Décasage : l’Etat fait marche arrière à quelques jours d’une audience au tribunal administratif

La préfecture a-t-elle voulu éviter une déconvenue en justice comme celle du 13 décembre dernier ? Ou en a-t-elle tiré les conséquences pour améliorer ses procédures et prendre le temps de blinder ses opérations "loi Elan" ? Sans doute un peu des deux. Toujours est-il qu'un arrêté de démolition d'un bidonville de Bandrélé a été abrogé en fin de semaine dernière, alors qu'une audience prévue mercredi risquait de voir ledit arrêté annulé.

Le 3 décembre dernier, la préfecture de Mayotte prenait un arrêté de démolition visant un quartier insalubre de Bandrélé,  à Mgnambani. L’arrêté se basait que le fameux article 197 de la loi Elan, qui donne au préfet de Mayotte des pouvoirs étendus pour procéder à des démolitions d’habitats insalubres sans passer par une décision d’un juge. De quoi répondre à un impératif de vitesse, sur un territoire où les bidonvilles fleurissent rapidement.

Mais la loi prévoit aussi des mesures de protection des habitants, notamment l’obligation de reloger tous les décasés qui sont légitimes à rester sur le territoire.

Ceci étant posé, la préfecture avait convié en décembre dernier les présidents du tribunal judiciaire et administratif à une conférence dédiée aux destructions. L’objectif étant d’expliquer les tenants et aboutissants de la Loi Elan. A cette occasion, les magistrats avaient fermement mis en garde le préfet sur le manque de régularité des procédures initiées par ses services : zones de démolition mal délimitées, offres de relogement insuffisantes… du pain béni pour les associations de défense des droits humains qui n’avaient qu’à s’engouffrer dans les brèches laissées ouvertes.

Une marche arrière profitable à tous

Et ça n’a pas manqué. Le président du TA avait prévenu que l’audience du 13 décembre risquait de voir le projet de démolition prévu à Combani être invalidé, et il l’a été. Une victoire pour le collectif Migrants Outre Mer qui avait saisi la justice au nom de plusieurs familles menacées d’expulsion sans proposition de relogement.

Claude Vo-Dinh a signé l’abrogation d’un arrêté de démolition qui évite à la préfecture une nouvelle condamnation cinglante

Une déconfiture écrite d’avance donc pour la préfecture, qui s’était engagée à être « plus carrée ». Le jugement du 13 décembre a conduit à réévaluer les risques d’annulation en justice de l’arrêté signé le 3 décembre pour le quartier de Mgnambani, lui aussi attaqué en justice. Le tribunal administratif doit se pencher sur cette procédure le 3 février.

Mais le 14 janvier dernier, le secrétaire général de la préfecture Claude Vo-Dinh a signé un arrêté abrogeant celui du 3 décembre. Le tribunal n’aura donc pas à statuer dessus.

Une décision qui a lieu d’être vécue par chaque partie comme une bonne nouvelle. Car si ce décasage s’en trouve reporté, la loi Elan n’est pas remise en cause, guère plus que la volonté de l’Etat de résorber l’habitat insalubre à Mayotte. Mais en agissant dans le sens de procédures moins magnégné et plus respectueuses de l’Etat de droit, la préfecture limite aussi les sentiments d’injustice, génératrices de troubles dont Mayotte n’a vraiment pas besoin en ce moment.

Y.D.

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Loi pour la refondation : les amendements crispent les débats au Conseil départemental

L’Assemblée départementale était convoquée en urgence ce mercredi 18 juin afin de donner un avis sur les amendements déposés par la députée Estelle Youssouffa dans le projet de loi pour la refondation de Mayotte, à savoir la création d’un Conseil cadial indépendant et l’interdiction de mener des projets de coopération avec les pays ne reconnaissant pas l'appartenance de Mayotte à la France. Le vote sur le Conseil cadial a été levé au dernier moment, les débats, tendus, se sont surtout attardés sur la réforme électorale avec le choix contesté de la majorité.

« Mayotte Debout » : le rapport de la préfecture défend l’action de l’État après Chido et Dikeledi

Dans un dossier détaillé, la préfecture de Mayotte met en avant la réponse "immédiate, structurée et efficace" des services de l’État, six mois après les cyclones destructeurs.

Mayotte bientôt dans l’ère du très haut débit avec le déploiement de la fibre

Ce mercredi matin avait lieu la pose de la première pierre du premier Noeud de Raccordement Optique (NRO) de l’île. D’ici 5 ans, 100% des foyers, des entreprises et des institutions de Mayotte seront raccordés à la fibre. Dans la foulée de cet événement, la SIM et Mayotte THD ont signé une convention de partenariat portant sur le déploiement de la fibre optique au sein de son parc immobilier.

À Chirongui, un premier Conseil pour les Droits et Devoirs des Familles officiellement lancé à Mayotte

C’est une première à Mayotte. La commune de Chirongui a officiellement installé son Conseil pour les Droits et Devoirs des Familles (CDDF), un dispositif de terrain pour répondre aux difficultés éducatives et prévenir la délinquance des mineurs. L’installation s’est tenue en présence de plusieurs autorités locales et étatiques, dans le cadre d’une politique d’anticipation menée par la municipalité.