La présence de manganèse à un taux anormalement haut a été révélée par la Mahoraise des Eaux ce vendredi. Une première à Mayotte, qui a laissé dépourvus les acteurs de l’eau dans un premier temps. Nous avons contacté Françoise Fournial, directrice de la SMAE (Vinci Construction DOM-TOM) pour connaître les risques et les actions menées dans les jours et semaine à venir.
Si le manganèse est présent naturellement dans l’eau, il a été révélé en quantité plus élevée que d’habitude depuis plusieurs jours dans la retenue collinaire de Dzoumogné, les investigations sont en cours pour en comprendre la raison : « Avec des niveaux bas de retenue collinaire, nous assistons peut-être à une atrophisation du milieu, avec une surconsommation des algues en oxygène, qui pourrait inciter le manganèse présent dans les sédiments à se dissoudre dans l’eau, une hypothèse émise par l’ARS. Mais nous ne comprenons pas pourquoi nous ne retrouvons pas cette situation dans la retenue collinaire de Combani, elle même en niveau assez bas en cette fin de saison sèche. »
Tant mieux, car la retenue historique fait partie des solutions de court terme : « Etant donné que nous n’avons pas de traitement spécifique contre le manganèse à l’usine de Bouyouni, tous les villages* qu’elle alimente sont impactés. Celui de Mamoudzou n’est pas concerné, étant desservi par l’usine sise en haut de la côte Sogea. En Petite Terre, une partie de la population est alimentée par l’usine de dessalement, sauf Labattoir et Dzaoudzi qui, dans une moindre mesure, sont alimentés par Bouyouni. Nous avons dans un premier temps fait baisser le taux de manganèse en alimentant l’usine de Bouyouni avec la retenue collinaire de Combani. Depuis vendredi, les résultats sont satisfaisants. Mais cela suppose de ponctionner dans Combani dans une proportion plus importante, il faut doser pour ne pas assécher la retenue ».
Des abus d’usage des cuves
Un plongeur a également été envoyé dans la retenue collinaire de Dzoumogné, « pour prélever des échantillons tous les mètres, le long de la colonne d’eau. S’il s’avère que les taux sont moins importants à une certaine profondeur, nous y déplacerons la prise d’eau de Bouyouni. »
A plus long terme est envisagé de mettre en place un traitement spécifique contre le manganèse, « nous allons faire une proposition au syndicat des Eaux qui décide des investissements. » Malgré l’état des finances du SMEAM, il faut espérer que celui-ci puisse trouver un appui de l’Etat quand il s’agit de mesure de salubrité publique. Mais les délais de livraison sont à intégrer à la gestion de cette mini-crise de l’eau : « Il faut faire venir de l’oxyde de manganèse qui permet de capter ce corps chimique lorsque l’eau passe par les filtres. IL faut en effet compter avec les délais d’approvisionnement fournisseur, et le transit maritime ».
Les risques ne portent pas sur une consommation de court terme, annonce la directrice de la SMAE, « et à moins de 300 µg**par litre (la limite est de 0,4 mg/l, ndlr), il n’y a pas d’impact pour les adultes et les grands enfants sur une courte période, seule une recommandation a été émise pour les 0 à 4 ans par l’ARS, mais le risque porte sur une consommation de long terme et tous les jours. » S’il faut prendre toutes les précautions, il faut savoir raison garder selon Françoise Fournial.
Et faire preuve de civisme, et non d’égoïsme lorsque des solutions alternatives sont mises en place : « Cinq cuves de 6m3 (6.000 litres) sont installées dans les zones impactées, elles sont remplies 2 fois par jour. Or, on nous a rapporté qu’à Doujani, certaines l’utilisent pour faire leur lessive. Je répète que cette eau est destinée aux biberons des 0 à 4 ans. »
Anne Perzo-Lafond
* Sont concernés les villages de Bouyouni, Longoni, Kangani, Trevani, Koungou, Majicavo, Koropa, Majicavo Lamir, Hauts Vallons, Kaweni, Cavani, Cavani sud, Mandzarsoa, M’Tsapéré, Doujani, Ambassadeur, Passamainty-Ngnambo Titi, Convalescence, La Vigie, Labattoir et Dzaoudzi.
** 1 μg/l = 0,001 mg/l. Des études demandent d’abaisser ce seuil défini par l’OMS, car à forte dose, le manganèse devient neurotoxique et peut entraîner des troubles, problèmes moteurs, déficit de mémoire, signes de dépression, et impacter le Quotient intellectuel des jeunes enfants