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Rapport du GIEC : Mayotte en première ligne face au changement climatique

Les îles tropicales sont particulièrement touchées par le changement climatique, alerte Ali Madi, président de la fédération mahoraise des associations environnementales. Pour lui, les conséquences sont déjà visibles ici. Des solutions locales existent mais "il faut changer de cap" plaide ce militant de l'environnement.

« Décarboner de toute urgence », face à une réchauffement climatique « plus rapide que prévu », le GIEC, groupe international d’experts sur le climat tire une fois de plus la sonnette d’alarme.

Et s’il est encore des gens pour douter du changement climatique et des risques qu’il induit, ce dernier est déjà bien sensible à Mayotte.

« La taille du territoire rend les conséquences plus graves à Mayotte, le réchauffement est plus sensible sur les îles en général, et sous les tropiques en particulier » indique Ali Madi, président de la FMAE, la fédération mahoraise des associations environnementales.

Parmi les effets annoncés du changement climatique global, « Météo France dit qu’il continuera à pleuvoir la même quantité d’eau par an, mais sur trois mois, entre janvier et mars, au lieu de cinq. Comme on ne pourra pas stocker cette eau, on n’en aura pas suffisamment. Il faut repenser la manière de stocker l’eau » prévient le militant.

Par ailleurs, la montée du niveau de la mer menace directement les populations, principalement concentrées sur le littoral mahorais. Avec la subsidence liée au nouveau volcan, la montée des eaux est encore accentuée, et les conséquences sont déjà inquiétantes sur tout le littoral. « En Petite Terre, des maisons ne tiennent plus du côté de la mer. Ces maisons ont tenu pendant des années mais elles sont maintenant en train de s’effondrer » déplore Ali Madi qui prédit « un vrai défi ».

« Si on va dans la commune de Bandrélé, on peut voir que des plages sont totalement érodées, alors qu’elles étaient plus stables avant. A Hagnoundrou il faut une digue pour protéger le cimetière qui est en train de partir en mer » poursuit le président de la FMAE. D’ailleurs, les digues aussi, souffrent. « D’une façon générale, les digues, à Sada ou à Koungou par exemple, ont protégé pendant des années de la montée des eaux, et aujourd’hui toutes les municipalités demandent des financements car les digues sont dépassées ». Autre conséquence de la montée des eaux : du sable remonte dans les écoulement d’eau de pluie. « Les caniveaux sont parfois plus bas que le niveau de la mer, à Kani Be on voit que du sable empêche l’eau de s’écouler, l’eau stagne et devient un gîte larvaire pour les moustiques, qui sont un vecteur de maladies comme le paludisme ». Et la montée des eaux n’est qu’un des « différents effets du réchauffement qui sont problématiques pour nous. Avec la mer qui monte il faudra penser à déplacer certains villages mais notre alimentation s’en trouve aussi chamboulée ».

En effet, la submersion marine est un des « trois effets » du changement climatique, explique Ali Madi. Les deux autres sont l’excès d’eau, à cause de pluies plus violentes, et la sécheresse le reste du temps. Et là encore, les effets se font ressentir bien au delà de nos robinets. « Quand on dit chaleur, on dit plus d’évaporation des retenues collinaires, et donc moins d’eau pour l’humain et les plantes. Or, songe et bananes demandent beaucoup d’eau et risquent d’être remplacés par des plantes moins gourmandes en eau comme le manioc. A Mtsangamouji ou Ouangani, on produisait énormément de songe, et on en produit de moins en moins » constate-t-il. « On a déjà de moins en moins d’ambrevades » regrette le naturaliste.

Des pratiques qui aggravent la situation

La journée internationale du climat sera célébrée en décembre cette année annonce la FMAE

Et la situation est d’autant plus inquiétante que les solutions mises en œuvre pour garder une récolte rentable aggravent parfois la situation. « A Mayotte, les pratiques notamment agricoles font que les effets du réchauffement climatique sont plus visibles. Il y a un effet boomerang, les brûlis c’est une terre plus sèche, c’est moins d’ombre, plus d’évaporation et des arbres qui ont plus de mal à pousser ». Avec pour conséquence une eau qui est moins bien retenue dans la terre, et les effets que l’on connaît.

Mais, rassure le bénévole, ce cercle vicieux n’est pas une fatalité, et Mayotte peut agir à son niveau contre les effets du réchauffement planétaire. Si pour lui, « clairement il faut changer de cap », une « note de positivité » est à soulever. « Des gens s’activent déjà à lutter contre les effets du réchauffement climatique sur le littoral, en replantant dans les mangroves, autour des rivières ou dans les padzas ».

Mais il reste du chemin à parcourir, tant sur le terrain de la volonté politique, que de la sensibilisation du grand public.

« A Mayotte malheureusement, il y a une coupure entre la science et la réalité. Comme la science est beaucoup portée par les Mzungus, beaucoup de Mahorais ont du mal à les comprendre. Ce n’est pas sur que les élus mahorais comprennent tous que ces solutions ont du sens. On promeut des grandes digues, mais on voit aux Pays Bas notamment que ces solutions qui ont été efficaces par le passé ne font plus leurs preuves.

Il faut laisser un peu plus de place aux sciences, c’est un vrai travail que l’on mène à la FMAE, si le GIEC dit quelque chose, ça a du sens. Ce n’est pas qu’à Mayotte. » Pour y parvenir, la FMAE milite pour un centré dédié.

Ali Madi

« Il faudrait créer un observatoire du réchauffement climatique à Mayotte, ça demande aussi des finances et des gens qui y travaillent. Cela permettra à des scientifiques de faire des études sur la montée des eaux, l’alimentation, la ressource en eau etc. Quand on aura ces études on pourra convaincre les politiques » espère Ali Madi.

En 2020, la fédération avait organisé à Mayotte un événement à Kani Be pour la journée internationale du climat. Elle espère pouvoir réitérer l’expérience en décembre pour peser sur les collectivités locales, et faire prendre conscience de l’urgence à agir.

Y.D.

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