Les agriculteurs partent en campagne pour défendre leurs terres

Les cultures en zone forestière étaient au cœur d’une manifestation initiée par la Confédération paysanne. Elle concernait 87 agriculteurs qui ne perçoivent plus les aides de la PAC, considérés comme occupants abusivement la forêt. Un juste arbitrage a été rendu.

En octobre 2021, les services de l’Etat recevaient ce courrier du conseil départemental : « Nous souhaitons l’annulation des aides PAC pour tous les bénéficiaires installés en forêt départementale relevant du régime forestier ». La Direction des ressources terrestres et maritimes (DRTM) du conseil départemental passait ainsi la vitesse supérieure après la délivrance de PV pour les infractions au code forestier restés sans d’effet. La solution de leur couper les vivres par le biais des aides européennes de la PAC (Politique agricole commune), était prise et exécutée par les services de la DAAF, Direction de l’Alimentation de l’Agriculture et de la Forêt.

87 agriculteurs, vivriers pour la plupart, installés majoritairement du côté de Mtsamboro, se sont donc retrouvés sans ressource. Saisie, la Confédération paysanne montait au créneau en manifestant ce mercredi matin, un peu seule à vrai dire, les agriculteurs ayant préféré rester en campagne. Défendant leurs causes, Anthoumani Saïd, président de la CAPAM (Chambre d’Agriculture), ne niait pas une possible incompatibilité de la présence des cultures en zone forestière, mais en regrettait la forme : « Les agriculteurs n’ont pas été prévenus, il n’y a pas eu de communication sur l’arrêt des aides de la PAC. Certains travaillent là depuis longtemps, il faut leur proposer une nouvelle parcelle dans ce cas. »

Un fils d’agriculteur témoignait à ses cotés, « quand je suis né en 1958, mon papa cultivait déjà à cet endroit là. Et touchait l’aide de la PAC depuis sa mise en place à Mayotte. Mais il n’a rien reçu en 2021 ».

Thouraya Mchindra et sa fille tentent de récupérer la totalité du terrain dans la zone des 14ha

Des peaux de banane pour la PAC

Après être monté en petit comité devant la DAAF, ils étaient reçus notamment par son directeur, Philippe Gout, et la direction de la DRTM. Avec un dénouement favorable à chaque partie. « Le conseil départemental va reprendre les dossiers un par un, quitte à leur allouer un autre foncier, car nous ne pouvons pas accompagner des productions qui ne sont pas licites, de surcroit avec des aides européennes ! L’enjeu reste la préservation du couvert forestier », témoigne Philippe Gout. Soutenir une production de bananes qui aurait détruit des arbres centenaires, ça fait mauvais genre à Bruxelles.

Sont concernés 87 agriculteurs pour un peu plus de 20.000 euros, sur un montant de 2,3 millions d’euro alloués chaque année par la DAAF, donc moins de 1%.

Le conseil départemental va indemniser les agriculteurs qui n’ont pas perçus la PAC sur 2021, et délivrera des autorisations de payer ces aides de surfaces à tout ou partie d’entre eux sous forme d’Autorisation d’Occupation Temporaire du domaine public, et les versements pourront reprendre leur cours normal en 2022 par la DAAF.

Un autre dossier était mis sur la table par la Configuration paysanne, celui de 14ha de surfaces agricoles, en mal de régularisation foncière pour cause d’occupation illégale par des cases en tôle. Présentes, Thouraya Mchindra et sa fille, jeune agricultrice, témoignent : « Nous avons signé une attestation d’occupation pour cultiver, faire du maraichage et élever des bovins à Combani, mais nous ne pouvons pas occuper le terrain en entier parce que des clandestins y habitent ».

La pancarte de la DAAF a pris quelques rides…

Un sujet qui ne concerne pas la DAAF, nous informe son directeur, mais la mairie, avec un dossier « en dénouement ».

Bien que faible en volume, la mobilisation a payé donc. Autant pour les agriculteurs qui vont percevoir leur dû, et éventuellement se voir attribuer une autre parcelle, que pour le conseil départemental qui reprend possession de sa compétence de protection de ses forêts.

Anne Perzo-Lafond

Partagez l'article :

spot_imgspot_img

Les plus lus

Publications Similaires
SIMILAIRES

Grève des barges : confusion, colère et tensions sur les quais

Ce lundi, une grève illimitée a fortement perturbé les traversées entre Dzaoudzi et Mamoudzou. Les rotations ont été réduites, l’information aux usagers a manqué et la tension est montée aux débarcadères. Passagers et conducteurs ont attendu plusieurs heures sous le soleil pour espérer embarquer, dans une atmosphère d’incompréhension, de fatigue et de colère.

Mayotte n’a pas « raflé » l’aide européenne : elle a encaissé le cyclone le plus dévastateur de son histoire

Derrière les chiffres de Bruxelles, une réalité physique et humaine saute aux yeux : Chido a pulvérisé un territoire déjà fragilisé. Si l’Union européenne accorde quatre fois plus à Mayotte qu’à La Réunion, c’est parce que le désastre y a été total — et structurel.

Du Togo aux Seychelles : six jeunes de Mayotte partent pour des missions internationales

Le Togo, Maurice et les Seychelles, dans quelques mois, 6 volontaires du programme Territoires Volontaires (TeVo), rejoindront l'une de ces destinations pour une durée de 8 à 12 mois. Ce lundi 6 et mardi 7 octobre, ils préparent leur voyage lors d'un stage de deux jours au Comité Régional Olympique et Sportif de Mayotte.

Des décombres à l’émotion : le cyclone Chido revisité par la création artistique

À l’Office du Tourisme de Mamoudzou, l’exposition “Les mémoires du vent” a été inaugurée vendredi soir. Elle a rassemblé peintures, photographies et installations sur le thème du passage du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte le 14 décembre 2024. Les artistes ont offert un espace de mémoire et de résilience à une population encore marquée par la catastrophe.