Après plusieurs années d’actions menées auprès des agriculteurs du territoire pour promouvoir les bienfaits des abeilles, favoriser l’accueil de colonies sur les parcelles agricoles et encourager l’apiculture locale, les efforts de la Fédération Mahoraise des Associations Environnementales (FMAE) se voient aujourd’hui concrétisés par une reconnaissance politique officielle.
Ce lundi 8 décembre, elle a signé avec le Conseil départemental de Mayotte une convention-cadre officialisant la mise à disposition immédiate de deux sites départementaux au profit de l’association. Cette convention permettra à la FMAE de pérenniser ses actions en faveur de la biodiversité, et plus particulièrement des abeilles, dans le cadre du Plan National d’Actions (PNA) « France, terre de pollinisateurs ».
Un rucher pédagogique et expérimental ainsi qu’un parcours biodiversité

« Cela fait déjà plusieurs années que nous sommes présents sur ces parcelles, mais cette reconnaissance montre que les institutions nous font désormais confiance. Cela va nous aider à sensibiliser plus de monde, éventuellement obtenir des aides matérielles et nous engager sur de nouveaux projets », explique Mouhamadi Moussa, chargé de mission biodiversité terrestre au sein de la FMAE, une fédération qui regroupe une trentaine d’associations.

« À Coconi, nous allons reconstruire notre rucher pédagogique, composé de plusieurs ruches qui serviront à sensibiliser tous les publics, mais aussi à expérimenter différentes techniques d’apiculture. On va également réaliser un parcours biodiversité où les visiteurs pourront observer la faune et la flore locale », poursuit le jeune animateur du projet. Le site permettra aussi d’appliquer le PNA en faveur de la couleuvre de Mayotte (Liophidium mayottensis), une espèce endémique en voie d’extinction, afin de sensibiliser à la cohabitation avec la faune locale inoffensive.
« Quand on fait des interventions dans les écoles, les diapositives, ce n’est pas communicatif. Les enfants sont beaucoup plus intéressés et passionnés lorsqu’ils sont immergés dans ces endroits, au milieu de la nature », ajoute-t-il.
Mieux connaître les abeilles pour une agriculture plus rentable et durable

Le second site, situé à Miréreni, est davantage dédié aux agriculteurs. Plusieurs ruches y sont installées aux abords des parcelles, afin d’observer en temps réel leur impact sur les arbres fruitiers et leurs rendements. La présence d’abeilles autour d’une parcelle agricole augmente fortement les rendements, car elles assurent la pollinisation des fleurs, favorisent la fécondation des fruits et améliorent la qualité et la quantité de la production. En butinant de fleur en fleur, les abeilles transfèrent le pollen, ce qui permet aux arbres fruitiers de produire davantage de fruits, plus gros et plus homogènes.
« Avec cette signature, on va pouvoir continuer à expérimenter les différentes essences mahoraises », détaille Ali Madi, président de la FMAE, qui a été officiellement labellisée Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE), en septembre dernier, reconnaissance qui marque son rôle national dans la protection de la biodiversité et l’éducation à l’environnement. « Manguiers, jacquiers, palmiers, baobabs… les abeilles se nourrissent de tout dans un périmètre de 3 km autour de la ruche. On veut savoir combien de kilos de miel elles sont capables de produire selon leur environnement, mesurer leurs déplacements… L’objectif est de transformer cette activité artisanale en activité économique durable », poursuit-il.
« On veut permettre aux abeilles de perdurer et de s’épanouir à Mayotte, avec l’ambition d’augmenter notre production agricole locale pour moins dépendre de l’extérieur », assure Bibi Chanfi, vice-présidente du Conseil départemental, chargée du développement économique et de la coopération décentralisée. « Les expérimentations menées à Miréreni sont importantes : le but est de démontrer qu’on peut vivre de sa production agricole. L’année dernière, au Salon de l’agriculture, le miel de Mayotte a obtenu une médaille d’argent pour sa première participation, signe de tout son potentiel », ajoute l’élue.

« À la FMAE, on a pris conscience de l’importance des abeilles il y a déjà plusieurs années, mais c’est bien que désormais tous les acteurs s’alignent », confie Latufa Msa, directrice de la FMAE. « Le sujet est d’autant plus sensible après Chido, avec le besoin de relancer la machine agricole et les ressources forestières du territoire. Agriculteurs, grand public, politiques… il est important que tout le monde soit conscientisé ».
En plus de ces projets, la FMAE ambitionne désormais d’éduquer la population et les acteurs à la pollinisation en zones urbaines.
Au-delà de ces projets de valorisation des abeilles, la structuration de la filière apicole à Mayotte, qui ne compte aujourd’hui que 20 professionnels déclarés, nécessitera plusieurs actions clés : la lutte contre la pratique du brûlis, qui détruit les ressources alimentaires des abeilles ; la sensibilisation du grand public, souvent démuni face à la présence de colonies ; la prévention du vandalisme des ruches ; et enfin la formation et l’accompagnement des agriculteurs désireux de se lancer dans l’apiculture.
Victor Diwisch


