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Gilles Halbout : « La scolarité, le temps périscolaire et les parents, sont les trois briques de la construction du jeune »

Arrivé en août 2019 comme vice-recteur dans un contexte de montée en puissance de nos institutions à Mayotte, dont une ARS de plein exercice, Gilles Halbout n’a pas été un simple représentant de l’Etat, ne serait-ce que de par son implication quotidienne. La situation à Mayotte est complexe, avec une population toujours plus nombreuse à scolariser et la montée de la délinquance juvénile, qui l’aura incité à mettre en place des outils parfois inédits dans un département.

Les années Covid et la gestion de l’enseignement à distance semblent déjà un lointain souvenir tant les problèmes à régler sont nombreux à Mayotte. Seul territoire de France à voir la croissance des scolarisés augmenter de 5,3%, et à avoir obtenu 330 créations de postes pour 2023. Présent sur chaque événement et sa communication, celui dont le mandat était d’installer un rectorat aura été en empathie avec le territoire jusqu’au dernier instant. Au point de rencontrer son successeur, ce qui ne se voit que trop rarement chez les représentants de l’Etat. Nous l’avons sollicité pour une dernière interview, au moment de sa prise de fonction à la tête d’une académie qui lui est également chère, Orléans.

Trois ans et demi, c’est beaucoup ou pas assez ?

Gilles Halbout : Trois ans et demi, c’est très bien. Ça laisse le temps de caler les choses, de lancer les actions. Il ne faut pas rester trop longtemps, et s’installer dans une sorte de gouvernorat, avec le risque de faire à la place de tout le monde. L’action dans la durée appartient aux élus. Moi, j’ai pu lancer les projets.

Quels ont été les rouages à activer pour évoluer de vice-rectorat à rectorat ?

Gilles Halbout : Je commencerai par le dernier acquis, la paye intégrée à partir du 1er janvier de cette année 2023. Nous sommes désormais alignés sur les outils nationaux, ce qui va limiter les erreurs.
Sur le plan pédagogique, il fallait mettre en place les chantiers nationaux, comme les classes prépa, le dédoublement des CP-CE1, l’orientation, Parcoursup, la Licence Accès Santé. Alors qu’avant, on pouvait être dérogatoire, là, il ne faut plus prendre de retard sur les nouvelles mesures. On nous disait, ‘les évaluations en CP ou CE1, c’est compliqué, il y a d’autres priorités ici’. Mais si on ne l’avait pas fait, on ne pourrait pas situer le niveau et mettre en place les politiques adaptées.

Fervent défenseur d’une présence sur le terrain, Gilles Halbout au sein d’une classe itinérante

Parmi ces déclinaisons des politiques nationales, l’obligation de scolariser à partir de 3 ans, et non plus dès 6 ans, de la loi de l’Ecole pour la confiance est tombée sur un territoire en grand déficit d’écoles, puisqu‘il manque plus de 800 classes.

Gilles Halbout : Nous ne nous sommes pas dit, ‘à Mayotte, on ne peut pas le faire’, tout au contraire, mais avec un calendrier d’adaptations autorisé par le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. Évidemment, certains ont été excessifs en déposant plainte au tribunal administratif alors que conformément à ce qui a été décidé, nous avons commencé par les grandes sections, puis les moyennes sections et enfin, les plus petits à venir. Etant donné le déficit en salles de classe, nous avons dû mettre en place les classes itinérantes, et le rectorat a initié en 2021 une convention avec l’AFD et les maires pour l’accélérer, et cela commence à porter ses fruits, plusieurs constructions sont programmées.

Des avancées sociales demandées de longue date par les syndicats ont été obtenues, que ce soit pour les AESH*, les contractuels, ou les retraites des instituteurs. Quelle a été votre méthode pour débloquer la situation ?

Gilles Halbout : D’abord toutes ne relèvent pas du ministère de l’Education nationale. Ensuite, pour avancer nous avons voulu rédiger une feuille de route Ressources Humaines avec les organisations syndicales, les élus, les cadres, le personnel, etc. Et cette feuille de route trace notre trajectoire. Certaines mesures vont prendre du temps, d’autres ont été appliquées. Comme des contrats plus longs pour les contractuels, la possibilité d’une mobilité vers les collectivités d’Outre-mer pour les enseignants, l’Indemnité de sujétion géographique (ISG) portée non plus à 4 ans mais à deux fois 2 ans, ça permet aux collègues de ne pas craindre un engagement trop long sur le territoire, et la même ISG allouée aux nouveaux contractuels. Il reste l’indexation que les organisations syndicales demandent à 53%, alors qu’elle est à 40% ici auxquels il faut ajouter l’ISG. Le conseil départemental était frileux en raison de l’impact sur la masse salariale de la fonction publique territoriale. La question reste à trancher.

Lors d’un débrayage au collège de Majikavo en septembre 2020

Et il ne faut pas oublier plusieurs mesures de revalorisation salariale déployées sur le plan national notamment pour les jeunes professeurs, et nous en avons beaucoup à Mayotte, mais aussi pour les AESH* et les AED*.
Le dossier de la retraite des anciens instituteurs recrutés par la collectivité départementale avant de basculer chez nous, est clos. Nous avons permis des compensations financières, pour lesquelles nous travaillons à une meilleure communication auprès des concernés, comme nous ont alerté les syndicats.
Je voudrais dire que nous sommes restés dans un dialogue constant avec ces derniers, avec des mesures transparentes, ouvertes.

Les deux représentants de l’Etat prennent le relais des jeunes sur leurs slogans

Les établissements scolaires comme les bus sont devenus des terrains de règlements de compte entre bandes. Les premiers ont été bunkerisés, et les seconds en prennent le chemin. Quel regard portez-vous sur cette évolution rapide ?

Gilles Halbout : Le gros problème c’est que le temps scolaire réparti sur un an représente 10% de l’emploi du temps du jeune. C’est peu, mais c’est le seul moment d’activité encadrée où ils peuvent se retrouver, en raison du déficit d’associations, d’activités culturelles, sportives, du nombre insuffisant d’adultes par rapport aux jeunes sur ce territoire, etc. Donc quand ils arrivent dans les établissements, ils passent de rien à tout.
Pour faire face, nous avons accru le nombre d’Equipes Mobiles de Sécurité, de vidéo protection, et mis des moyens conséquents sur la vie scolaire. Nous avons travaillé sur le vivre ensemble, pour casser ces récré partitionnées, pour qu’ils se mélangent, nous avons proposés des ateliers anti-harcèlement, notamment le cyber-harcèlement, et l’éducation aux médias étant donné que beaucoup de choses se jouent sur les réseaux sociaux.
Il faut continuer le travail sur le périscolaire afin que les jeunes aient davantage d’actions proposées en périphérie du temps passé à étudier. Nous avons mis de l’argent sur la réussite éducative dans le cadre du PEDT*, mais il faut que de leur côté, les communes se structurent, forment leur personnel. Il y a actuellement un frémissement dans certaines communes qui proposent des activités pendant les vacances. Il faut multiplier les lieux de rencontres pour éviter les retrouvailles brutales au collège ou au lycée. Le périscolaire intègre désormais cinq acteurs, l’Education nationale qui a été moteur, la préfecture, le conseil départemental, l’Association des maires et la Caisse de sécurité sociale.
Ce temps périscolaire, c’est vraiment l’enjeu des prochaines années car cela va infléchir les pressions sur l’école. Les jeunes tournent en rond, désœuvrés dans leurs quartiers, se recherchent, se retrouvent au lycée, et cela se passe mal.

Les protections renforcées du lycée de Kahani

Le deuxième point, c’est le travail avec les parents. Nous l’avons mené avec la FCPE et l’UD CSF en voulant qu’ils prennent leur place dans les établissements. Au départ ça a été difficile, mais les dispositifs comme ‘l’école ouverte’ ont permis d’ouvrir l’école aux parents pour la réussite de leurs enfants, il faut leur faire confiance du moment qu’on les familiarise avec l’organisation de la République, comme Pronotes, ils deviennent alors de vrais acteurs de l’orientation de leur enfant.
Pour résumer, la scolarité, le temps périscolaire et les parents, sont les trois briques qui œuvrent dans la construction du jeune.

Vous avez initié dès votre arrivée l’Observatoire des violences. Pourquoi et où en est-il ?

Gilles Halbout : C’est un très bel outil dont le fonctionnement a été un peu suspendu car il devait intégrer le Conseil de la Culture, de l’Education et de l’Environnement, je ne sais pas où en sont les discussions avec le CD. Les acteurs ont bien travaillé, nous avons eu des contributions écrites intéressantes, cela permet de dresser un état des lieux, et de bénéficier des analyses de chercheurs et de chercheuses.

Vous avez appris le shimaore, pourquoi ?

Gilles Halbout décoré de la Légion d’honneur en famille par le ministre Blanquer

Gilles Halbout : Tout d’abord, quand on va sur un territoire, on doit en comprendre la culture, la langue. J’ai commencé par ça, car une langue dit beaucoup sur la manière de vivre, et permet en échangeant quelques mots, de comprendre qu’on se dit les choses différemment.
D’autre part, sur le plan pédagogique, la langue maternelle de la plupart des élèves n’étant pas le français, comprendre le mécanisme du shimaore, avec les classes nominales notamment, était indispensable avant de mettre en place le plan ‘Dire, lire et écrire’, pour comprendre les difficultés d’apprentissage des élèves. Il faut savoir comment appréhender le shimaore et le kibushi au sein de l’école, non pas pour le parler pendant des années, mais comme un pont vers le français. Certains élèves qui n’ont entendu parler que le shimaore sont un peu tétanisés en classe, l’accueil en shimaore pour amener vers le français, notamment par les contes traduits dans les deux langues par Nassur Attoumani, ou par le travail proposé par Rastami Spelo, sont un bon biais.

Les fables de La Fontaine traduites en deux langues, un prix remis aux élèves

Vous êtes depuis le 2 janvier le recteur d’Orléans, un nouveau challenge ?

Gilles Halbout : Il y a trois ans et demi, ce fut une grande chance de venir à Mayotte, et là, partir à Orléans est plus que symbolique. C’est le berceau familial de mes grands-parents instituteurs, et ma maman a été élève à l’école Normale d’Orléans.

Votre successeur à Mayotte l’universitaire Jacques Mikulovic, va-t-il bénéficier d’un tuilage ?

Gilles Halbout : Dès sa nomination, nous avons été en interaction, et je l’ai rencontré le 30 décembre dernier.

Un mot de conclusion sur votre tranche de vie mahoraise ?

Participation du recteur à un manzaraka en 2019

Gilles Halbout : J’ai eu la chance de travailler avec des hauts fonctionnaires avec qui le courant passait bien, et d’avoir été bien accueillis par les élus, les parents, les cadres de l’Education nationale et des amis.

Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond

* AESH : Accompagnant d’Elèves en Situation de Handicap
AED : Assistant d’Education
PEDT : Projet Educatif Territorial

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