Le 14 décembre 2023, la préfecture de Mayotte a pris un arrêté déclarant la procédure d’urgence civile dans le cadre de la construction de l’usine de dessalement à Ironi Bé.
« Nous comprenons l’urgence de trouver des solutions pour augmenter la ressource en eau, mais le faire sans aucune concertation avec les associations environnementales qui auraient eu des solutions à suggérer et un avis à donner sur les sites d’implantation n’est pas le meilleur moyen d’obtenir l’adhésion de la société civile à ce projet. La solution retenue est entachée à nos yeux de deux défauts majeurs : la précipitation et l’opacité », déclarent ainsi communément les trois présidents.
Ils condamnent en effet « cette procédure semblable » à l’extension de l’usine de dessalement de Petite-Terre qui avait été décidée en 2017 « au nom de l’urgence, sans étude d’impact et sans évaluation environnementale ». De plus, ils s’alarment du fait qu’aucun débat public n’a été organisé afin d’échanger sur ce sujet et qu’aucune consultation n’a eu lieu avec les organismes de concertation dont c’est précisément la mission. « Nous n’avons eu aucune communication des documents préparatoires au projet. Nous demandons qu’une enquête publique soit menée dans les meilleurs délais ».
Les présidents des trois associations s’inquiètent également sur le choix du site. « Cela impactera une mangrove et un récif frangeant qu’il faudra défoncer pour faire passer les canalisations de pompage et de rejet. Cette mangrove est en outre un des habitats du crabier blanc, espèce protégée en danger critique d’extinction. Est-ce que la procédure d’urgence civile dispense aussi de demander l’avis du CNPN ? ».
Par ailleurs, l’usine de dessalement entrainera par voie de conséquence des rejets de saumure et de produits chimiques dans le lagon. « L’impact du rejet d’une saumure deux fois plus concentrée en sel que l’eau de mer ne sera pas sans impact sur la diversité biologique du lagon, qu’il s’agisse des mangroves, des herbiers, des coraux ou des animaux marins. Certaines espèces sont très sensibles à des variations de salinité », écrivent-ils.
Enfin selon eux, la construction de cette usine de dessalement ne suffira pas, à elle seule, à résoudre le problème de la crise de l’eau qui touche et qui touchera probablement encore dans les années futures notre territoire. Ils proposent ainsi des mesures plus concrètes et moins polluantes comme l’installation d’équipements de récupération d’eau de pluie « à encourager systématiquement pour les usages non alimentaires », mais aussi la replantation d’un couvert forestier « permettant de favoriser le stockage de l’eau sans le sol », ou bien encore l’utilisation des eaux de rejet des STEP pour certains usages ne nécessitant pas de l’eau potable (BTP, agriculture…).