« Rendu bâclé de notre justice », dans un tract, le syndicat Alternative Police (CFDT) Mayotte n’est pas tendre avec le parquet de Mamoudzou. En cause, l’agression d’un policier la semaine dernière, qui a donné lieu à une réponse pénale jugée inadaptée.
« Sur quatre interpellés, deux se sont vu « sanctionnés » d’un simple rappel à la loi, un d’une composition pénale (TIG?) et un en convocation devant le juge des enfants » résume le tract. Une orientation qui scandalise le syndicat, alors que le policier blessé est toujours « dans un état critique ».
En effet ce dernier a reçu un « morceau de parpaing » au visage alors qu’il se trouvait dans son véhicule de patrouille. Des images publiées montrent le véhicule maculé de sang, témoignant de la violence du choc.
Quelques jours après, le parquet évoque une réorientation pénale pour les quatre mis en cause.
Pour bien comprendre, le substitut qui a traité le dossier a, logiquement, fait la part des responsabilités. Les mineurs présents ayant reconnu un rôle jugé secondaire sont ceux qui ont écopé d’alternatives aux poursuites. L’auteur principal, identifié comme ayant blessé le fonctionnaire en jetant le pavé, était donc lui convoqué devant le juge où il risquait une lourde peine de prison.
Mais ce lundi, cette approche a été revue, compte tenu de l’état de santé du policier.
« A ce stade la réponse pénale est suspendue au motif que le fonctionnaire blessé a une ITT (interruption totale de travail) qui n’est pas connue, les mineurs impliqués seront reconvoqués » nous confirme Yann Le Bris, procureur de la République de Mamoudzou, qui dément certains propos.
« Une première orientation pénale a été envisagée dans l’urgence mais compte tenu de la gravité de l’état de santé de ce fonctionnaire la réponse pénale est suspendue à l’ITT. Toutefois le parquet n’a pas adressé de texto d’excuses à aucun syndicat. Un certain nombre de syndicats m’ont contacté, je leur dit dit la même chose, que l’ITT n’étant pas connue on attendrait l’ITT pour prendre une décision » poursuit le magistrat qui estime que « les premières orientations étaient prématurées au regard de l’état du policier ».
Selon ce dernier, l’orientation choisie dans un premier temps n’était pas définitive, ce qui laissait la porte ouverte à d’autres choix.
« On n’est pas sur des poursuites mais sur des alternatives aux poursuites donc on peut les annuler tant qu’elles n’ont pas été effectuées, là elles n’ont même pas été transmises au juge pour homologation. Là on est encore au stade de la pré orientation ».
Désormais, la suite judicaire dépendra donc de l’évolution de l’état de santé du fonctionnaire, récemment arrivé à Mayotte. « S’il a des séquelles permanentes on sera sur une orientation criminelle, avec une ouverture d’information, sinon ça peut être des convocations dans le juge, et pour les moins impliqués des rappels à la loi ou des travaux non rémunérés (équivalent du TIG pour les mineurs NDLR) » résume le procureur.
Lequel conteste avoir « plié » devant les syndicats, tout en plaidant une bonne relation de « dialogue ».
« On travaille ensemble de manière coordonnée, dans un dialogue permanent, il n’y a pas d’opposition entre les forces de police et l’institution judiciaire. On a un système de traitement en temps réel qui présente des avantages comme la rapidité de la réponse, et des difficultés comme le fait que tout repose sur du compte rendu, ce qui ne permet pas toujours de prendre une réponse appropriée dans un temps bref. Comme on est dans le dialogue, on peut se rendre compte qu’on n’a pas pris une décision adaptée, la psychorigidité aurait été de considérer que parce qu’on est magistrat nos décisions ne peuvent donner lieu à aucune forme de discussion. J’ai l’impression de discuter et d’être capable de dire que la réponse initiale n’était pas forcément adaptée, c’est positif.
On est dans une logique d’écoute, quand une chose peut être améliorée, elle doit l’être (…) » conclut-il.
Y.D.