« En fonction des situations, on peut être amené à voir une personne une fois par semaine d’autre une fois par mois. Tout dépend de la situation et des besoins de la personne ». Christine Brochu, infirmière au sein de l’Équipe mobile d’accompagnement en soins palliatifs (EMASP), fait partie des organisateurs du séminaire à la Maison des jeunes et de la culture de M’Gombani. Personnels soignants, ou simples curieux, « nous avons organisé cette journée afin de faire connaître notre action à qui le souhaite », renseigne-t-elle.
« Il n’y a pas de soins prodigués »
Une action loin d’être anecdotique puisque depuis le début de l’année 500 personnes ainsi que leur famille ont été accompagnées par l’EMASP, dont une cinquantaine d’enfants. Les malades qui en bénéficient sont pour la plupart atteints de cancer, d’insuffisance cardiaque ou respiratoire majeures voire des insuffisances rénales en phase terminale et des maladies neurodégénératives. Certes, si les soins palliatifs sont associés à la mort, l’infirmière entend néanmoins préciser que l’accompagnement des malades et de leur entourage constitue le fil directeur de leurs actions. « On va accompagner tout le monde, la famille, l’entourage », souligne-t-elle avec pour ultime objectif de maintenir une qualité de vie pour le malade.
Pour y parvenir, les dix-huit membres de l’EMASP interviennent dans les services hospitaliers ou à domicile. Une manière de créer des ponts entre la médecine d’hôpital et la médecine de ville. « On couvre toute l’île que ce soit Petite-Terre ou Grande-Terre », nous précise Christine Brochu. Une amplitude d’action permettant de répondre aux sollicitations aussi bien pour l’évaluation du patient que pour un début de prise en charge. Sur ce dernier point l’infirmière indique que lors des visites, « il n’y a pas de soins prodigués ». L’objectif est de mettre en lien les professionnels de santé qui s’occupent du patient, de les conseiller sur la prise en charge de la douleur du malade. Mais surtout, détaille-t-elle, « on essaye de savoir comment va la personne, comment elle vit sa maladie sans jamais forcer l’échange. On est dans l’écoute, on répond aux questions posées du patient et de son entourage ». Avec une ligne rouge, ne pas asséner une vérité que l’interlocuteur n’est pas prêt à entendre.
Un référent culturel et cultuel en appui, un dispositif novateur
Pour les aider dans cette démarche de compréhension et d’acceptation, l’EMASP dispose d’un référent cultuel et culturel, une démarche inédite en France. « Il nous aide à comprendre les codes, les interactions mais aussi les non-dits », note l’infirmière. Des propos corroborés par l’intéressé, Bacar Saindou. Selon lui l’importance du cultuel tient de la prégnance de l’islam dans la société et des questions qui peuvent surgir en fin de vie « pour lesquelles on n’a pas les réponses », souligne-t-il. De son expérience au côté des malades qui en font la demande, il en a tiré un enseignement « la mort pour chaque personne n’est pas pareille ». A la tribune, par son intervention Tahamida Ibrahim, ancienne vice-présidente du Conseil départemental, a souhaité témoigner de l’accompagnement dont sa mère a pu bénéficier, face à la maladie, mais également sa famille. L’EMASP constitue dans les moments de doute un repère vers qui il est alors possible de se tourner, pour trouver des réponses, pour aider à avancer.
Si l’EMASP n’est âgé que de trois ans, l’augmentation des effectifs passant d’un médecin, d’une infirmière et d’une aide-soignante à une vingtaine de professionnels aujourd’hui, démontre l’essor progressif de son rôle mais aussi de son acceptation. A écouter les interventions à la tribune, l’accompagnement des personnes et des familles à accepter le départ de leur proche malade semble peu à peu revêtir une dimension jusqu’alors insoupçonnée, non pas les « aider à mourir » mais les « aider à vivre encore ».
Pierre Mouysset