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jeudi 25 avril 2024
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"Ibrahim enfant broyé", enquête sur une "absurdité" judiciaire

Le Journal de Mayotte a prêté son concours à une enquête du Quotidien de la Réunion pour retrouver Ali Ibrahim, un mineur accusé de viol, incarcéré pendant un an alors que l'ADN sur la victime n'était pas le sien. Il a été expulsé alors qu'il avait interdiction de quitter le territoire. "Absurde" selon son avocate.

L’affaire fait la Une du Quotidien de la Réunion ce vendredi. Marjane Ghaem, avocate du jeune homme dénonce une situation « parfaitement absurde ».
Ibrahim Ali Mohamed a 16 ans lorsqu’en octobre 2016 il fait l’objet d’une accusation de viol à Passamaïnty. Le garçon, titulaire d’un CAP en climatisation après des études à Mayotte, aurait suivi une jeune femme dans la rue et l’aurait enlacée devant chez elle. Selon ses déclarations à la police, le comportement du jeune homme participe au mieux d’un harcèlement poussé, au pire, d’une agression. Mais c’est de viol que la victime présumée l’accuse. Lui, nie formellement tout acte de pénétration.
Ce soir du 12 octobre 2016, la jeune femme envoie un SMS d’appel à l’aide, ne parvenant pas à éloigner le mis en cause, et rapidement une foule se lance à sa poursuite. Frappé à plusieurs reprises, il se réfugie chez un habitant du quartier où la police vient finalement l’interpeller, le soustrayant ainsi à la vindicte populaire.
Hospitalisé pour la nuit, il est dès le lendemain placé en garde à vue. Si les déclarations du garçon, jugé « fragile » par son avocate, varient d’une audition à l’autre, il persiste à nier le viol, reconnaissant toutefois ce qui s’apparente à des attouchements de nature sexuelle. A ce moment-là, c’est parole contre parole.
L’ADN parle… un an plus tard

Le Quotidien fait sa Une sur cette enquête menée depuis plusieurs mois

Une information judiciaire est ouverte, et après présentation à un juge d’instruction, l’adolescent est placé en détention provisoire à Majicavo. L’idée est alors de le garder à disposition de la justice en attendant, d’une part, le résultat des analyses ADN, d’autre part, la confrontation avec la plaignante.
Mais l’affaire se complique pour Ibrahim Ali Mohamed. Un mois plus tard, il semble que sa détention se passe mal. Il est alors envoyé en prison à Domenjod, à La Réunion. Au JDM, son avocate Marjane Ghaem s’interroge sur ce transfert, alors qu’elle « jamais reçu de rapport d’incident » du centre pénitentiaire de Mayotte concernant son client.
Pendant l’année qui suit, la plaignante ne répond plus aux convocations de la justice, et la confrontation tant attendue n’a pas lieu.
La détention se poursuit jusqu’en novembre 2017, lorsque, un an après les analyses ADN, les résultats sont envoyés aux parties. Et là, surprise, il apparaît que l’ADN retrouvé n’est pas celui du garçon emprisonné.
Sa détention venait d’être prolongée pour 6 mois supplémentaire quand Marjane Ghaem demande à la lumière de l’analyse ADN la remise en liberté de son client. La parquet fait appel, mais deux décisions du juge confirment la fin de la détention. Libéré sous contrôle judiciaire, le jeune homme, alors âgé de 17 ans, se rend chez un oncle à La Réunion où il passe quelques jours. Convoqué pour une audition, il s’y rend de lui-même, prouvant qu’il ne souhaite pas se soustraire à la justice.
Une expulsion « absurde »

Mi décembre, nouveau coup de théâtre. Le préfet de la Réunion émet à l’encontre d’Ibrahim Ali Mohamed une obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de retour de trois ans.
Dans les colonnes du Quotidien, l’oncle du jeune homme raconte
« Mercredi 13, j’ai reçu un appel de la Police qui voulait avoir confirmation de mon adresse, (…) Jeudi 14, à 6 h00, cinq policiers en combinaison noire ont tapé à ma porte. Ibrahim n’était pas encore levé. Je leur ai ouvert. Ils m’ont intimidé en me demandant où j’avais récupéré les télés de mon appartement. Ibrahim a juste eu le temps de laver sa figure, puis ils l’ont pris, sans brutalité. Ils lui ont passé les menottes. Ibrahim demandait où ils allaient, ils lui ont dit qu’il verrait ça plus tard. Il n’a même pas pris son sac avec ses habits et ses cours, il est parti en jeans et en tee-shirt. Je n’ai plus eu de nouvelle ».
Sans que son avocate en soit informée, il est envoyé d’abord à Mayotte en avion, puis conduit à Moroni où, originaire d’Anjouan, il se retrouve livré à lui-même.
Pour Marjane Ghaem, cette expulsion est « parfaitement absude. Même s’il voulait revenir pour être jugé, il ne le pourrait pas, alors qu’il y a des jurisprudences et même un arrêt du Conseil d’Etat qui disent qu’une personne qui est sous contrôle judiciaire doit rester à disposition de la justice ».
« Mes souvenirs pour ne jamais rester seul. Mon courage pour affronter ma peur »
 
Ibrahim Ali Mohamed avec sa maman Soidaanti Madame à Anjouan (Photo Franck Cellier Le Quotidien de la Réunion)

C’est par le JDM, alors que l’enquête journalistique avance depuis plusieurs semaines, qu’elle apprend que son client se trouve aux Comores. Elle prend immédiatement contact avec la préfecture de la Réunion, qui ne répond pas. Puis se rend à Moroni. Mais son client n’y est plus, étant parvenu à rallier Anjouan où réside sa mère. Cette semaine, le journaliste Franck Cellier, qui signe l’enquête pour le Quotidien, s’est rendu à Anjouan où il a pu rencontrer le jeune homme. Il décrit un jeune majeur « brisé », « paralysé par la peur ».
« Il considère son retour comme un échec et apparaît traumatisé par son calvaire judiciaire. Tout juste chuchote-t-il qu’il veut se faire soigner » écrit le journaliste. Ce dernier a accepté de rapporter à l’expulsé quelques affaires, laissées chez son oncle de La Réunion. Dans le sac, un cahier d’école où figurent ces quelques lignes :
« Si on te proposait le voyage de ta vie… Peut-être que tu ne pourrais pas refuser… Dans ce cas, qu’emporterais-tu et pourquoi? Mes souvenirs pour ne jamais rester seul. Mon courage pour affronter ma peur »
Le Quotidien de la Réunion commente: « Il a eu droit à l’exact contraire. Sa peur le paralyse et il n’arrive plus à se souvenir sans être assailli de tremblements.  »
Pendant ce temps, l’instruction est toujours en cours pour « viol », et le jeune homme interdit de retour pourrait néanmoins être poursuivi devant une cour d’assise.
« On parle de faits criminels  graves, déplore Me Ghaem. S’il y a une ordonnance de renvoi devant une cour d’Assises, il faut qu’il soit là, qu’il puisse se défendre. »
Elle devrait dès ce week-end se rendre à son tour à Anjouan pour rencontrer son client, et peut-être, ramener des éléments utiles à remettre à la juge chargée de l’instruction.
Avec l’espoir de sortir de ce non-sens judiciaire. Tant dans l’intérêt d’Ali Ibrahim et des droits de la défense, que de la plaignante.
Yohann DELEU

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