Ce dimanche 26 mai 2024, l’Union des Comores va célébrer l’investiture d’Azali Assoumani reconduit à la tête du pays lors des élections du 14 janvier dernier. Il avait été élu dès le 1er tour dans des conditions qui avait incité l’opposition à crier à la fraude et au bourrage d’urnes. Le pays avait été le théâtre d’émeutes au lendemain des élections, faisant un mort. D’ailleurs, au lendemain du scrutin, ni les Etats Unis ni l’Union européenne n’avaient félicité l’heureux élu. Le quotidien Le Monde avait pu consulter des documents prouvant les irrégularités des élections.
A quelques jours de l’investiture de l’ancien colonel qui organisa un putsch dans le pays en 1999, l’opposition se faisait entendre ce mercredi lors d’une conférence de presse, par la voix de l’homme d’affaire Mahamoud Ali Mohamed, patron de la société Concassage-bétonnage-Enrobage (CBE) et président de l’Alliance nationale des libéraux pour les Comores (ANC). Il rappelle qu’il avait eu avec Azali Assoumani un échange le 7 juillet 2018, soit quelques jours avant que la population ait été consultée par référendum (le 30 du même mois) sur un projet de réforme de la Constitution. « Je lui avais alors demandé de déplacer la date de ce référendum, de rétablir la Cour Constitutionnelle même symboliquement, de reformer son équipe et de revoir certains points de la Constitution qui allaient le servir lui, mais pas le peuple ». Sans effet donc.
Un peuple plongé dans « une pauvreté sans nom »
Qualifiant l’élection présidentielle de « lamentable pièce de théâtre », il invite à « se retrousser les manches » en réponse à quatre questions qu’il formule sur l’état du pays : « Pourquoi assiste-t-on à un dialogue de sourds ? Pourquoi les gens ont peur de défendre leur liberté ? Pourquoi ont-ils peur de dénoncer l’injustice ? Pourquoi l’exil demeure-t-il la meilleure solution ? » Qui débouchent inévitablement sur sa prise de conscience d’une « prise de risque pour mon intégrité et mes affaires » à travers sa prise de parole. Mais le jeu en vaut la chandelle selon lui, « j’ai la conviction que rien n’est plus important pour mon pays qui est en danger. Or, la fatalité est la culture des lâches ».
Il accuse celui qui préside le pays depuis 8 ans d’avoir « démoli les fondements de la démocratie comorienne » par « une politique égocentrique, clientéliste et autocratique ». Et le juge « insensible au mal-être de son peuple. » L’opposant parle de « marasme économique », d’un peuple plongé dans « une pauvreté sans nom », de pénurie, et d’avoir trop fait « couler le sang ».
Un message pour le président français
Il met en perspective les difficultés des Comores pour venir à bout des épidémies successives de Covid et de choléra, et les fastes prévus pour l’investiture avec la présence attendue de nombreux chefs d’Etat, « je lui demande d’arrêter ces festivités. »
Commençant par appeler Azali Assoumani à « interroger sa part d’humanité », il l’invite à « poser les armes pour ne pas être une menace pour ce pays ». Et invite au « rassemblement général des forces vives » du pays : « J’appelle la société comorienne à sortir de son mutisme et de la culture de la fatalité. » Il s’adresse aux « pays amis et voisins », dont on peut penser que la France est en pole position étant donné que le discours se tient dans la langue de Molière : « Ne fermez pas les yeux sous les prétexte fallacieux (…) vous pourriez être coupables de complicité pour non-assistance », sous-entendu, à un peuple en danger.
Alors que la pauvreté fait fuir chaque jour vers Mayotte les habitants d’un pays où les soins, la scolarité et les équipements primaires ne sont pas assurés, on ne peut que scruter avec attention les suites données à cette prise de parole.
A.P-L.