L’affaire avait été soulevée en novembre 2020 par le Journal de l’Ile de La Réunion : Dhoihir Dhoulkamal et son épouse se seraient rendus coupables de fraude aux prestations sociales, le ministre des Affaires étrangères comorien ayant acquis la nationalité française en 2000. Son épouse résidant à Saint-Denis de La Réunion, c’est la Caisse d’allocations familiales du département français qui a découvert que le RSA (Revenu de Solidarité active) leur était versé, alors que le ministre comorien occupait différentes fonctions.
Une enquête a été menée par la section de recherche de la gendarmerie et a abouti il y a quelques semaines, selon le journal Le Monde qui livre des détails supplémentaires. « A la suite de vérifications effectuées par les contrôleurs de la CAF et de la CGSS, le montant des prestations sociales et des remboursements de soins perçus par M. Dhoulkamal et son épouse est évalué à 251.500 euros pour la période 2015-2022. » Pendant ce temps, il percevait des indemnités de député et de ministre de l’Union des Comores, de respectivement 1.500 euros et 2.000 euros.
Il aurait sciemment dissimulé ses revenus pour que son épouse soit bénéficiaire. Même mieux, d’autres primes sont tombées dans leur escarcelle : des allocations familiales, l’allocation logement, l’allocation de rentrée scolaire et la prime de Noël. Enfin, le ministre aurait bénéficié de soins gratuits en faisant jouer la couverture maladie universelle, alloué aux patients en situation précaire.
Des fraudes âprement combattues
L’affaire est également politique puisque c’est dans ce contexte que la présidence comorienne a été reçue à l’Elysée par Emmanuel Macron sur fond de crise d’accueil des reconduites, et que Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères a discuté avec son homologue comorien au Quai d’Orsay. On se doute que la suspicion de fraude a dû peser dans la balance.
En France, les organismes sociaux évaluaient en 2019 à un milliard d’euros le préjudice lié aux fraudes aux prestations sociales, qui induisent la mobilisation de 4.000 agents pour les débusquer.
C’est le même Dhoihir Dhoulkamal qui avait été accusé par le sulfureux homme d’affaires franco-syrien Bachar Kiwan de l’avoir incité à « charger » l’ancien président Sambi dans l’affaire du « programme de citoyenneté économique » de vente de passeports comoriens aux bédouins apatrides des Emirats Arabes Unis en 2008 dont la contrepartie financière n’avait pas été retrouvée. Le site Comores-info avait même insinué que Dhoihir Dhoulkamal aurait monnayé l’octroi de visas pour la France alors même qu’il avait présidé la commission parlementaire d’enquête sur le scandale financier de l’octroi de la citoyenneté économique sous le président Sambi.
La Caisse de sécurité sociale de La Réunion aurait déposé plainte selon le quotidien du soir. De son côté, la procureur de Saint-Denis envisage des poursuites pénales. Le ministre sera-t-il contraint de démissionner ? Tout dépend de l’importance accordée à son acte présumé du côté comorien.
Anne Perzo-Lafond