Le débat en commission des lois était tardif ce mardi soir. Face à Gérald Darmanin, le député LR mahorais a déroulé une nouvelle fois son argumentaire chiffré d’une migration qui touche jusqu’à 60% des habitants de certaines communes. Il évoquait notamment les 100.000 titres de séjour territorialisés, qui ne permettent pas à leur détenteur de quitter Mayotte, et quasiment autant en attente de traitement, et pointait surtout les probables futures arrivées : « Il y a de l’autre côté (aux Comores, ndlr) plus de 200.000 gamins qui attendent d’être scolarisés à Mayotte ».
Car contrairement à ce qu’évoque régulièrement le gouvernement, l’appel d’air à Mayotte, ce ne sont pas les allocations, mais bien la scolarisation et les soins. Et pour la simple raison que l’un comme l’autre ne fournit pas des services à la hauteur de ce que les politiques publiques devraient livrer, et sont payants, quand la population est une des plus pauvre du monde.
Mayotte joue donc un rôle humanitaire, avec moins de moyens alloués qu’à un autre département français qui n’est pas soumis à ce stress migratoire. Conséquence, les structures sont sous-dimensionnées, impliquant déscolarisation, frustration et errance des jeunes, nourrissant la délinquance.
« Nous avons besoin de mesures spécifiques et fortes pour que les mahorais ne fuient pas, réclamait Mansour Kamardine, notamment l’arrêt des régularisations lors d’arrivées de clandestins à Mayotte. D’ailleurs, quand je demande qu’ils puissent se rendre en métropole, tout le monde à l’Assemblée vote contre tout en gardant la main sur le cœur ! »
« On verra ce que dit le juge constitutionnel »
En réponse, Gérald Darmanin se disait « favorable à ne pas régulariser à Mayotte quelqu’un qui y serait arrivé irrégulièrement. Il peut bien sûr l’être ailleurs en France ». Une première que cette position d’un ministre de l’Intérieur. Un acquiescement qui ne vaut en revanche pas validation car la constitutionnalité de la proposition doit être étudiée. « Je ne dis pas en préambule que c’est inconstitutionnel, on verra ce que dit le juge constitutionnel ».
Le ministre faisait néanmoins remarquer que « des conditions particulières existent déjà à Mayotte » en matière de droit du sol. C’est d’ailleurs à la suite d’un travail minutieux que le sénateur Thani Mohamed Soilihi avait défendu devant le conseil constitutionnel et le conseil d’Etat, que son amendement a pu entrer en vigueur en 2018, conditionnant l’obtention de la nationalité d’un enfant à la présence en situation régulière et continue d’un de ses parents dans les trois mois qui précèdent sa naissance.
Les parlementaires vont donc devoir une nouvelle fois affuter leurs dossiers pour défendre cette proposition. Et ne pas compter uniquement sur la loi Mayotte. Elle était en effet invoquée par le ministre Darmanin, « elle permettra de corriger en prenant en compte les remarques du Conseil constitutionnel, et on pourrait aussi envisager de l’intégrer à la réforme constitutionnelle voulue par le président de la République, mais je parle la en mon nom. Nous sommes prêts à travailler sur tout cela. »
Anne Perzo-Lafond