ce samedi, il semblerait que oui. Un public certes loin des foules déchaînées du festival Sanaa, mais un véritable engouement et, une fois n’est pas coutume, de nombreuses interventions cohérentes et constructives. Plus de deux heures durant, chacun acceptera de prendre la parole et y aller de son témoignage, offrant un tour d’horizon des problématiques de santé locales, allant jusqu’à sortir du thème du jour, l’offre de soin et les maladies chroniques. Un débordement thématique qui prouve s’il le faut la nécessité d’expression ressentie par la population. Et rien ne sera alors laissé de côté. Certains évoqueront les questions d’éducation de la population face aux huiles de cuisson cancérigènes, la questions des usages des aliments sucrés, des alternatives saines et leur accessibilité, la potabilisation de l’eau, du retour à une alimentation plus traditionnelle, y compris au sein des manzarakas… L’épineuse problématique de l’endométriose sera également soulevée par la marraine d’Endo-Mayotte, une thématique plus que délaissée en métropole comme à Mayotte, sur laquelle l’ARS reviendra plus précisément lors de la réunion à Chirongui le 22 octobre prochain.
Un débat constructif et enthousiaste, avec des interventions et réponses régulièrement traduites en shimaoré, confirmation de la volonté de l’ARS de s’impliquer au plus près de la population locale.
Selon Olivier Brahic, directeur de l’ARS, « ce qui ressort, on le voit bien, c’est qu’il y a des gros enjeux d’éducation à la santé, de promouvoir la prévention au travers de l’ensemble de la population mahoraise et notamment le rôle de la famille, dans cette éducation à la santé, va être très important ».
Le patron de l’Agence de santé rappelle les objectifs de cette série de réunions : » l’idée c’est qu’une fois qu’on va recueillir toutes ces propositions de la population mahoraise, on en fasse un plan de manière concrète et qu’on le décline ensuite pour les 5 années à venir pour améliorer la santé sur Mayotte. Je ne veux pas que ce plan soit un plan d’expert en santé ni du directeur général de l’ARS, ce sont les mahorais et mahoraises qui connaissent leurs besoins en santé, donc je ne veux pas faire ce plan tout seul, j’ai besoin de la population mahoraise et ce sont eux qui vont nous faire remonter tout un tas de propositions, d’initiatives, et aussi tout un tas de difficultés qu’ils rencontrent quotidiennement sur la santé ». Et toujours selon Olivier Brahic, cette première concertation s’est avérée un succès : « je pense que j’aurais fait cette réunion en métropole, je n’aurais pas eu le même retour sur la question de la prévention, je pense qu’on se serait vraiment fixés sur le sujet offre de soin, et là on voit bien qu’il y a une vraie dynamique de vouloir dès la base, dès les questions de prévention, mettre en place les actions nécessaires. C’est une vraie bonne surprise ».
Du positif donc, pour cette initiative aux allures de doléances – bien que le directeur de l’ARS n’aime pas la comparaison- qui n’est toutefois pas sans rappeler les concertations du projet de loi Mayotte et leur échec tonitruant. Avec un tel passif, il va de soi qu’une fois le projet régional de santé composé, la population attendra au tournant pour des résultats probants. L’oasis au milieu du désert médical ne sera bientôt plus suffisante.
Mathieu Janvier