« C’est la concrétisation d’un projet dont l’idée a émergé en 2020 ». Fahoullia Mohamadi, déléguée à la recherche et de l’innovation du territoire au rectorat de Mayotte, note que le déploiement du laboratoire au sein du Pôle d’Excellence Rural (PER) de Coconi permettra d’accompagner, « dès la fin du mois de septembre de cette année », les acteurs économiques qui entendent faire de la recherche « au niveau du territoire ».
« Développer l’innovation »
Créé ex-nihilo, le laboratoire revêt deux composantes : la partie extraction avec, entre autres, les centrifugeuses, et celle d’analyse. « Cette structure est un laboratoire vert, tout solvant chimique est banni », tient à souligner Cédric Bertrand, professeur à l’université de Perpignan, docteur en phytochimie. Sollicité il y a deux ans par le rectorat et le Conseil départemental, finançant le projet à hauteur de 100 %, « l’objectif était de développer l’innovation à Mayotte », explique-t-il.
Alors, trois axes d’innovation avaient été mis en avant qu’il s’agisse de l’économie verte, l’économie bleue ou encore la jeunesse. « Pour ma part, je suis intervenu sur la première de ces thématiques », poursuit le docteur. L’idée était alors « d’offrir une collaboration avec les structures économiques locales aussi bien les producteurs ou les transformateurs dans le domaine de pharmacopée ou la cosmétopée afin de développer des produits ayant une appellation Mayotte made in France ».
Un laboratoire dédié à la recherche appliquée
Si la crainte initiale était de ne pas trouver l’engouement suffisant chez les producteurs locaux, cette dernière s’est rapidement dissipée : « j’ai senti une motivation, un engagement, une véritable envie », note Cédric Bertrand. Redynamiser la filière ylang, faire monter en compétence la filière vanille, produire des huiles essentielles pour des cosmétiques locaux, tout a été pensé pour répondre aux attentes du territoire.
Pour y parvenir, le laboratoire s’oriente uniquement vers de la recherche appliquée « c’est-à-dire qu’à la fin, il y a un prototype proposé », informe Cédric Bertrand. A l’instar du « concept car » dans l’industrie automobile, il s’agit de montrer que l’on peut produire la substance demandée sans pour autant que cette dernière soit commercialisée. « On montre que cela est possible », note-t-il. Le laboratoire n’entre donc pas en concurrence avec le multilab de Dembéni, prévu à l’horizon 2025, dans la mesure où ce dernier sera dans une logique, entre autres, de contrôle de qualité. Une complémentarité bienvenue.
Des projets déjà en cours
Actuellement deux types de projets sont en cours qu’il s’agisse de la cosmétopée, concernant la cosmétique traditionnelle, et la pharmacopée se rapportant aux plantes médicinales traditionnelles. Afin d’affiner le futur de ce pôle « de le rendre agile en s’adaptant aux besoins du moment, tout en assurant la sécurisation des plantes utilisées pour éviter toute utilisation de substance toxique », cinq experts sont venus apporter leur expertise aussi bien dans la phytochimie, la métabolomique, l’ethnopharmacopée ou encore l’extraction de biomasse. Cette infrastructure semble donc ouvrir de nouvelles perspectives de développement à Mayotte en valorisant l’écosystème local tout en mettant à l’honneur le savoir-faire des producteurs locaux. Une subtile alchimie préparant le futur sans pour autant renier les traditions.
Pierre Mouysset