Théophane Narayanin apprécie sans doute la musique, mais à ce jour il n’a toujours pas digéré le coup d’accordéon qui lui a fait perdre près de deux millions d’euros dans une opération de recapitalisation, alors qu’il était avec 5% du capital le plus gros investisseur privé d’Air Austral. L’homme d’affaires réunionnais, qui partage son activité entre Mayotte, Madagascar, Maurice et son île natale, n’a pas été le seul à être lésé. De nombreux petits actionnaires parmi lesquels des membres du personnel ont également laissé des plumes, mais Théophane Narayanin est le seul à continuer à être le poil à gratter de la compagnie réunionnaise.
Alors qu’Air Austral a posé pour la première fois vendredi à Mayotte son B.787-8, Théophane Narayanin est à nouveau monté au créneau. Selon nos confrères du Journal de l’île de La Réunion, se trouve dans le collimateur de l’homme d’affaires, le déplacement à Seattle de la délégation réunionnaise. «On pourrait comprendre la présence de certains administrateurs, des membres du personnel, mais (pas) cautionner des dépenses en vols surclassés, des frais d’hôtel et de restaurant équivalant au bas mot à près de 10.000 euros de dépenses par tête qui auraient pu être investis plus judicieusement,» s’interroge l’homme d’affaires.
Les enjeux de la ligne Mayotte-Réunion
Au-delà de l’importance de la délégation politique, Théophane Narayanin cible plus particulièrement la présence de Lionel Montocchio, directeur de la sécurité et de l’Aviation civile océan Indien (DSACOI).
«Censeur du conseil de surveillance de l’aéroport, ses coûts de déplacement auraient dû être supportés logiquement par son ministère de tutelle et non par des investisseurs privés via la compagnie Air Austral», dénonce Théophane Narayanin qui accuse Lionel Montocchio de profiter «de petits cadeaux, surclassements, voyages gratuits ce qui ressemble beaucoup à de la corruption d’un haut fonctionnaire. C’est dans ces conditions que l’on cloue le bec à la concurrence comme Corsair qui souhaite ouvrir une ligne Mayotte-Réunion en préservant la poule aux œufs d’or que constitue pour Air Austral cette ligne avec un prix des billets qui constitue un véritable racket».
Ses doutes sur le vol direct
Théophane Narayanin n’écarte pas l’éventualité de déposer une plainte pour abus de biens sociaux et trafic d’influence.
L’homme d’affaires réunionnais ne croit pas à la desserte directe Mayotte-Paris. «Déjà avec le B.737 par temps de pluie, il arrive que l’on laisse les bagages et le fret au départ de Dzaoudzi. Le B.787 ne pourra faire le vol direct qu’avec 180 passagers. Je reste persuadé que dans quelque temps les vols Mayotte-Paris repasseront par la Réunion comme cela s’est produit avec le B.777 200 LR. Entre-temps on aura déstabilisé Réunion-Roland Garros en le privant du trafic de transit venant de Mayotte.»
«Trop de représentants politiques»
Théophane Narayanin affiche le même scepticisme par rapport au projet de Didier Robert pour sauver Pierrefonds, l’aéroport de Saint-Pierre, au sud de l’île, rappelant ses préconisations faites en 2012: la «création d’une véritable compagnie low-cost avec des actionnaires, Air Austral et Sematra minoritaires et le privé majoritaire. Cette compagnie basée dans le Sud aurait une vocation régionale et nationale et affréterait ses avions auprès d’Air Austral.»
Globalement Théophane Narayanin dénonce «un management opaque» au sein d’Air Austral avec une présence trop importante de représentants issus de la sphère politique. «Que ce soit les discussions sur les salaires, les départs volontaires négociés ou encore les rapports d’audit, les informations nous sont cachés avec une rétention tenace. Dans ce conseil d’administration aucun gestionnaire affûté, aucun spécialiste de l’aéronautique, souvent des joueurs de la troisième division pour s’amuser avec l’argent des contribuables.»
Le JDM
Avec le JIR.