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Éduquer, cultiver, « parce qu’un peuple ignorant choisira toujours Rosas »

Pour faire des élèves des « citoyens éclairés », le rectorat de Mayotte propose les mêmes offres culturelles qu’en métropole et même mieux, en faisant de sa direction des affaires culturelles la mieux dotée de France. Les établissements scolaires sont tous invités à y répondre.

Cocher les 100% Éducation artistique et culturelle prônée par la loi d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’École de la République, c’est permettre à tous les élèves d’avoir bénéficié au moins une fois dans l’année d’un événement culturel, et de toucher tous les établissements. Si les enseignants référents culture étaient venus s’informer ce mercredi au collège de Kwale, des statistiques étaient aussi dressées qui permettaient d’évaluer les chemins parcouru et à parcourir.

« Ces actions permettent de mettre en évidence les lacunes des élèves, et de donner toute sa place au plan Dire, Lire, Ecrire, car quand un élève est en difficulté sur un de ces axes, c’est plus compliqué d’en faire un citoyen éclairé », soulignait le recteur Gilles Halbout.

Dans la salle, beaucoup de référents culture du secondaire, un seul pour le premier degré, tous déjà convaincus donc du nécessaire éveil culturel des élèves. Et à Mayotte, le rectorat a voulu prendre sa part dans le développement de l’offre culturelle, « je suis le Directeur des Affaires culturelles qui a le plus gros budget de France », annonçait Aurélien Dupouey-Delezey, en charge du service au rectorat. Ce sont 30 actions qui ont été financées dans le 1er degré et 250 dans le second en 2021. « Il ne faut pas enfermer les élèves dans une culture strictement insulaire, mais proposer des offres en plus de la culture locale. Et ne jamais se dire que ce n’est pas de leur niveau. Lorsqu’ils poursuivront leurs études en métropole ou à La Réunion, ils seront assis à côté d’autres élèves qui auront eu une offre culturelle riche, les élèves mahorais doivent en avoir bénéficié aussi. »

Intervention de notre consœur Géniale Attoumani lors de la Semaine de la Presse à l’école

EduConnect ouvre un droit à la culture pour tous

On se souvient de la retransmission de l’opéra Carmen, de Bizet, qu’il avait impulsé au Pôle culturel de Chirongui, mais les offres se font aussi par le biais d’appels à projets lancés par le rectorat dans les 1er et second degré, ou par le Pass Culture. Chaque jeune doit posséder un compte EduConnect doté d’une somme différente en fonction de l’âge, qui atteint 300 euros pour les plus de 18 ans, libre à lui de choisir le spectacle ou l’activité culturelle qui lui correspond. « Ce compte est plus ou moins bien mis en place en fonction des établissements… », pointait le Délégué académique.

Quand on parle culture, la DAC, Direction des Affaires Culturelles de l’Etat, n’est logiquement pas loin. En écho à la citation devenue populaire, « la culture, c’est ce qui reste quand on a oublié tout ce qu’on avait appris », Bruno Lacrampe, directeur adjoint de la DAC, illustrait son importance : « Auparavant, l’éducation était réservée aux classes sociales dirigeantes », et citant un ancien président argentin, Domingo Faustino Sarmiento, sur cette terre où a sévi plusieurs dictateurs dont Juan Manuel de Rosas, « on doit éduquer chaque personne comme s’il était un roi. Un peuple ignorant choisira toujours Rosas. »

Revaloriser le journalisme

Des scolaires ont pu bénéficier de la rediffusion de l’opéra Carmen ,avec le ténor Roberto Alagna

Mayotte est terre de paradoxes, avec d’un côté, autant de radio associatives que dans les Bouches du Rhône, et d’un autre, des informations « pas toujours vérifiées », qui circulent sur les réseaux sociaux… Comme ailleurs, « il faut apprendre aux jeunes à s’affranchir des réseaux sociaux pour développer une réflexion personnelle », un des axes de la Semaine de la Presse et des médias à l’école qui s’est déroulée en avril dernier. « Il s’agit d’acquérir les compétences pour sa propre lecture critique et savoir appréhender les médias dans toute leurs dimensions. Il faut retrouver la confiance dans les médias, la profession de journalisme est souvent contestée, c’est un des objectifs de ceux qui alimentent la théorie du complot. » Rajoutons que la revalorisation passera par un mea culpa de la profession aussi, notamment sur le respect de sa déontologie.

La semaine des médias à l’école a impulsé un nouveau dynamisme aux journaux scolaires, « il y en a 12 sur l’île et 9 non encore enregistrés. Il n’y en avait que 7 il y a deux ans », précisait Eric Micaelli, directeur du Centre de Documentation Pédagogique. L’objectif est de passer à 21 officiels l’année prochaine. Un appel à projet « Un web radio, un parrain », vient d’être lancé, doté d’une subvention de 700 euros aux collèges. Ils sont 38 établissements à avoir participé à cette Semaine. Cela a permis aussi de mettre en lumière la classe média de 3ème et 4ème à Chiconi, « encordés avec le lycée de Sada pour la filière journalisme professionnel », qui ont pu visiter des rédactions, et de se confronter au métier de journaliste.

Un clip a été tourné par des élèves, « 5 minutes JT », sur leur déplacement à la radio Dziani en Petite Terre, et leur découverte d’un studio et des tables de mixage.

Anne Perzo-Lafond

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