Entre 3000 et 5000, c’est le nombre de tortues marines qui viennent pondre chaque année sur les plages de l’île au lagon. Et si le chiffre semble imposant, le REMMAT recense en moyenne 179 cas de tortues mortes chaque année, dont les cadavres sont souvent enterrés ou abandonnés sur site. Depuis sa création en 2010, le Réseau d’Echouage Mahorais des Mammifères Marins et Tortues marines a recensé plus de 600 tortues mortes, rien qu’en Petite-Terre. Et lorsque l’on se penche sur les causes de mortalité, on réalise que celles-ci sont majoritairement liées au braconnage, soit 83% des cas en moyenne.
Une réalité facilement vérifiable : les ossements de tortues et autres carapaces s’accumulent sur les plages de l’île.
C’est dans ce contexte que le REMMAT organisait ce samedi une grande opération de recensement des os, sur différentes plages de Petite-Terre. Et ce, avec trois objectifs : mettre à jour les chiffres du réseau, sensibiliser les populations mais aussi nettoyer les plages, luttant contre les problématiques sanitaires, sécuritaires et esthétiques.
C’est ainsi que ce samedi, jour de grande marée basse choisi spécialement pour avoir accès au platier, de nombreuses équipes de bénévoles arpentaient les différentes plages de Petite-Terre. Et en particulier celle de Papani, parmi les plus braconnées, en raison de l’inaccessibilité des lieux.
Munies de sacs de riz, les équipes du REMMAT procédaient ainsi au ramassage fastidieux de centaines d’os de tortues, de morceaux de carapaces, d’écailles, de vertèbres, et autres restes abandonnés.
« Je savais que c’était L’une des plages les plus braconnées mais c’est clair que ça fait un choc quand-même »
Cette petite phrase, lâchée à la volée par l’un des bénévoles ramasseurs, est absolument révélatrice du spectacle qu’offrait alors la plage de Papani, sorte de cimetière de tortues à ciel ouvert.
Tous les mètres ou presque, des os se dessinent sur le sable, se mêlant aux restes épars de kwassas et autres déchets. Mais c’est un peu plus loin, à la lisière de la végétation qui jouxte la falaise, que le véritable visage du braconnage se révèle. Dans cet espace reculé, une dizaine de carapaces gisent sur le sol, plus ou moins récentes, plus ou moins grosses, ultime témoignage des actes de barbarie perpétrés par les braconniers. Et ceux-ci mettent de plus en plus d’énergie à dissimuler leurs méfaits, enterrant partiellement les cadavres, ou les larguant en mer, afin d’éviter que davantage de moyens ne soient mobilisés pour surveiller les plages de ponte.
Ne serait-ce qu’à Papani, une trentaine de sacs auront été remplis par les membres du REMMAT.
« On pourrait revenir demain, on en sortirait autant » souffle l’une des bénévoles. Mais les lourdes et nombreuses carapaces seront elles restées sur place, pour être récupérées les prochains jours par les équipes, à l’instar des sacs d’os.
Sur l’ensemble de l’opération et des différentes plages sélectionnées, le REMMAT aura comptabilisé 345 kilos d’ossements.
Un chiffre exubérant, tout particulièrement lorsque l’on connait l’état critique des espèces de tortues marines de l’archipel. Toutes les espèces recensées par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) y sont reconnues comme « vulnérables, en danger d’extinction voire en danger critique d’extinction ». Mais à plus de 50 euros le kilo, la viande de tortue continue de faire des adeptes, en dépit de sa toxicité latente. Et ce bien qu’elle ne relève pas, comme en attestent les détracteurs de la lutte contre le braconnage, d’une « consommation traditionnelle ».
Un braconnage persistant qui s’impose comme la résultante de la rencontre sur un même territoire d’une biodiversité exceptionnelle et d’une précarité dévorante. Mais les acteurs se mobilisent de plus en plus chaque année autour de cette problématique qui concerne de plus en plus les institutions, et la lutte continue.
Pour rappel, toute personne trouvant une tortue morte ou échouée doit contacter le REMMAT au 06 39 69 41 41.
Mathieu Janvier