La Cour des comptes pointe l’absence de stratégie de développement à Mayotte

Intitulé « Quel développement pour Mayotte ? Mieux répondre aux défis de la démographie, de la départementalisation et des attentes des Mahorais », le rapport de la Chambre régionale et territoriale des comptes entend comprendre pourquoi, malgré les enchaînements des plans de développement à destination de Mayotte, « la situation de l’archipel reste atypique au sein de la République ».

« Ce qui est rageant, c’est qu’il y a de l’argent », s’est exprimé Nicolas Péhau, président des chambres régionales des comptes La Réunion et Mayotte. Ce sont peut-être, en somme, les propos qui résument le mieux le rapport publié ce jeudi. Parmi les constats dressés, le document pointe que « l’État et le département peinent à tracer des perspectives de développement durable pour Mayotte alors que les difficultés vont s’aggravant ».

Un travail de persévérance pour ouvrir le champ du débat

Pour s’en rendre compte, la synthèse apporte un éclairage certain. Il y est notamment précisé que « la délinquance a atteint à Mayotte un niveau hors norme », que « dans le domaine de l’éducation, le retard est difficile à résorber », précisant que « le rythme de construction des écoles primaires est très insuffisant au regard des 850 classes supplémentaires nécessaires à l’accueil des enfants dans des conditions satisfaisantes ». Sans oublier de mentionner que « la maîtrise de l’immigration est un préalable à la stabilité du cadre socio-économique ».

La faible attractivité du territoire joue en sa défaveur

Comment expliquer qu’après dix ans de départementalisation, le 101e département soit toujours, pour reprendre les termes de Nicolas Péhau, « loin des standards de la République » ? Plusieurs explications sont avancées et concernent à la fois les collectivités locales et l’Etat

Pour les premières, il s’agit d’un « manque d’expertise et d’ingénierie », précisant que les « maîtrises d’ouvrage du département restent insuffisantes ». En cause, un manque de qualification et ce, à cause, entre autres, d’une attractivité de l’île qui ne permet pas de « fixer » sur le long terme le personnel qualifié. Pour le second, outre la justesse des effectifs qui fragilisent les services de l’Etat, la « forte rotation du personnel, les vacances d’emploi » participent à « une rapide perte de mémoire » affectant dès lors « la continuité même des actions entreprises ». En résumé, le turn-over dans les effectifs ne permet pas de capitaliser sur les expériences passées, ou en cours, et contribuent à déstabiliser les équipes.

Définir une stratégie et des indicateurs

« Il faut une stratégie durable, il faut être capable de s’engager dans le suivi des actions menées avec des

Le rapport prodigue 13 recommandations réparties dans 4 thématiques

indicateurs », a tenu à préciser le président, avant de compléter ses propos : « on demande qu’il y ait une stratégie ». En effet, les deux plans d’actions mis en œuvre au cours de ces dernières années, « Mayotte 2025 » et « plan pour l’avenir de Mayotte », ont eu des effets mitigés.

Si le premier, annoncé en 2015, prévoyait 324 actions, aucun moyen ne lui a été affecté et « les objectifs souvent imprécis n’abordaient « pas les questions de sécurité et d’immigration ». Quant au second, élaboré en urgence suite à la crise sociale de 2018, malgré une dotation de 1,3 milliard d’euro, « la création d’une agence régionale de santé et d’un rectorat de plein exercice, la relance de la lutte contre l’immigration clandestine et le renforcement des moyens consacrés à la sécurité », son suivi structuré n’a été que de courte durée alors même que la partie investissement, la plus longue à mettre en œuvre, est toujours en cours.

Des recommandations aux actes, rien n’est moins sûr

Dès lors, quel développement pour Mayotte ? « Il faut une stratégie bien formalisée avec les indicateurs, un plan défini », souligne Nicolas Péhau. Pour ce faire, le rapport préconise 13 recommandations, regroupées en 4 thématiques : consolider l’action des pouvoirs publics, renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, promouvoir un développement soutenable du territoire. Seront-elles pour autant suivies d’effets ? « Notre travail s’inscrit dans la persévérance », témoigne le président, « on ouvre un espace un peu critique pour faire réfléchir » afin de « modifier le paradigme pour amener les acteurs à se poser les bonnes questions ».

Pour consulter le rapport, cliquer ici.

Pierre Mouysset

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