Dress code de circonstance, à minima pantalon et baskets à semelles crantées, en cette amorce de matinée non loin de l’embouchure nord-est de ladite retenue, principalement alimentée par cette rivière qu’est la Mouala. Une rivière labyrinthiquement ramifiée qui (normalement) s’écoule depuis les hauteurs de la réserve forestière de Majimbini. Très beau sur le papier, d’autant plus en cette période assoiffée mais il semblerait que la réalité soit légèrement plus de l’ordre de l’illégalité complexifiée. Mode exploration et radicale solution enclenchés, en avant marche, on vous suit Monsieur le préfet !
Les captages sauvages
Véritables fléaux répandus à travers notre île par milliers*, ces déroutages et/ou micro-barrages, non autorisés, pullulent de manière bien souvent non observable et non recensée, ce qui ne rend guère la tâche facile pour les équipes terrain interservices de la Protection environnementale rattachées notamment au Département mais également à l’État, par le biais de l’Office français de la biodiversité (OFB) ou encore de la Direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm).
C’est donc après un crapahutage en quasi jungle vierge mahoraise, tracé pédestre à peine perceptible au milieu de l’abondante et verdoyante nature, que nous arrivons à une sorte de petite retenue. Armature carrée et bien bétonnée, travail de pro qui ne date pas d’hier, seule une canalisation en métal sort du tout : « À ce tube était branché tout un système de tuyauteries et canalisations. Identifié comme inconnu par les services départementaux, ce barrage servait de ressource gravitaire pour les parcelles agricoles environnantes; rappelons qu’il n’est absolument pas légal de retenir un cours d’eau sans autorisation, c’est pourquoi nous procédons à cette destruction globale, tuyaux inclus » nous informe Jean-François Le Roux, chef de service environnement et gestion des risques au sein de la Dealm.
Outre l’approche purement répréhensible, il est important de réaliser que ce genre d’installations sauvages contribue à l’appauvrissement des ressources hydriques de notre territoire. Dans ce cas de figure, ce barrage empêchait totalement l’eau de cheminer jusqu’à sa destination qu’est la retenue collinaire de Combani. Après destruction, c’est tout même un débit mesuré de 20 m3 par heure qui a été rétabli redonnant vie, hydratation et fraicheur à tout le lit de cette rivière qui avait été aperçue totalement asséchée, encore des semaines en amont, lors des repérages aux dires des acteurs présents concernés.
Une lutte globale et élargie
Dans le cadre de cette opération intitulée Mission inter-service de l’eau et de la nature (Misen) — dont le procureur et le préfet sont à la baguette — mettant en scène plus d’une soixantaine d’acteurs, hors services sécuritaires relatifs à la Gendarmerie mobile assurant les arrières de toutes ces personnes en action, il fut mené, en parallèle, une destruction de 3 parcelles agricoles et maraîchères, d’une superficie totale de 1,5 hectare, implantées frauduleusement en zone forestière départementale et quasi jouxtant à ce barrage justement.
« Nous sommes dans un secteur qu’il faut protéger notamment contre la déforestation » introduit Thierry Suquet, « Ce barrage que nous sommes en train de détruire c’est aussi un soutien d’irrigation à destinations de ces cultures illégales, elles-mêmes alimentant une filière de travail illégal. Notre action ici est à effet domino s’inscrivant dans un grand tout déjà entrepris bien en amont mais renforcé depuis avril dernier, dans le cadre de cette opération Wuambushu. Déforestation, culture et travail illicites, tout ceci contribue à favoriser les réseaux d’immigration et toutes les conséquences que nous connaissons. Et la rareté de l’eau fait aussi partie de tout cela ».
Cette grande mission destruction, uniquement manuelle, au regard de la ’’petite’’ superficie et de la complexité d’accès, fait donc aussi suite à celle d’une plus grande envergure qu’il y avait eu, près de 3 mois en amont, où il avait été question de l’écrasement de près de 20 hectares de cultures illégales, aussi en ce domaine forestier de Majimbini, en un autre versant, tout aussi soumis à une forte pression démographique connue en cette zone. « Il faut comprendre que nous sommes dans la continuité d’opérations que nous menons régulièrement. Il n’est pas question que d’un one-shot mais bien d’une surveillance accrue et d’une occupation du terrain grâce à nos patrouilleurs, en plus de notre politique de reboisement » nous précise Rachida Omar, cheffe du service des ressources forestières au sein du Département.
Débutée aux aurores, cette massive intervention s’est poursuivie toute la matinée, incluant également la destruction d’un second barrage, moins conséquent, situé sur les hauteurs plus reculées de cette réserve forestière. Ce genre d’opération a pour vocation à être renouvelée, notamment au niveau des principaux bassins versants qui alimentent les captages.
MLG
*près de 5 000 selon les sources des services départementaux