Future Maore Reefs, « c’est un projet interdisciplinaire, cela va de l’anthropologie, de la science de l’éducation, de la paléoclimatologie en passant par l’écologie marine, la biologie du corail, etc » explique Aline Tribollet, directrice de recherche de l’Institut de Recherche pour le Développement, à l’origine de ce projet dont nous vous parlions déjà à son lancement. « On a vraiment regroupé plein d’expertises, pour s’attaquer à différentes problématiques. A la fois comprendre la relation entre la population et son environnement marin, qu’est-ce qu’elle connait, est-ce qu’elle s’intéresse, est-ce qu’elle a envie de protéger, quel est son niveau de connaissance? A partir de là ça va nous permettre aussi de développer des outils pour mieux la sensibiliser et l’intéresser au milieu marin et à sa protection, on a un axe sur la compréhension de la dynamique des récifs coralliens dans le contexte des changements globaux, donc savoir s’ils sont résilients, quels sont les coraux qui jouent un rôle écologique majeur, parce qu’il y a des coraux qui vont avoir des rôles plus structurants que d’autres ».
A partir de l’observation de la nature, les scientifiques extraient des informations permettant de trouver des solutions basées sur la nature afin de restaurer du récif corallien, étape absolument nécessaire : « On ne peut pas bouturer comme ça tout azimut sans savoir si ce qu’on bouture est pertinent d’un point de vue écologique, si ça va être résilient, viable à long terme, donc on s’intéresse à ces questions-là ».
Susciter l’adhésion de la population
Outre le volet scientifique, le projet s’attache à impliquer la population, alliant ainsi pédagogie et sensibilisation autour des problématiques de la préservation des écosystèmes marins. « Tout cela fonctionne si la population adhère à ce qu’on fait, si elle comprend ce qu’on fait, pourquoi on le fait, et pourquoi c’est important pour elle. D’où le volet très important de la science de l’éducation, de la sensibilisation, et l’implication vraiment forte de deux classes, une de Bondi (Île de France), une de Mayotte, dans ce projet tout au long de l’année » reprend la directrice de recherche. Ainsi ces deux classes de scolaires ont pu profiter d’animations régulières tout au long de l’année, participant le mois dernier à un atelier de bouturage des coraux. « C’était important d’impliquer la métropole pour avoir un regard croisé : les enfants de Mayotte et d’Île de France comprennent ainsi qu’on est tous sur la même planète, dans le même bateau, et que chacun a une action à faire sur l’environnement ».
Développer l’île en préservant ses écosystèmes
D’ici septembre prochain, les premiers récifs coralliens artificiels devraient pouvoir le jour sur l’île au lagon. Ceci rendu possible par trois suivis réalisés sur différents récifs, respectivement près de l’aéroport, de l’île blanche et de l’îlot Mtsamboro. Des récifs aux conditions contrastées, aux problématiques différentes qui vont permettre d’en apprendre plus sur les conditions de vie de ces animaux fascinants à la complexité réelle. Comme l’explique François Guilhaumon, co-coordinateur du projet, « il existe un très grand nombre de coraux sur la planète, à peu près 825 espèces à l’échelle du monde, et à Mayotte on a 150 de ces coraux qui sont présents, c’est vraiment beaucoup (…) on a vraiment un point chaud de biodiversité corallienne, un écosystème très dynamique très riche mais très complexe de ce fait.
Le but c’est d’abord de comprendre comment les différents types de coraux contribuent à la dynamique du récif, sa croissance et sa complexité, pour pouvoir trouver des solutions basées sur la nature pour ensuite proposer des mesures de compensations ». Mesures de compensation qui rappelons-le sont rendues obligatoire par la loi et obligent à compenser toute destruction de récif corallien par la création d’un récif artificiel à proximité de la zone impactée, comme l’explique le scientifique.
« Sur ce récif artificiel, reprend M Guilhaumon, on installe des boutures de coraux, et notre but, c’est en comprenant la dynamique des différents types de coraux, de trouver la meilleure combinaison de boutures à placer sur les récifs artificiels pour fabriquer un écosystème qui ressemble et qui fonctionne le plus comme les écosystèmes naturels. En jouant sur la nature des coraux qu’on va implanter sur ces récifs artificiels, on va pouvoir moduler sa résistance aux impacts hydrodynamiques, par exemple les vagues, la houle, les tempêtes. On va ensuite pouvoir moduler sa complexité, sa capacité à abriter de la faune associée, et procurer un service à la population, c’est à dire la pêche ». Piste longue, pôle d’échange multimodal de Mamoudzou, boulevard de contournement… Les grands travaux se multiplient sur l’île au lagon, la maîtrise et la préservation des écosystèmes marins vont devenir nécessaires pour que ces projets puissent légalement et écologiquement voir le jour.
Mathieu Janvier