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Le bracelet anti-rapprochement au secours des victimes de violences conjugales

Les instances judiciaires utilisent ces outils depuis à peine un an en métropole : le bracelet anti-rapprochement et le téléphone grave danger permettent de protéger les victimes de violences conjugales en maintenant l’auteur des faits à distance. 10 appareils ont été achetés pour le lancement à Mayotte.

La technologie dont viennent de se doter les services judiciaires est une « normalisation de ce qui se fait en métropole, selon le procureur Yann Le Bris, mais surtout, elle n’est qu’un maillon de tout le dispositif que nous avons mis en place pour lutter contre ces violences. ». Il livrait quelques chiffres : 650 femmes accueillies par les intervenants sociaux, aboutissant à environ 150 procédures par an en moyenne. « En estimant que les victimes de violences sont 10 fois plus nombreuses, on constate que sur le petit nombre qui se signalent, moins d’un sixième seulement donne lieu à un traitement judiciaire. Essentiellement parce que les femmes victimes ne vont pas jusqu’au bout des dénonciations, voire retirent leur plainte, alors que le suivi est engagé, notamment au CHM. Il faut restaurer la confiance dans l’institution judiciaire, sur la réponse notamment. »

Et pour y arriver, les acteurs autour de la table ont tous balayé devant leur porte, une démarche de fond a été entamée, engageant tous les partenaires de la justice, les forces de l’ordre et les associations. « En un an, le commandant de gendarmerie Capelle a apuré l’ensemble des procédures en attente de traitement. Il y en avait une centaine, il n’y en a plus qu’une dizaine. Le déferrement est quasi-systématique», poursuit le procureur. Qui a affecté un référent au parquet uniquement sur ces violences conjugales, avec un pendant au siège, « nous avons également un juge qui ne traite que ça, confirme Laurent Ben-Kemoun, président du Tribunal Judiciaire, nous utilisons les ordonnances de protection qui permettent d’agir dans les 6 jours qui suivent la plainte. »

Les partenaires membres du dispositif

« Caché dans la sphère familiale »

L’association Mlezi Maore également, à travers son statut de Délégué du procureur, organise des stages sur les violences conjugales, pour les primo-auteurs de faits ou les violences non graves.

C’est donc au sein un dispositif redynamisé, et alors que les périodes de confinement ont été propices à la multiplication de ces violences intrafamiliales, que les acteurs se dotent de 5 Bracelets Anti-Rapprochement et 5 Téléphones grave-danger. « Nous en commanderons plus s’il le faut ». Il faudra en consigner la procédure en tenant compte du contexte, « par écrit, pour que cela soit pérennisé lorsqu’un de nous quittera le territoire », notait le procureur.

Pour le préfet Thierry Suquet, une prise de conscience générale est impérative : « Le défi de la prise en charge des violences faites aux femmes n’est pas lancé qu’au judiciaire, mais à l’ensemble de la société mahoraise. Nous avons eu trop d’exemple d’absence de prise en compte de ces violences, qui reste cachées dans la sphère familiale. Cela devient un défi sociétal. On ne peut plus accepter ni le silence, ni la tolérance. C’est un préalable à la prévention. »

Un rayon de sécurité à ne pas franchir

Un sujet judiciaire mais aussi sociétal, indiquent de concert Yann Lebris et Thierry Suquet

Le Bracelet anti-rapprochement permet une géolocalisation permanente de la victime à travers le téléphone qui lui est remis, et de l’auteur des violences via le bracelet électronique apposé sur sa cheville. Il peut être ordonné au pénal, mais aussi au civil par le juge aux affaires familiales. Anne Leroy, directrice du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP), explique la marche à suivre : « La zone d’alerte est de 10km, mais le tribunal nous indiquera la zone à ne pas dépasser. Si l’auteur des violences arrive à 2 kilomètres de la victime, cette dernière est avertie par son appareil, ainsi que le porteur du bracelet. S’il continue et arrive à moins d’un kilomètre, les forces de l’ordre sont averties par nos services pour l’interpeller et mettre la victime sous protection. Je rajoute que le téléphone permet aussi à la victime d’entrer à tout moment en contact avec la police ou la gendarmerie. » Bracelet comme téléphone doivent être rechargés et obligatoirement emportés avec soi.

La difficulté sur un territoire exigu comme Mayotte, et où chaque habitant est très lié à son village, c’est de parvenir à mettre en place le dispositif sans qu’il bipe en permanence. Et dans le cas où les protagonistes sont accidentellement dans la même zone, lorsque l’alarme sonnera, « l’auteur des violences devra s’en éloigner ».

C’est Mlézi Maore qui étudiera chaque dossier et en fonction de la dangerosité, et indiquera l’utilité ou non de poser le bracelet anti-rapprochement ou de doter du téléphone grave danger. « Nous mènerons aussi un travail de pédagogie auprès des victimes avec un suivi psychologique au besoin », expliquait M’houmadi Dahalani, directeur de Mlézi Maore. Dans le cadre d’une procédure pénale, le bracelet pourra être proposé comme alternative à l’incarcération, mais dans le cadre du civil, il faudra l’accord de la victime et de l’auteur des faits, « très peu refusent », nous indique la directrice du SPIP.

L’ensemble du territoire est accessible en terme de réseau, « il ne nous reste plus qu’à faire un test grandeur nature, et le dispositif sera opérationnel en octobre », conclut Anne Leroy.

Anne Perzo-Lafond

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