Pamandzi, rue de la plage, depuis le muret qui borde la route, l’extrémité Nord de la piste longue s’offre toute entière au champ de vision des quidams venus assister au décollage d’un avion aux couleurs d’une toute nouvelle compagnie aérienne. La concurrence ayant joué son rôle, les prix des billets sont désormais plus aisément à portée de main. Le ciel est dégagé, la visibilité excellente. Bientôt, le puissant vrombissement des moteurs se fait entendre, de plus en plus intensément. Alors, l’oiseau d’acier, pleins gaz, s’arrache du sol pour rejoindre, qui sait, la métropole désormais à 9 heures de vol depuis l’île au lagon… Pour l’heure, seuls les récits aux accents de science-fiction permettent de rendre plus supportable la patience nécessaire à l’aboutissement de ce projet.
Une temporalité normale au regard de l’envergure de l’infrastructure
« Sur un dossier comme celui-là, il y a des travaux préparatoires à mener qui permettent de le sécuriser techniquement et juridiquement». Joint par téléphone, Christophe Masson, délégué à la piste longue de l’aéroport de Mayotte, entend replacer la temporalité nécessaire au regard des exigences qu’impliquent la construction d’une telle infrastructure. « Si les délais paraissent longs pour certains, les études et les travaux préparatoires ont été réalisés dans des délais extrêmement courts », fait-il remarquer. Donc rien d’anormal.
Sachant que la question de la sécurisation technique « porte sur tous les éléments spécifiques à ce projet », la question des risques naturels avec « le nouveau volcan » a immanquablement changé la donne. « On a travaillé sur les risques naturels, avec un fait nouveau qui est le volcan avec des conséquences essentielles sur le projet en termes de dimensionnement ».
Un changement de paradigme depuis la naissance du volcan
Pour se rendre compte du changement de paradigme qu’implique la prise en considération du facteur volcan, Christophe Masson entend illustrer ses propos : « pour donner un ordre de grandeur les constructions qui étaient nécessaires jusqu’à maintenant pour faire face aux risques cycloniques sont des
ouvrages en béton qui pèsent environ 5 tonnes. Avec le nouveau volcan et pour pouvoir résister aux risques de tsunami, ces 5 tonnes passent à 40 tonnes. On n’est plus dans les mêmes dispositions techniques ». Une modification d’envergure qui en implique une autre, la sécurisation de l’approvisionnement en matériaux afin d’avoir, effectivement « recours à certains matériaux de bonnes qualités ».
« C’est nécessaire de regarder cela de près, il ne s’agit pas de construire une piste qui ne tiendrait pas face aux différents risques identifiés », remarque-t-il. Alors que le président du Conseil départemental s’est entretenu récemment avec le ministre délégué aux Outre-mer, le sujet de la piste longue a, sans surprise, été l’objet d’une attention toute particulière. Un sujet également abordé entre la députée Estelle Youssouffa et le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin.
La patience encore de mise
A l’approche des visites ministérielles, quels sont les propos à attendre de la part des officiels ? « Je laisserai naturellement les ministres faire des annonces et parler, je suppose en tout cas, de la suite de ce projet », expose Christophe Masson.
En attendant d’avoir une visibilité sur ce projet aussi dégagée, en cette saison sèche, que l’horizon du lagon, certains écrits méritent d’être médités. Pas de piste longue pour l’heure, bien que l’on aime à se l’imaginer dans des récits. « Pourquoi racontons-nous des histoires, s’interrogeait Colum McCann ? Nous le faisons, car, assommés par la réalité, nous sommes dans la nécessité de créer ce qui lui manque ».
Pierre Mouysset