Entre sirènes et couloirs vides, mardi 25 novembre, enseignants et élèves du lycée des Lumières ont vécu un exercice de crise inspiré des violences récentes. Si le Rectorat de Mayotte le présente comme un outil de formation essentiel, certains enseignants dénoncent une mise en scène irréaliste et des tensions supplémentaires dans un quotidien déjà éprouvant.
Après les sirènes, le Rectorat explique

Contacté par notre rédaction, le Rectorat de Mayotte explique que ces exercices s’inscrivent dans un dispositif plus large de formation à la gestion des crises. « L’exercice a été construit en rejouant les scénarios des violences survenues début novembre au lycée des Lumières et sur l’ensemble de la cité scolaire de Kawéni, pour identifier ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré pour faire face à ce type d’événement », précise l’institution. L’objectif : tester les réflexes des enseignants et des élèves, vérifier l’écoute des alarmes, le confinement et le rôle de chacun.
Mercredi 26 novembre, un retour d’expérience (RETEX) a été organisé pour ajuster les protocoles. « Même si des PPMS (ndlr : plan particulier de mise en sûreté) existaient déjà, il est essentiel de les tester en conditions réelles. Le stress et les émotions doivent être vécus pour mieux les contenir », souligne le Rectorat.
Autour des élèves et du personnel, un dispositif complet était en place : SDIS, police nationale, transports scolaires et médiateurs associatifs. L’idée : reproduire ces exercices dans tous les établissements de l’île, chaque fois en adaptant le scénario au contexte local, pour que les équipes puissent apprendre à réagir dans le chaos, plutôt que sur papier.
Le chaos simulé vu par les enseignants

Sur le terrain, l’impression des enseignants diffère du récit officiel. Pour eux, l’exercice ressemblait davantage à une répétition théâtrale qu’à une véritable mise en situation. « C’est l’exercice de crise le plus fake que j’ai jamais vu. Les élèves sont entrés calmement, rangés, les bus sont arrivés à l’heure… Tout était idyllique. Alors que dans la réalité, quand les dakous entrent dans le lycée, c’est totalement différent : les élèves courent, même les profs, c’est la panique totale », raconte une enseignante.

Le mail reçu dimanche 23 novembre ne précisait qu’un confinement mardi midi, ce qui a surpris le personnel. « Les élèves savaient déjà par des médiateurs qu’ils n’auraient pas cours, mais nous n’avions aucune autre information », commente un autre enseignant.
Un autre professeur reste critique sur le choix des participants : « Certains d’entre nous ne savaient pas pourquoi ils avaient été sélectionnés, et d’autres non », déplore-t-il, pointant un manque de clarté dans la communication et le caractère inégal de l’exercice.
Préparer sans transformer : la ligne du Rectorat

Le Rectorat insiste : préparer le personnel et les élèves aux crises est indispensable, mais il ne s’agit pas de faire des enseignants des experts de la sécurité. « Pendant un incident réel, le stress est extrême et certains aléas sont impossibles à prévoir. L’objectif est de tendre vers des réflexes et de connaître parfaitement les protocoles », explique l’institution.
Au-delà de la technique, ces exercices répondent à une logique pédagogique et préventive. « Le rôle des enseignants n’est pas de prendre la place des forces de l’ordre, leur mission principale reste d’enseigner. Mais à Mayotte, où la violence se concentre aux abords et dans les établissements scolaires, il est essentiel de les protéger et de leur donner des clés. Ces exercices font partie de la prévention éducative : lutter contre le harcèlement, prévenir l’influence des bandes qui recrutent des jeunes vulnérables », précise le Rectorat.
Pour l’institution, l’exercice ne transforme pas les enseignants en super-héros de la sécurité, il s’agit avant tout de leur permettre de continuer à exercer leur métier dans un contexte difficile. La leçon est claire : se préparer à la crise s’apprend par la répétition et l’expérience. Mais quand les sirènes s’éteignent, le quotidien reprend, avec ses incertitudes et ses tensions… et c’est là, dans ces jours ordinaires, que la vraie formation se joue.
Mathilde Hangard


