Tourisme à Mayotte : la Cour des comptes souligne un fort potentiel, mais une filière encore sans cap

Selon la Cour des comptes, le développement du tourisme à Mayotte reste entravé par le manque de données fiables, de coordination entre acteurs et de formations adaptées. Le rapport "L’emploi touristique en outre-mer", rendu public en juin 2025, met en évidence un territoire au fort potentiel, mais encore faiblement organisé.

Dans son rapport, intitulé « l’emploi touristique en Outre-mer », réalisé sur la période 2018-2025, le premier document consacré spécifiquement à ce sujet, la Cour des comptes a tenté de mesurer le poids réel du tourisme dans l’emploi ultramarin, d’évaluer la concordance entre l’offre de formations et les besoins du secteur, et d’identifier les leviers de développement durable.

Un rapport réalisé avec l’Insee, France Travail, la Direction générale des Outre-mer (DGOM) et Atout France pour dresser un panorama complet de la situation dans les départements et régions d’outre-mer. Le constat est clair : malgré des atouts naturels et culturels considérables, le tourisme ultramarin reste faiblement structuré et inégalement documenté, et Mayotte apparaît comme le territoire le plus en retard en matière de données et de stratégie.

Des données quasi absentes sur l’emploi touristique

La Cour des comptes (crédit CDC Facebook).

La Cour indique tout d’abord que Mayotte demeure le seul département d’outre-mer sans mesure consolidée de l’emploi touristique. « L’Insee a mis au point une méthode nationale de comptage de l’emploi touristique, appliquée en 2019 dans les DOM (hors Mayotte) », rappelle-t-elle. Autrement dit, aucun indicateur officiel ne permet aujourd’hui de connaître le poids du secteur dans l’économie mahoraise.

Même la fréquentation hôtelière n’a commencé à être mesurée qu’en 2021, « à l’origine pour évaluer l’impact économique de la crise sanitaire ». Un suivi tardif qui contraste avec celui des autres DOM, suivis depuis 2018.

Face à ce vide statistique, la Cour des comptes recommande que « la DGOM et l’Insee permettent, avant fin 2026, la mise à disposition d’une méthodologie assortie d’indicateurs consolidés sur l’emploi touristique ultramarin ». Une manière d’inciter l’État à donner aux collectivités et à Mayotte en particulier, les moyens d’évaluer et de piloter leur développement touristique.

Des formations en hausse, mais un accès limité

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Trois étudiants en première année de BTS Tourisme au lycée polyvalent de Kawéni, à l’ouverture du Forum des métiers du tourisme en avril 2025.

Du côté de la formation professionnelle dans le secteur, le rapport souligne une avancée importante. Entre 2019 et 2023, « le nombre de stagiaires formés aux métiers du tourisme à Mayotte a progressé de 68 %, de 100 à 168″, selon les données de France Travail citées par la Cour. Les crédits consacrés à ces formations ont augmenté de 17 %, atteignant « 481.000 euros en 2023″.

Mais les moyens demeurent insuffisants : « seulement 10 % des jeunes ayant demandé une formation touristique ont pu y accéder, faute de places et de structures adaptées », note le rapport.

La Dreets de Mayotte constate d’ailleurs que « l’offre est relativement importante mais mal connue des entreprises locales », lesquelles peinent à identifier les bons interlocuteurs ou à accueillir des stagiaires.

570.000 euros pour structurer la filière

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La signature de la convention le mercredi 27 novembre 2024.

Pour remédier à cette fragmentation, un Accord de développement de l’emploi et des compétences (ADEC) a été signé le 27 novembre 2024. La Cour en rappelle les contours, « à Mayotte, un ADEC a été signé entre l’État, Akto et le Conseil départemental, pour un montant global de 570.000 euros ».

L’objectif est de structurer la filière touristique, de valoriser les ressources naturelles et culturelles de l’île, et de créer des formations ciblées dans l’hôtellerie-restauration, les activités nautiques, la médiation culturelle et la promotion du patrimoine local.

Mais l’institution financière met en garde, « sans coordination claire entre l’État, le Département et les organismes de formation, ces dispositifs risquent de rester dispersés et peu lisibles ».

Le tourisme durable comme horizon

Enfin, la Cour insiste sur la nécessité d’inscrire le développement touristique dans une approche durable. « Les atouts naturels et culturels de ces territoires, notamment Mayotte, justifient la mise en œuvre de stratégies fondées sur le développement durable et la formation aux métiers verts », indique le rapport.

La richesse naturelle et culturelle de Mayotte représente un atout majeur, à condition d’être valorisée dans une approche durable et ancrée localement, note le rapport.

La biodiversité exceptionnelle du lagon, la richesse culturelle et les paysages de l’île constituent des ressources uniques, à condition qu’elles soient gérées dans une logique de long terme et d’insertion locale.

En conclusion, la Cour des comptes dresse un constat nuancé pour Mayotte : le territoire dispose d’un potentiel évident mais encore faiblement exploité.

« L’État ne permet pas aux collectivités ultramarines de disposer d’un appareillage statistique efficace sur l’emploi touristique », souligne-t-elle, estimant que cette lacune empêche de relier pleinement les politiques de formation et de développement durable au secteur touristique.

Le tourisme mahorais avance donc, mais sans boussole précise et c’est cette absence de pilotage que la Cour appelle désormais à corriger.

Victor Diwisch

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