Les Outre-mer au cœur de la stratégie indopacifique de la France

A l’occasion de son discours aux armées au mois de juillet, le Président Emmanuel Macron a présenté la revue nationale stratégique et a actualisé celle de l’Indopacifique dans un contexte international marqué par des bouleversements profonds. Les Outre-mer vont avoir une place essentielle à jouer, et Mayotte, de par sa position stratégique dans le canal du Mozambique, devrait avoir un rôle de plus en plus important.

« Nous sommes à un point de bascule », avait alors déclaré Emmanuel Macron, le 13 juillet dernier lors de son discours aux armées et devant un parterre de hauts gradés, faisant ainsi allusion aux guerres et conflits à travers la planète qui ne cessent de s’intensifier et qui sont en train d’entrainer une recomposition mondiale. Et dans ces bouleversements, la zone de l’Indopacifique, dont la France possède de nombreux territoires, va être le théâtre d’enjeux majeurs dans les prochaines années.

L’Indopacifique : une priorité pour la France

La France est très présente dans la région Indopacifique avec La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et l’île de La Passion – Clipperton. Aussi sa stratégie s’articule autour de 4 priorités : – Inscrire les Outre-mer au cœur de la vision stratégique de la Nation pour la région ; – Renforcer les coopérations de proximité avec les partenaires voisins ; – Soutenir les dynamiques multilatérales et les organisations régionales ; et enfin – Contribuer à la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne pour l’Indopacifique.

Pour le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, « La stratégie française vise à renforcer mutuellement et collectivement la sécurité et la résilience » (France Diplomatie)

Les territoires ultramarins de la France dans cette région « seront directement impliqués dans la mise en œuvre de la stratégie, qui sera déclinée dans le cadre de feuilles de route propres à chaque territoire », indique la Direction générale des Outre-mer (DGOM). Aussi face aux bouleversements géopolitiques, la France entend affirmer la singularité de son positionnement. « La stratégie française vise à renforcer mutuellement et collectivement la sécurité et la résilience. Elle promeut un multilatéralisme efficace, fondé sur le respect du droit international et la mise en œuvre de projets d’intérêt commun pour faire face aux enjeux globaux », explique de son côté le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

La zone indopacifique est d’une importance cruciale pour la France, notamment par les enjeux géopolitiques majeurs qui la caractérisent. En effet, dans cet espace résident près de 1,8 million de nos compatriotes et auxquels sont rattachés plus de 90 % de notre zone économique exclusive (la deuxième ZEE mondiale avec 10,2 millions de km2).

« Cette région constitue à l’évidence le centre de gravité de la nouvelle compétition stratégique mondiale. La montée en puissance de la Chine a bouleversé les équilibres traditionnels (…). La compétition sino-américaine s’intensifie et génère de nouvelles tensions. Le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Indopacifique. Six membres du G20 (Australie, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Japon) sont présents dans cette zone. Les voies commerciales maritimes qui la traversent sont devenues prépondérantes », ajoute le Quai d’Orsay.

De plus, selon le FMI, cette région contribue à plus de 35% de la richesse mondiale et à 70% de sa croissance. Les projections de la Banque asiatique de développement indiquent que d’ici 2050, la région pourrait représenter plus de 52% du PIB mondial.

Mayotte : un levier stratégique dans la zone indopacifique ?

Le canal du Mozambique sous étroite surveillance (Ministère des Armées)

De par sa position dans l’océan Indien, et plus particulièrement au sein du canal du Mozambique (jonction de l’Afrique de l’Est, de l’Indopacifique…), Mayotte pourrait devenir de plus en plus stratégique pour la France mais aussi pour l’Europe dans cette zone au transit plus de 30 % du trafic pétrolier mondial. Quand on connait les problèmes au canal de Suez et en Mer Rouge actuellement avec les Houthis, notamment du côté du détroit de Bab el Mandeb*, le 101e département français pourrait devenir « une solution de repli logistique et énergétique pour l’Europe », note le cabinet de conseil Baobab Partners Global Advisory.

En effet, sa position et la mise en place prochaine du fameux Rideau de fer maritime, annoncé par le ministre des Outre-mer, devrait lui permettre de contrôler des voies stratégiques et les flux migratoires, ainsi que de lutter contre les trafics en tous genres et les menaces maritimes, mais aussi d’avoir une capacité de projection dans toute la région.

« Mayotte s’inscrit pleinement dans la “boussole stratégique” de l’UE 2025–2030 (…). Son statut de Région Ultrapériphérique de l’Union européenne lui donne accès à des fonds européens majeurs (FEDER, FSE+, FEAMP, POSEI), ce que n’ont pas ses homologues souverains. Sans compter son port de Longoni en eaux profondes. L’île dispose d’atouts pour devenir un point d’ancrage structurant des chaînes économiques et écologiques européennes dans l’océan Indien », souligne le cabinet de conseil Baobab Partners Global Advisory.

Levante 2, COI, CRCO, CRFIM, océan INdien
L’objectif de la LPM 2024-2030 : renforcer la souveraineté de la France dans les Outre-mer

A travers la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, qui alloue un budget prévisionnel de 13 milliards d’euros pour l’ensemble des Outre-mer, la France entend garantir sa souveraineté dans un contexte de tensions stratégiques accrues. Pour cela, elle compte renforcer la coopération bilatérale et régionale et moderniser ses dispositifs pour mieux lutter contre les différentes menaces (hybrides, cybersécurité, sécurisation des câbles sous-marins, manipulations de l’information…).

 

* Le détroit de Bab el Mandeb est au cœur de l’actualité en raison des attaques armées menées par les miliciens houthis du Yémen contre les navires de plusieurs pays empruntant l’une des routes commerciales internationales les plus fréquentées au monde.

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