Commençons par le communiqué de la section locale du syndicat de la magistrature. Nous avons dénoncé ce lundi la position politique des propos tenus par des juges essentiellement réunionnais, particulièrement sur ce paragraphe : « La section régionale du Syndicat de la magistrature appelle les pouvoirs publics à prendre conscience de l’histoire, du contexte et de la nature de l’immigration mahoraise et rappelle qu’en fermant les frontières ultramarines, les autorités françaises n’ont fait qu’exacerber une différenciation entre nationaux et étrangers parmi des populations qui partagent une histoire, une géographie, une culture et une économie communes. » Ce qui sous-entend sans le dire, la création « par les pouvoirs publics » d’une population étrangère qui ne l’était pas avant que la frontière ne soit érigée. Une Lapalissade qui nie la volonté des mahorais de rester français. Une immixtion de représentants du pouvoir judiciaire étonnante, qui rappelle les plus mauvaises heures de ce syndicat dont la présidente nationale avait été condamnée dans l’affaire du « mur des cons » comme l’avait rapporté le Parisien notamment, traduisant la partialité de certains magistrats. Leur position n’a pas manqué de provoquer des réactions en chaine à Mayotte.
Celle de l’Association des maires de Mayotte (AMM) pour commencer, dont le président Madi Madi Souf dénonce le contenu du tract, « ce syndicat défend ici des positions politiques, des convictions personnelles, qui vont à l’encontre de la volonté des élus Mahorais, à l’encontre des Mahoraises et des Mahorais qui se sont battus des années durant pour se détacher des Comores. » Et pose une question essentielle, « Quelle confiance avoir en la justice française, la justice de la République, quand le quatrième pouvoir se positionne comme un parti politique d’opposition contre le gouvernement, à l’heure où des preuves de plus d’autorité et de plus d’Etat sont ici sollicitées ? »
L’AMM salue les renforts au tribunal de la brigade de juges, et rejoint le communiqué du syndicat de la magistrature sur un point, « mettre un terme aux titres de séjours territorialisés », et conclut, « nous respectons l’Etat de droit y compris pour les étrangers vivant à Mayotte, en situation régulière et qui respectent la loi de la République ici en vigueur ».
« Un amour immodéré pour Mayotte »
Autre réaction, celle de la présidente de Maore Solidaire, Anchya Bamana. Elle dénonce « une idéologie et un positionnement effarants » de la part des juges, « On ne saurait d’ailleurs trop rappeler à ces bonnes âmes que le rôle des magistrats est d’appliquer la loi, pas de la contester et encore moins de la faire à la place du législateur ».
Mais c’est surtout à une déclaration d’amour à Gérald Darmanin que se livre l’ancienne maire de Sada, dans un courrier qu’elle lui adresse en réponse aux propos récemment tenus par le ministre de l’Intérieur sur les réseaux sociaux. Alors interrogé par un journaliste sur une projection qui le placerait à l’Elysée en 2027, et sur le premier territoire d’Outre-mer qu’il visiterait, celui qui ne cache donc plus sa candidature aurait répondu, « J’ai un amour immodéré pour Mayotte qui est une île absolument magnifique. Les mahorais sont profondément français, ils ont les plus grandes difficultés du monde. Le plus beau lagon du monde est sans doute à Mayotte. Personne n’y va parce qu’on se dit c’est terrible, il y a des difficultés. J’aimerais que la réussite de la République dans 10, 15, 20 ans, c’est qu’on aille en vacances à Mayotte comme on va aux Bahamas ». Et de conclure « La France a un joyau et elle ne le sait pas ».
Un quotidien tristement répétitif
Une déclaration que nous n’avons pas retrouvée, mais qui réjouit, et on le comprend, Anchya Bamana : « Vous faites partie des ministres qui nous ont le plus rendu visite depuis la prise de vos fonctions et qui continuera probablement à le faire. En cela, nous vous adressons nos sincères remerciements pour l’intérêt que vous portez à notre territoire et à ses habitants. » Gérald Darmanin avait passé le premier de l’An 2023 sur l’île. Une tactique avait dénoncé le Canard Enchainé, pour installer une politique sécuritaire de nature à le propulser à l’Elysée.
L’ancienne élue en profite réclamer un avenir meilleur, en évoquant le contexte quotidien, de « la hantise de se faire agresser à l’image de ce jeune garçon de 19 ans qui s’est fait tabasser à coup de barre de fer au crâne, mort le 15 février dernier des suites de ses blessures », aux « éternels caillassages de sept bus perpétrés dans la commune de Koungou, la veille de ce drame ». Sur cette question de l’insécurité, elle traduit le ressenti de tous, « les Mahorais n’ont pas le sentiment que leur quotidien change. Les actes de délinquance continuent de sévir sur nos routes. »
Et rapporte que « les besoins grandissants, conséquence de cette explosion démographique (liée à l’immigration, ndlr), ne permettent ni à la Collectivité Unique ni aux communes d’assumer pleinement leurs missions de service public, dans un contexte de non achèvement de la décentralisation. »
Déployer la solidarité nationale, reste un droit « au nom de l’égalité sociale et républicaine ». « Les Mahorais réclament l’application du droit commun sur leur sol, parce qu’ils payent l’impôt au même taux, sinon plus, que les citoyens du reste de la nation. »
Et enfin compte sur l’opération Wuambushu non annoncée par le ministre Darmanin, « pour amorcer un nouveau virage sur la politique migratoire pour désengorger l’île ».
A.P-L.