C’était dimanche et ça se passait à 450km à l’Est de Mayotte : le président mozambicain Filipe Nyusi annonçait l’exportation du premier méthanier de gaz naturel liquéfié (GNL). Comme nous l’avions indiqué, l’unité géante de liquéfaction de gaz naturel Coral sul de 432m de long avait quitté mi-novembre les chantiers navals de la Corée du sud et se préparait à se connecter au six puits pour lesquels elle possède un permis et extraira le gaz vers une usine à bord de la plate-forme où il subit un processus de refroidissement et de liquéfaction.
Ce n’est pas encore la reprise du projet mené par le géant français TotalEnergies, celui-ci étant encore dépendant d’un retour au calme après les actes commis par des groupes armés depuis 3 ans dans la région de Cabo Delgado. En avril 2020, un massacre de 52 jeunes est perpétré dans un village de la province, au motif qu’ils n’avaient pas voulu rejoindre les rangs des rebelles. Un conflit dont nous avions expliqué les tenants et les aboutissants dans cette région qui se plaint d’être délaissée, et qui, malgré les interventions armées des alliés du Mozambique, perdure.
En conséquence, les premières exportations sont possibles par une exploitation uniquement offshore (en mer) par Coral FLNG, la plateforme de l’italien ENI. Les navires prennent le chargement de gaz accosté à la plateforme, et repartent sans avoir touché terre.
Hydrocarbures : entre pénurie mondiale et protection de la planète
Ce n’est donc pas tout à fait le Mozambique qui exporte, mais la disponibilité de ce gaz issu d’une immense réserve sous-marine dans ses eaux, découverte à 2.000m de profondeur, à 60km au large des côtes nord de Cabo Delgado au Mozambique, est la bienvenue dans un contexte de tension mondiale sur les prix. Estimée à 5000 milliards de m3, elle pourrait faire du pays le 4ème exportateur mondial de gaz naturel liquéfié, à condition que les autres projets, dont celui de TotalEnergies, puissent être menés.
Or, le PDG Patrick Pouyanné a indiqué prendre « le temps qu’il faudra » pour que la sécurité du site et de la population soit garantie avant de relancer son projet.
Chahuté par des militants de la cause environnementale lors de l’actuelle COP27 qui pointaient les dommages provoqués par l’utilisation des énergies fossiles, le PDG de TotalEnergies rétorquait « Notre monde vit d’énergies fossiles, croire qu’on va changer le système en une nuit, ça ne marche pas ».
Ce projet du gaz mozambicain est sur toutes les lèvres depuis 2010. On ne pouvait pas imaginer que les premiers litres seraient extraits dans un tel contexte de tensions mondiales, provoquées par les restrictions que fait peser la Russie sur les livraisons à l’Europe après les prises de position inhérente à l’invasion de l’Ukraine, qui font passer le GNL pour du gaz rare.
Anne Perzo-Lafond